Darkstar
"Top Gun" et"Mission Impossible"
Texte et photos : Laurent
Schmitz
Votre mission, si vous l’acceptez : fabriquer
et faire voler un appareil mythique dont aucun modèle n’a
jamais correctement volé : le DarkStar piloté par Tom
Cruise dans le film "Top Gun Maverick". Pour vous y aider,
nous mettons les fichiers STL de l’engin et notre expérience
à votre disposition. Bonne chance !
Si vous avez vu le second "Top Gun", vous avez certainement
apprécié l’appareil hypersonique dans lequel le
héros atteint Mach 10 lors des premières scènes.
Le "DarkStar" est un engin fictif spécialement conçu
pour le cinéma par le célèbre bureau d’études
"Skunk Works" de Lockheed Martin. Pour rappel, ce sont ces
ingénieurs qui ont développé des appareils aussi
légendaires que le P-38 Lightning et le SR-71 "Blackbird".
La firme a donc fabriqué une sorte de maquette statique grandeur
nature pour le film, en se basant sur sa longue expérience. Le
résultat est un engin aux lignes magnifiques, assez réaliste
pour passer pour un "vrai" prototype. La légende veut
que les Russes et les Chinois, découvrant l’appareil grâce
à leurs satellites-espions, aient réellement cru qu’il
s’agissait d’un nouveau jet hypersonique américain.
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La maquette du DarkStar grandeur
nature construite pour le film. |
Dès les premières images du film, j’ai le coup
de foudre pour le DarkStar. Comme je possède une imprimante 3D,
je décide immédiatement de concevoir un modèle
RC de l’appareil. Je trouve très vite sur internet un fichier
STL destiné à une maquette à l’échelle
1/72. Après importation dans le logiciel Blender, j’augmente
un peu l’envergure et ajuste les dimensions pour installer deux
turbines de 70 mm. Quelques calculs savants plus tard, j’arrive
aux dimensions suivantes : 143 cm de long pour 105 cm d’envergure.
Pour la surface alaire, je cale. Les ailes sont ridiculement petites
mais le fuselage est forcément porteur, l’appareil a grosso-modo
une forme de delta très pointu. La surface totale est de 65 dm²
et j’estime que 36 dm² sont porteurs. Pour une masse finale
de 3,4 kg ça donne 95 g/dm², ce qui est élevé
mais pas utopique. Après tout, monsieur Dassault a dit un jour
qu’un bel avion est un bon avion, donc il devrait forcément
bien voler…
Fiche technique
Masse au décollage : 3400 g
Envergure : 105 cm
Longueur : 143 cm
Surface alaire estimée : 34 dm²
Propulsion : deux turbines de 70 mm
Temps d’impression : ± 400 h
Filament : 2 bobines de PolyLight de 3DLabPrint, un peu de TPU
Centre de gravité calculé : au milieu de l’entrée
d’air (pièce "FusOut3a")
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C’est donc avec enthousiasme et beaucoup d’optimisme que
j’entame la construction en filament PolyLight de 3DLabPrint sur
mon imprimante CrealityEnder 3 S1. Dans Blender, je tranche le modèle
dans le sens de la longueur. Le demi-fuselage est tronçonné
en un quadrillage de pièces qui "tiennent" facilement
sur le plateau de mon imprimante. La méthode "BooleanDifference"
ajoute une paroi au niveau de la découpe. Chaque morceau ressemble
donc à une "boîte" ouverte assez molle, façon
"pot de yaourt". L’idée est qu’après
collage, le fond des "pots" formera un couple de fuselage,
ce qui donnera sa rigidité au modèle. J’adopte une
convention pour ce "puzzle" en 3D : "FusIn" pour
les pièces intérieures, "FusOut" pour celles
à l’extérieur. Un numéro d’ordre permet
de repérer la pièce en longueur : 1a, 1b, 2a, 2b,…
jusqu’à la pièce 7 à la pointe avant. Pour
la "queue", qui est en fait la partie arrière du fuselage,
même principe mais avec des fichiers qui commencent par "Tail".
En tout, ça donne une petite trentaine de morceaux. Deux fois,
puisque la partie droite sera imprimée depuis les mêmes
fichiers mais avec une fonction "miroir" dans Cura. Avec les
inévitables ratés, c’est donc une bonne soixantaine
de pièces durant de 7h à 15h qu’il faut imprimer,
rien que pour le fuselage !
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Chaque élément du fuselage ressemble
à une boîte ouverte dont le fond assure la rigidité. |
Les ailes et les dérives sont dessinées sur base d’un
profil Naca-0009. Ici aussi, une découpe bien placée permet
d’une part que la pièce reste dans les dimensions de l’imprimante
et d’autre part, que la paroi ainsi formée constitue un
longeron. Si les pièces du fuselage s’impriment en mode
"vase" ("Spiralize" dans Cura), les surfaces portantes
sont remplies avec un "grid" à 3% ou 5%. Attention,
même si le profil est symétrique, il ne faut pas imprimer
deux ailes identiques car elles présentent un vrillage : l’incidence
du saumon est négative. Utilisez donc la fonction "miroir"
dans Cura. Une tige de carbone 1,5 mm sert d’axe pour les charnières,
c’est simple, efficace et sans jeu.
