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Fairchild 24 - Guillow’s Models
Le charme intemporel du balsa
Texte et photos : Laurent
Schmitz
Il n’y a pas que la haute technologie
dans la vie. Parfois, les choses simples procurent un plaisir tout aussi
intense. Une promenade en montagne, le chant des oiseaux à l’aube,
un modèle en balsa entoilé… Revenons aux sources,
à l’odeur du bois et aux vapeurs de colle fraîche !
Depuis ma jeunesse, les beaux kits Guillow’s me
narguent, dans la vitrine des boutiques d’aéromodélisme
et plus tard sur Amazon. Mais bon, jamais je n’ai franchi le pas,
car voyez-vous, c’est de la construction traditionnelle pure et
dure. La marque a la réputation de fournir un fagot de bois brut
et un plan en mesures américaines, et c’est tout. D’après
la légende, c’est tout juste s’il ne faut pas sculpter
l’avion directement dans le balsa. