Modèles imprimés en 3D
Le verdict du temps
Texte et photos : Laurent
Schmitz
Cela fait maintenant un peu plus d'un an que
j'imprime, assemble et fais voler des avions au départ de fichiers
3D. Le moment est donc venu de faire le point sur cette nouvelle technologie.
Quels en sont les avantages et inconvénients et que nous réserve
l'avenir ?
J'ai reçu mon imprimante 3D
fin août 2022 mais ce n'est que quelques semaines plus tard
que j'ai lancé l'impression de mon premier modèle,
après m'être fait la main en produisant l'arsenal
de charges externes destinées à mon gros A7
Corsair II.
Le Ta152H
de 3DLabPrint s'est avéré être un bon premier
modèle, facile à assembler et présentant
de bonnes caractéristiques de vol. Après avoir endommagé
les ailes suite à un "test de solidité",
j'ai réimprimé une voilure, cette fois du modèle
Ta152C. Celui-ci vole encore mieux.
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Ta152C (3DLabPrint). |
J'ai ensuite imprimé le petit Piper Cub de 3DLabPrint
pour un copain, puis un Pseudo Su-27 monoturbine dessiné
par un membre de mon club. Un beau modèle mais trop lourd
pour sa taille et qui a fini en morceaux en sortie de catapulte…
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Ta152H (3DLabPrint). |
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Piper Cub (le fichier est gratuit
sur 3DLabPrint.com, profitez-en !) |
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Pseudo Su-27 monoturbine. |
Le Ta-152H me plaisait tellement que je l'ai agrandi, avec train rentrant
et dérive fonctionnelle. Cette version de 160 cm a confirmé
les bonnes caractéristiques de son petit frère et m'a
encouragé à imprimer d'autres modèles. Le suivant,
toujours de chez 3DLabPrint, est le petit A6M5 "Zero", tout
en filament ultraléger "Polylight" (LW-PLA). Cet avion
vole remarquablement bien et sa conception est fort améliorée
par rapport au Ta152. Non seulement il pèse 1/3 de moins mais
il est plus solide. Avec un accu 3S de 1600 mAh il tient facilement
l'air plus de vingt minutes.
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A6M5 "Zero" (3DLabPrint). |
Après le Zero, je me suis lancé un défi : imprimer
le "Darkstar"
de Maverick dans le film TopGun, sur base d'un dessin en 3D trouvé
sur Internet. 400 heures d'impression et deux turbines de 70 mm,
le modèle est ambitieux ! Hélas, ce magnifique engin n'a
jamais volé. Qu'à cela ne tienne, je suis passé
à l'ornithologie avec une maquette de mouette, le Seagull,
un modèle très original de PlanePrint. Cet oiseau volant
très bien, j'en ai imprimé une version modifiée
pour turbine de 50 mm, et puis une autre pour le patron de Jivaro-models.
Ce goéland a vite été suivi du dernier modèle
de 3DLabPrint : un Hurricane avec train rentrant. Ce "kit"
est encore meilleur que celui du Zero, avec une vraie structure dans
les ailes, comme le "grandeur". Je suis en train de l'assembler
et c'est un pur bonheur.
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Entre-temps j'ai dessiné un Fi103r dans
le logiciel 3D "Blender". Une fois imprimée et
assemblée, cette version pilotée de la bombe volante
V1 est imposante. Elle volait fort bien mais lors du meeting Inter-Ex,
le moteur a grillé en vol et le fuselage a été
endommagé en posant l'appareil dans un champ labouré.
J'ai décidé de ne pas le réimprimer, d'autant
que j'avais lancé l'impression d'un DC-6b. Ce quadrimoteur
de 180 cm d'envergure avec train rentrant est une production
de Troy Mc Millan achetée sur Cult 3D. C'est un superbe
modèle mais fort lourd…
Il doit encore faire son premier vol.
Pendant l'assemblage de cet avion, j'ai encore imprimé
un aigle de 2 m d'envergure et une carricature de F-16 pour
des membres du club. Faites le compte, ça fait 14 modèles
en un peu plus d"un an !
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Fi103r "maison". |
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Atterrissage forcé plutôt
rude à l'Inter-Ex. |
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Première mise en croix
du DC-6b. |
Il ne fait aucun doute que mon imprimante 3D m'a procuré beaucoup
de plaisir (et d'avions) mais qu'en est-t-il du bilan financier ?
L'imprimante elle-même valait ±350 € à
l'époque. J'ai dû remplacer le thermistor du bloc de chauffe
après trois mois et acheter un second plateau magnétique,
pour moins de trente euros. Les rouleaux de filament ont coûté
entre 25 et 35 euros pièce (1 kg), soit ±300 €.
Il est plus difficile de déterminer les frais liés à
l'électricité. Le fabriquant de l'imprimante annonce 350 W
mais c'est une valeur de crête ; elle consomme beaucoup moins
en fonctionnement continu. Si je compte 1.300 h d"impression
à 80 W de moyenne, ça fait 104 kWh, une grosse
centaine d'euros chez mon fournisseur. Il faut aussi compter l'achat
des fichiers, car les plus beaux modèles, comme ceux de 3DLabPrint
et PlanePrint, ne sont pas gratuits : ils m'ont coûté près
de 300 euros. Au total, l'impression 3D m'est revenue à ±730
€ pour les "consommables" mais combien auraient valu
14 kits de modèles équivalents ? Certainement beaucoup
plus que 56 € pièce !