Une planche de balsa de 6 mm sert de "quille" centrale, sur
laquelle se collent les pièces l’une derrière l’autre.
Quand la première rangée est terminée, il suffit
de découper le balsa qui dépasse. Le collage à
la cyano est rapide mais il faut bien réfléchir à
l’installation électrique et découper les ouvertures
nécessaires au passage des câbles car une fois que c’est
collé, l’accès est bien sûr très difficile.
Très vite, l’avion prend forme mais du fait de la faible
épaisseur des parois, l’état de surface est médiocre,
avec pas mal de "fosses". Le fuselage terminé est donc
recouvert d’enduit ultraléger et poncé pour combler
les plus gros défauts. La partie sous les turbines est même
couverte d’une plaque de Depron 6 mm, bien plane. On en profite
au passage pour combler les ouvertures du train d’atterrissage
présentes sur la maquette statique d’origine. J’ai
sacrifié un peu l’apparence de mon modèle pour ne
pas trop l’alourdir, me disant qu’en vol ça ne se
verrait pas trop...
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Les creux dans la surface sont comblés à
l’enduit ultraléger. Le fuselage sera fibré
pour plus de solidité. |
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J’ai collé une plaque de Depron 6 mm
sur le dessous des entrées d’air, qui serviront de
patins. |
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La pointe est très solide… et piquante
! Une protection en mousse est indispensable pour ne rien abîmer
et ne pas se blesser. |
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Le fuselage est couvert de fibre de verre 80 g/m². Les plaques
de Depron reçoivent une double couche de fibre car elles servent
de patins d’atterrissage. Enfin, un solide crochet en carbone
est ajouté une vingtaine de cm devant le centre de gravité.
Pas de train, le décollage se fera à la catapulte.
La finition est faite à la bombe de peinture et au vinyle autocollant
pour les marquages. La verrière est en miroir autocollant doré
du plus bel effet. Un coup d’aérographe permet de "vieillir"
l’appareil, comme s’il venait de rentrer dans l’atmosphère…
Je me suis basé sur les indications du fabricant des turbines
70 mm, qui annonçait 1290 g de poussée en 4S. Hélas,
c’est beaucoup moins en réalité. La géométrie
des conduits d’air n’aide pas non plus et au final mon modèle
s’est retrouvé avec moins de 2 kg de poussée au
décollage. Le comble pour un avion hypersonique… J’ai
monté les turbines "au pif", au milieu des conduits.
Grave erreur car cela a considérablement compliqué le
centrage. Il est préférable de monter les turbines le
plus possible à l’avant et de coller un long tube à
l’arrière pour canaliser le flux d’air jusqu’à
la sortie. En parlant de centrage, il n’est pas évident
à déterminer. J’ai utilisé la méthode
de Frank Aguerre, en considérant la partie avant du fuselage
comme un plan canard. J’ai trouvé une copie d’écran
de PredimRc pour un modèle similaire. Elle confirme le résultat
calculé, qui se trouve devant l’emplanture d’aile
! Voyez la position sur les photos. Pour y arriver, j’ai dû
fixer mes deux accus 4S 2.500 mAh (280 g) à fond dans le nez,
de part et d’autre de la "quille" et encore ajouter
250 g de plomb…
Autant dire que je n’étais pas très optimiste
pour le premier vol. Premier lancement avec la catapulte tendue à
10 kg : l’appareil glisse sur l’herbe mais refuse de décoller.
Second essai à 12 kg, le maximum de mes deux brins de latex 9
mm. Horreur ! Au décrochage de l’anneau, le DarkStar quitte
brièvement le sol sur une bosse… et se plante comme un
javelot dans la terre meuble ! A ma grande surprise il est intact, c’est
du costaud ! Un copain me passe alors sa catapulte avec plus de 15 kg
de traction. Là, ça part fort mais il ne décolle
toujours pas. Hélas, il finit avec l’aile tranchée
par le crochet de la catapulte. Je suis dépité ! J’ai
déjà fait voler des trucs bizarres, parfois pas très
bien et pas très longtemps, mais jamais un avion n’a refusé
de décoller…
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Il a décollé… |
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Mais pas longtemps ! |
Retour à l’atelier et analyse du problème. Rien
n’y fait, l’avion manque à la fois de poussée
et d’incidence. En plus, le nez plongeant rend l’avant du
fuselage déporteur, comme un canard braqué vers le bas.
Pour qu’il vole, il faudrait augmenter fortement l’incidence
au décollage et peut-être reculer le centrage ? Quoi que…
j’ai vu quelques vidéos de Darkstar RC et tous étaient
totalement instables pour cause de centrage arrière. Avec plus
d’incidence et une propulsion puissante il pourrait probablement
décoller. Pour ça, il faudrait coller les turbines au
niveau des entrées d’air et installerdes accus 5S. Mais
sans garantie de succès. D’autant qu’avec ces petites
dérives, le décollage n’est probablement que la
première étape d’un inévitable crash…
Finalement, j’ai sagement abandonné et l’avion sert
maintenant de décoration. Désolé pour les photos
en vol, elles sont honteusement photoshopées… Cela dit,
si vous aimez les "missions impossibles", n’hésitez
pas à relever le défi. Par exemple pour Inter-Ex 2024
!
Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org