Retour de vacances : Trois semaines avant l’Inter-Ex
2025… et je n’ai rien commencé.
Voilà déjà plusieurs années que je participe
à cette rencontre. Plus jeune, je voyais les photos dans les magazines,
je rêvais devant ces machines improbables avec les yeux qui brillent.
Puis, en 2019, j’ai enfin pu assister à mon premier Inter-Ex,
au club de Vittersbourg. Ce fut le déclic : le virus était
pris, et depuis, le premier week-end de septembre est systématiquement
bloqué dans l’agenda.
Le U-Boot de Julien Deboine en vol lors de l'Inter-Ex
2025 à Bouzonville.
Cette année, la rencontre se tient à Bouzonville,
en Moselle, à seulement 1h30 de route. Impossible de venir les
mains vides : il me faut un modèle à présenter.
Les idées ne manquent pas, j’ai même un dossier sur
le PC rempli de projets en attente. Mais vu le peu de temps qu’il
me reste, il faut oublier les constructions en balsa. Ce sera du Dépron,
et plutôt compact : la voiture sera déjà bien chargée.
Nous partons en tente, en famille à quatre… et avec quelques
modèles, forcément.
Le choix du projet
Au départ, je voulais construire un bateau volant,
pour rivaliser avec Alain de la Fonfon Team et son incroyable voilier
volant. J’ai griffonné quelques croquis… mais le projet
manquait d’originalité. Pour qu’il ait de l’allure
– voire une touche poétique – il m’aurait fallu
bien plus de temps.
Je décide donc de rester dans le thème maritime mais en
changeant radicalement d’approche : faire un sous-marin… volant
!
Pas un avion déguisé en submersible, non, un vrai modèle
qui ressemble à un sous-marin.
L’idée : lui greffer de toutes petites ailes, juste ce qu’il
faut pour voler. Parfait, car j’ai toujours été fasciné
par les avions aux envergures minuscules. J’avais d’ailleurs
déjà construit un Bumble Bee au quart, présenté
lors d’un précédent Inter-Ex : 50 cm d’envergure
et des vols bluffants ! Les copains avaient suivi avec des modèles
similaires Stits : un Sky Baby, un DS-1 et un Junior
(dont le plan est dispo sur le site des Jivaros).
Le Bumble Bee et les
copains avec leurs avions, tous à l'échelle 1/4, présentés
à l'Inter-Ex 2022.
Conception express
Premiers croquis griffonnés sur une feuille A4 sur un coin de
table, quelques coups de gomme, et le plan deux vues est prêt. Les
formes me plaisent.
Je me suis inspiré d’un petit sous-marin Micromachine, jouet
de mon enfance… que mon fils a maintenant récupéré.
Le... « plan » ! Pas besoin de plus quand
on a déjà toute l'idée en tête..
Le petit sous-marin Micro-machines, source d’inspiration.
Pour la taille, je pars sur 1 mètre de longueur, pratique pour
le transport, car le modèle doit tenir sur la plage arrière
de la voiture.
Petit calcul rapide : l’envergure sera de… 25 cm seulement
!
On verra bien.
Le fuselage sera assez large, avec un fond plat, pour offrir un minimum
de portance.
Vu de côté, il a la forme d’un profil asymétrique,
ce qui psychologiquement me rassure.
Caractéristiques techniques
Envergure : 25 cm
Longueur : 95 cm
Poids : 480 g
Moteur : Axi 2212/26
Hélice : 9x6
Accu : 3S Li-Po 850 mAh
Matériaux : Depron 6 mm et 3 mm
Construction rapide
Construction du tronçon central. On voit le longeron
Depron 6 mm pour l’aile.
Charles pose avec le projet en cours.
La structure avance vite.
• Fuselage en trois tronçons, découpés dans
du Dépron de 3 et 6 mm.
• Partie centrale en forme de prisme hexagonal.
• Moignons d’ailes : Dépron 3 mm, roulé puis
inséré dans une fente profilée.
• Longeron en Dépron 6 mm, suffisant vu la faible envergure.
• Partie arrière en forme pyramidale avec dérive et
stabilisateur. J’ai hésité à laisser la dérive
fixe, le modèle n’étant pas destiné à
voltiger… mais j’ai finalement ajouté un servo. Un
axe supplémentaire peut toujours être utile.
• Partie avant accueillant un Axi 2212/26, un passe-partout parfait
pour un modèle d’environ 500 g. Le moteur est placé
à l’avant pour souffler directement sur les ailes et les
gouvernes.
Pour rester dans le thème, j’ajouterai une fausse hélice
décorative à l’arrière en impression 3D.
• Enfin, la vigie est réalisée en Dépron roulé,
comme les ailes.
Deux trappes sont découpées, à l’avant au-dessus,
pour accéder à l’accu, et à l’arrière
en dessous, pour les servos de dérive et de profondeur. Les servos
d’ailerons, eux, resteront visibles sous les ailes.
La vue du dessus montre bien les
proportions de l’engin.
Premier vol : le grand
plouf !
Le modèle est prêt pour les premiers essais. Tout blanc.
Pas la peine de perdre du temps à peindre : la peinture se mérite,
elle viendra seulement si les vols sont prometteurs.
Je jette un œil dehors : un peu de vent, un ciel gris menaçant.
Pas idéal… mais Inter-Ex est dans une semaine ! Pas le choix.
Batterie chargée (3S 850 mAh), centrage au tiers avant de l’aile,
et direction le champ au-dessus de chez moi. Mon fils m’accompagne
pour filmer. Sur la route, il lâche : « Mais ça ne
va jamais voler, ton truc ! »
Honnêtement… je partage un peu son avis.
Juste avant le premier essai. La
peinture viendra après... si ça vole !
Face au vent. Caméra en route.
Moteur aux trois quarts. Lancer !
Le sous-marin s’élance dans un milieu bien inhabituel pour
lui. Il part bien droit, sans l’effet de couple moteur que je craignais.
Je mets un peu plus de gaz pour prendre de la hauteur.
Ça vole ! Youhou !
À mesure qu’il s’éloigne, je teste les ailerons
: le sous-marin s’incline, mais ne tourne pas. J’essaie de
cabrer dans la position inclinée… toujours rien. Le modèle
devient petit dans le ciel.
Je tente la dérive : heureusement que j’ai ajouté
ce servo ! Le modèle tangue, bascule, et finit par amorcer un demi-tour
un peu chaotique.
L’atterrissage s’annonce sportif. Le vent est dans le dos
maintenant, et la dérive devient inefficace. Seule la profondeur
répond encore vaguement.
Je constate que l’assiette de vol est trop cabrée. Le centrage
semble trop arrière. Impossible de ramener le modèle proprement.
Il s’éloigne, droit vers un bosquet. Peut-être que
la végétation amortira la chute…
Je réduis les gaz, tire un peu sur le manche, et attends l’impact.
CRACK !
Le bruit qui résonne à 200 m n’est pas très
rassurant.
On s’avance pour « ramasser les morceaux ».
Sur place, le verdict tombe. On trouve des morceaux de Dépron éparpillés,
le moteur et le contrôleur ont été éjectés,
la partie arrière reste perchée à 3 m de haut dans
un buisson.
L’animal a littéralement perdu ses tripes ! Le moteur a tapé
pile dans le tronc d’un arbre mort, d’où le bruit sinistre.
Sur le chemin du retour, je repense déjà au vol :
l’excitation du lancer, le doute au premier virage, la concentration
pour sauver ce qui pouvait l’être… puis la résignation.
Je n’ai pas gagné la première manche, mais j’ai
la preuve que ce concept pouvait voler.
Réparation expresse
De retour à l’atelier, je trie les morceaux. Finalement,
j’ai pratiquement tout ce qu’il faut pour tenter une réparation.
Pas le temps de reconstruire un modèle complet, l’Inter-Ex
est dans quelques jours.
L’objectif est de remettre l’engin en état de vol,
peu importe l’esthétique, pour tenter un deuxième
vol.
Je recolle comme je peux avec l’ajout de quelques morceaux de Depron
pour boucher les trous. Pour garder une certaine résistance, je
vais utiliser du ruban adhésif marron de carton d’emballage
sur l’avant. Un peu de mastic ultra léger à Placo
avant un petit ponçage. Ce n’est pas joli mais il est en
une pièce.
Après réparations
et modifications.
Avant de repartir dans le champ voisin, je réhausse la dérive
et ajoute deux dérives latérales fixes. Elles ne seront
pas dans le sillage du fuselage. Je supprime la fausse hélice que
j’avais fait rotative sur roulement mais qui était un peu
lourde. Je vais aussi avancer la batterie et augmenter un peu le pas de
l’hélice pour augmenter la vitesse de vol.
Il n’est pas beau… mais il est prêt pour un deuxième
essai.
Et cette fois-ci, je suis convaincu :
Ça peut voler.
Ça doit voler.
Ça va voler !
Deuxième vol : la
délivrance
Retour au champ.
La météo, elle, n’a pas changé : ciel bas,
vent irrégulier et même une petite pluie fine. Ironique,
pour un sous-marin… sauf que mon adhésif marron, lui, n’aime
pas l’eau.
Alignement face au vent.
Je lance bien droit, moteur aux trois quarts. Le modèle s’élance
sans hésitation. L’assiette est bonne, bien meilleure que
lors du premier vol.
Je teste les ailerons… Bof. Le résultat n’est pas convaincant.
Je passe alors sur la dérive et, là, miracle : le sous-marin
répond parfaitement ! Je peux enfin « piloter » réellement
la machine.
Le pari est gagné !
Pendant deux ou trois minutes, il fend l’air comme un vrai aéronef.
Ce n’est pas un modèle pour débutant, loin de là.
La dérive sert à virer. Les ailerons maintiennent simplement
l’inclinaison choisie.
Les trois axes doivent être croisés en permanence, sous peine
de perdre le contrôle.
De plus, avec sa forme atypique, difficile de distinguer son orientation
dans le ciel. La concentration est maximale. Mais malgré tout,
ça vole !
À l’atterrissage, c’est la délivrance. Le modèle
est vivant et présentable pour la rencontre.
Cacher la misère...
Reste une mission délicate : le maquillage.
Car soyons honnêtes, après toutes ces réparations,
le sous-marin a un look de rescapé.
J’ai longtemps hésité entre le peindre en jaune pétant,
clin d’œil au Yellow Submarine ou opter pour une nuance de
gris, plus réaliste.
Finalement, la raison l’emporte : il sera gris patiné, une
couleur qui couvre bien et pardonne les défauts.
Je trouve une bombe de peinture acrylique grise à quelques euros
chez Action. Puis je peaufine les détails avec l’aérographe,
des feutres Posca, et un peu de brossage à sec.
Je me documente sur Internet pour reproduire des effets réalistes
de vieillissement : Ligne de flottaison plus claire, traces de rouille,
petits points verts simulant les mousses marines.
L’objectif est de faire du vieux avec du rafistolé. Et le
résultat est à la hauteur de mes attentes.
Modèle terminé avec
sa patine.
La trappe permettant l'accès
à la batterie.
L'aile est minuscule et n'altère pas l'allure
du sous-marin.
L'hélice propulsive, indispensable... pour le
look uniquement.
Première sortie
en public
Deux jours plus tard, je teste la machine sur mon terrain habituel,
histoire d’être prêt pour l’Inter-Ex.
À la sortie du coffre, il attire immédiatement les regards.
Les copains sont intrigués.
Le vol se déroule parfaitement mais un problème apparaît
: avec sa couleur grise et le ciel nuageux, la visibilité est catastrophique.
Je dois me concentrer exclusivement sur la position du modèle et
sur les commandes radio. Pas simple avec ce suppositoire volant !
À peine posé, la machine déclenche un feu d’artifice
d’idées chez les copains :
• « Tu pourrais ajouter des torpilles ! »
• « Et si tu les lançais avec un petit ressort en vol
? »
• « Il manque le bruit du sonar ! »
• « Pourquoi il n’est pas jaune ? »
• « Où sont passées les ailes ? »
• « Mais qu’est-ce que t’as encore inventé
?! »
• « Et une boîte en forme de banquise pour le ranger
? Comme ça, il briserait la glace quand tu l’ouvres ! »
Première sortie
après peinture et avant l'Inter-Ex
Je retiendrai l’idée du sonar. Avec une petite enceinte
bluetooth, je vais diffuser le bruit pendant que j’installe l’accu
et jusqu’au bord de piste.
Je cherche aussi une musique pour accompagner les vols. Les idées
ne manquent pas et je vais alterner entre les bandes son des films "Le
bateau" ou "Das Boot" et "A la poursuite d’Octobre
rouge". Effet garanti.
Inter-Ex 2025 : mission
réussie !
Les modèles de
l’auteur à l’Inter-Ex.
Je ne vais pas détailler toute la rencontre : un superbe reportage
photo est déjà en ligne sur ce site.
Mais une chose est sûre : nous avons passé deux jours incroyables,
entourés des copains venus de toute l’Europe. L’accueil
du club organisateur était parfait.
Les vols spectaculaires ont été
très appréciés lors de la rencontre Inter-Ex
2025 à Bouzonville, sur le terrain du club Silver Fox, les
Ailes de la Nied.
Le sous-marin a beaucoup fait parler et a même été
récompensé du prix du plus beau vol du week-end. Ou du plus
improbable !
Une belle consécration pour un modèle né d’un
simple bout de Dépron et d’une idée un peu folle.
Retour d'un vol réussi.
Et maintenant ?
Ne cherchez pas le plan, je n’en ai pas fait. Ce n’est, je
pense, pas l’esprit de ce type de construction. Vous me pardonnerez
le nombre limité de photos lors de la construction mais l’article
n’était pas prévu initialement.
Cet article est surtout un coup de pouce, une invitation à oser.
Oui, c’est possible.
Lancez-vous dans vos projets les plus fous, même s’ils semblent
irréalisables.
La construction et la mise au point sont des expériences incroyablement
enrichissantes.
Et qui sait ? Peut-être que votre modèle, construit à
partir de matériaux modestes, aura autant de succès –
voire plus – que les machines ARTF les plus chères du terrain.
Et pourquoi ne pas venir nous rejoindre pour l’Inter-Ex 2026 ? Le
lieu n’est pas encore connu, mais l’information sera vite
relayée.
Pour ma part, je retourne à l’atelier... Le salon de Friedrichshafen
approche, et j’ai la chance de participer à l’Action
Show avec une petite équipe française.
Il va falloir imaginer un modèle indoor original et spectaculaire.
Bons vols, et surtout… bonnes constructions !
Le jouet qui a inspiré l'auteur.
N'hésitez pas à vous lancer dans des
projets farfelus.