Depuis que je me suis lancé dans la
conception de modèles en 3D, j’ai entamé quelques
projets "impossibles". Des avions qu’on ne peut pas
réaliser avec des techniques traditionnelles, parce que cela
coûterait trop cher, parce que l’engin est trop complexe
ou parce qu’il demanderait trop de travail. En effet, avec l’impression
3D, fabriquer un modèle qui ne volera peut-être pas est
moins rebutant que si on doit passer l’hiver à poncer du
balsa… pour rien.
B-52 RC imprimés en 3D
avec une seule turbine EDF cachée dans le fuselage !
B-52 Stratofortress
Ce bombardier géant américain est légendaire mais
comme modèle RC, il a tout contre lui : huit (!) réacteurs,
des ailes en flèche minces et au fort allongement, un dièdre
négatif qui met les saumons au sol avant le fuselage, etc.
J’ai d’abord modélisé les lignes de l’avion
au départ d’un plan trois vues, pour en faire un avion
RC "classique", avec 8 turbines. Il y a plein de raisons
pour lesquelles ça n’a jamais été fait avant.
Même en trichant avec des entrées d’air plus grandes
et en utilisant de minuscules turbines de 30 mm, l’avion
ferait 180 cm d’envergure pour une masse de 3,2 kg et
1,6 kg de poussée statique.
Le B-52 a été modélisé
en 3D avec le programme Blender.
Non seulement le câblage serait un cauchemar, mais la masse dans
les ailes nécessiterait deux grosses clés en carbone.
Avec toute cette inertie, l’appareil serait difficile à
piloter. Lors de l’atterrissage, il faudrait impérativement
un train rentrant pour éviter d’arracher les nacelles moteurs.
Mais le train du B-52 est extrêmement étroit et l’avion
possède des balancines au bout des ailes. Tout cela ferait monter
la masse à presque 4 kg. Du coup, le modèle serait trop
chargé et pas assez puissant. En plus, dans cette configuration
il faudrait une grande piste en dur bien plane. Sans parler du prix
des trains rentrants, des 8 turbines et des contrôleurs…
Comment résoudre cette équation compliquée ?
Banane
Je ne voulais pas d’hélices propulsives et coller une
turbine de 40 mm à l’arrière de chaque nacelle n’aurait
pas résolu tous les problèmes. Finalement, j’ai
décidé de cacher une unique turbine dans le fuselage.
Cette solution supprime d’un coup plein de soucis : l’installation
devient simple, classique et bon marché, les nacelles peuvent
conserver une taille réaliste, rester légères et
être rendues amovibles pour se détacher lorsqu’on
pose le modèle sur le ventre.
Fabrication des turbines factices, à
l'échelle de l'avion. Elles sont amovibles. La partie arrière
est imprimée en matière souple pour ne pas abîmer
le dessous de l'aile lorsqu'elles se détachent à l'atterrissage.
Du coup, pas besoin de grosses clés d’ailes, ni de train
rentrant compliqué. L’avion devient finalement très
accessible, à la portée de plein de modélistes.
Oui, mais un B-52 n’a pas d’entrée d’air, ni
de tuyère dans le fuselage…
Dans un premier temps,
fabrication d'un planeur lancer-main afin de valider les tracés
et d'estimer le centre de gravité.
D’abord, j’ai pratiqué des ouvertures dans les
flancs pour alimenter la turbine en air, mais c’était trop
visible. Alors j’ai imaginé une veine d’air "en
banane", avec un flux entrant sous l’avant du fuselage pour
ressortir sous la queue de l’avion. Le diamètre de la "tuyère"
est faible, mais ça devrait aller. J’ai donc imprimé
deux prototypes : un petit planeur lancer-main pour déterminer
le centrage et un B-52H de 158 cm d’envergure avec turbine
de 64 mm en 6S (qui offre un rapport puissance/encombrement avantageux).
La tuyère en
"banane" imaginée au départ ne fonctionnant
pas.
Dès les premiers lancers, j’ai pu constater que le planeur
présente un vol rapide mais sain. Hélas, le prototype
motorisé a démontré que la formule "banane"
ne marche pas. Le flux oblique vers le bas pousse l’avion très
fort à piquer. Impossible de contrer un tel "piqueur"
avec la profondeur, d’autant qu’elle n’est pas soufflée
par une hélice. Et comme l’éjection se fait vers
le bas, on perd à peu près un quart de la poussée
utile pour faire avancer l’avion…
Je suis donc retourné dans le logiciel Blender et j’ai
modifié mon concept, avec une veine d’éjection en
"Y". La majorité du flux part toujours vers le bas
mais une tuyère plus petite souffle vers le haut, à l’extrémité
du fuselage, pour contrer le moment piqueur.
L'idée de "génie" a été
de scinder la veine d'éjection en deux avec une partie du
flux éjecté par le haut.
Le nouveau prototype est un demi-succès : le fuselage tenu au
centre de gravité ne s’incline pas quand on met les watts
! Cependant, comme l’air est soufflé à 40° vers
le haut et 12° le bas, la composante horizontale qui propulse l’avion
n’est que de ±60 %. Un essai au banc indique seulement
1.000 g de poussée, alors que la turbine est supposée
délivrer 1.700 g. La masse du modèle à ce
stade est de 2.050 g avec un accu 6S 2.200 mAh, on a vu pire
!
Le capot donnant un accès aisé à
la tuyère est amovible. Il est maintenu par des aimants.
Détail de la commande de profondeur qui sera
masquée par l'étambot.
Une trappe verrouillée
par des aimants donne accès au servo de profondeur.