Choix de l'imprimante
J'ai opté à l'époque pour la
Creality Ender 3 S1, une machine "bas de gamme" mais
de bonne facture. Elle fonctionne très bien et j'apprécie
aussi la disponibilité des pièces de rechange.
Si j'avais pris une marque moins courante, j'aurais
eu des soucis pour remplacer le thermistor. Ici, j'ai trouvé
des dizaines de pièces compatibles sur Amazon, parfois
de meilleure qualité que celles de Creality.
A mon humble avis, les imprimantes plus chères
ne se justifient pas vraiment pour notre usage.
Mon imprimante sort les modèles bien plus vite que je ne
peux les monter, une machine plus rapide serait donc inutile.
De même pour le volume d'impression. 22 x 22 x 27 cm,
suffisent largement et permettent de sortir quasi tous les modèles
disponibles.
Quant aux performances de température, elles
conviennent pour tous les matériaux utilisés en
aéromodélisme : PLA, PLA+, LW-PLA, PETG et TPU.
Seul l'ABS pose problème mais pour notre usage, le PETG
marche aussi bien.
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La boule suspendue au-dessus de l'imprimante est un
extincteur qui se déclenche quand la température dépasse
70°. Important si on laisse la machine tourner sans surveillance. |
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Ta-152 version XL. |
Les modèles imprimés en 3D sont aujourd'hui bien plus
légers et solides qu'il y a quelques années. Cependant,
le moindre petit crash se traduit généralement par un
éclatement et une déformation de la matière. Un
modèle en mousse ou en bois est bien plus résistant et
surtout plus facile à réparer. J'ai pu le constater à
mes dépens lors d'un atterrissage raté avec mon gros Ta152H.
Le train rentrant a encaissé le choc et déchiré
l'aile. Comme la structure interne a été endommagée,
je vais devoir réimprimer, rééquiper et repeindre
une aile complète. Débuter avec un modèle imprimé
en 3D n'est donc pas un bon plan !
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Résultat d'un atterrissage raté : train
rentrant arraché et aile déchirée. Réparation
délicate, il faudra peut-être réimprimer une
aile. |
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Cette aile a pris le soleil dans la véranda,
la partie noire n'a pas apprécié. |
L'exposition au soleil pose aussi un gros problème. Que ce
soit dans la véranda, la voiture ou sur le terrain, ces modèles
doivent impérativement rester à l'ombre. Il vaut mieux
choisir des couleurs claires, beaucoup moins sensibles. Ma mouette,
qui est peinte en gris avec des taches noires, s'est ainsi déformée
mais uniquement sur les parties noires. Mon gros Ta-152H n'a pas souffert
mais il n'a quitté l'ombre que pour la durée des vols,
pendant lesquels le vent relatif l'a refroidi. En revanche, le Fi103r
qui est resté vingt minutes au soleil a fort gondolé.
Après un crash, j'ai dû jeter le fuselage. Je l'ai chauffé
au décapeur thermique et écrasé en marchant dessus,
formant des plaques faciles à évacuer.
Finalement, malgré la fragilité des matériaux et
les coups de soleil, plusieurs de mes modèles ont des dizaines
de vols au compteur et sont toujours en bon état, mais il faut
tenir compte des limitations des matériaux et investir dans un
bon parasol !
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Après le crash, j'ai laissé exprès
le fuselage en plein soleil. L'empennage est devenu tout mou !
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Fuselage de Fi103r traité
au décapeur thermique puis écrasé : des morceaux
bien plats, faciles à évacuer. |
L'impression 3D est-elle l'avenir de l'aéromodélisme
? En partie, oui. Le nombre de modèles s'étoffe sans cesse
et la qualité des kits s'améliore chaque année.
Les matériaux, les imprimantes et les logiciels aussi, ce qui
permet aujourd'hui de produire des pièces impensables il y a
quelques années, comme des pneus ou des hélices fonctionnels.
En revanche, cette nouvelle branche de l'aéromodélisme
exige une certaine dextérité et un sens du bricolage qui
rappellent la construction traditionnelle. Il faut aussi un peu de place
et quelques outils. Ce n'est pas du "prémâché",
comme les avions en mousse prêts à voler. Le récent
commentaire d'un internaute sur un forum est d'ailleurs révélateur.
La personne se plaignait : "Impossible de finir le modèle
vu que les servos recommandés ne sont plus disponibles".
Le modéliste en question n'est pas capable de raccourcir les
pattes d'un autre servo ou d'agrandir l'ouverture. Pour lui, l'imprimante
3D est clairement un mauvais achat. Mais pour les artisans dans l'âme
aux doigts couverts de colle et de coups de cutter, elle ouvre des perspectives
infinies.
Si vous êtes le genre de pilote qui vole chaque dimanche avec
le même avion depuis dix ans, probablement que l'impression 3D
ne vous conviendra pas. En revanche, si vous aimez changer régulièrement
de modèle, tester des formules peu courantes ou concevoir vos
propres pièces, alors foncez, vous ne le regretterez pas !
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Les boîtes contiennent les pièces brutes
d'impression de l'Eagle, un modèle de PlanePrint. |
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Le filament TPU "Varioshore" permet d'imprimer
des pneus en mousse fort convaincants. |
Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org
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Les parties sombres du Fi103r
exposées trop longtemps au soleil ont gondolé. |