Quelques jours plus tard, c’est la déception ! Le lancement
à la catapulte s’est mal passé, l’avion est
parti trop lentement et même plein pot, il s’est posé
dans l’herbe quelques mètres plus loin. En plus, lors du
second essai la turbine a explosé sur la rampe et le fuselage
est endommagé. Dépité, je range les morceaux dans
un coin de l’atelier et je commande une nouvelle turbine.
L’analyse de cet échec à tête reposée
me convainc de ne pas abandonner le projet. En effet, je pense que la
catapulte n’était pas assez puissante pour accélérer
ce gros modèle. Par ailleurs, la faible surface de la tuyère
signifie que le volume éjecté est réduit, mais
avec un flux rapide. La poussée au sol est donc limite, mais
en vol ça devrait moins poser de problèmes. En attendant
de recevoir la nouvelle turbine, j’imprime une version plus petite
de l’avion, pour turbine de 50 mm en 4S. Pour ce second proto
j’ai choisi de reproduire le NB-52B de la NASA. Cette version
a un nez plus court et pas de réservoirs sous les ailes. Avec
1.150 g, il convient mieux à ma catapulte.
Deux modèles ont été
imprimés, à une échelle un peu différente.
Sur cette photo du dessous de l'avion, on devine les entrée
et sortie d'air de l'unique turbine, très discrètes,
sous le fuselage.
Enfin, ça vole !
L'allure en vol est
très réaliste. L'unique turbine est indécelable.
Entre-temps, la turbine de 64 mm est arrivée. J’y fixe
le moteur de l’ancienne et je répare le gros B-52H. Ce
sont donc deux modèles que j’amène au terrain pour
une nouvelle tentative. Enfin, c’est la consécration !
À mon grand étonnement, le petit NB-52B part tout droit,
vaillamment entraîné par sa petite turbine de 50 mm.
Après un palier d’accélération, il grimpe
sous une pente raisonnable. Pour ceux qui ont raté la révolution
électrique, je dirais : "Comme un Calmato avec un OS 40FP".
Bref, ça vole, et même incroyablement bien. Le palier
tient avec un filet de watts, c’est bluffant ! L’avion est
stable, sain et précis mais pas très agile. Le tonneau
exige plusieurs secondes, l’acro n’est pas vraiment sa tasse
de thé... En revanche, il peut voler étonnamment vite.
Côté basses vitesses, le décrochage n’est
pas franc. Profondeur conservée à fond à cabrer,
l’avion finit par engager une spirale tranquille mais il reste
contrôlable à tout moment.
J’enfile les passages à hauteur des yeux pour mon photographe.
Comme le vrai, le modèle vole un peu queue haute ; c’est
un régal. Je pose le B-52 après 4 minutes sans aucun souci.
Les quatre nacelles se sont détachées comme prévu
et le modèle est intact. Il reste alors 50 % dans l’accu
1.600 mAh !
Pour le gros B-52H, cette fois j’ai sorti le grand "bungee"
et réglé une traction de ±6 kg. Je suis un peu
plus nerveux car c’est le modèle que j’ai abîmé
lors des premiers essais. Mais sans raison car le gros B-52H décolle
et vole exactement comme le petit, avec un rapport poids/puissance peut-être
un poil meilleur. Avec son camouflage, ses réservoirs supplémentaires,
les capteurs électro-optiques sous le nez et les détails
à l’arrière du fuselage, il a vraiment un look d’enfer.
Pas réaliste... mais ce
B-52 tourne le tonneau sans problème, en plusieurs secondes
!.
La dérive plus courte de cette version ne change rien au vol,
toujours aussi stable sur tous les axes. Je me surprends cependant à
activer le manche de lacet, alors que la dérive n’est pas
fonctionnelle. Le lacet inverse est pourtant minime mais pour le vol
suivant j’augmenterai encore le différentiel aux ailerons.
Si je devais un jour imprimer une version encore plus grande, j’y
ajouterais certainement une dérive mobile et un servo de direction.
La mise au point du B-52 a été ardue mais quelle satisfaction
chaque fois qu’il vole !
Approche et atterro.
Caractéristiques techniques
Version NB-52B à 80%
Envergure : 126 cm
Longueur : 110 cm
Masse au décollage : 1150 g
Surface de l'aile : 20 dm² (58 g/dm²)
EDF : 50 mm
Batterie : Li-Po 4S 1.600 mAh
Version B-52H à 100%
Envergure : 158 cm
Longueur : 138 cm
Masse au décollage : 2050 g
Surface de l'aile : 31 dm² (66 g/dm²)
EDF : 64 mm
Batterie : Li-Po 6S 2.200 mAh
Si vous souhaitez imprimer votre B-52,
les fichiers sont en vente sur Cults3D.
Vous pouvez imprimer votre avion à différentes
échelles à partir des mêmes fichiers:
80% (EDF 50 mm, 4S 1600mAh)
Envergure : 126 cm, échelle 1/44.
100% (EDF 64 mm, 6S 2200 mAh)
Envergure : 158 cm, scale 1/35.
110% (EDF 70 mm, 6S)
Envergure : 174 cm, échelle 1/32.
130% (EDF 90 mm, 8S)
Envergure : 205 cm, échelle 1/27.
Les récents
progrès des turbines bon marché, combinés
à la créativité offerte par l’impression
3D, font que de plus en plus de modèles autrefois considérés
comme "impossibles" ou "irréalistes"
sont aujourd’hui envisageables, pour notre plus grand
bonheur ! Ekranoplan, XB-70, Stratolaunch, X-15 ou An-224
sont désormais au programme ! Ou encore le Fieseler
Fi 103R visible ici
!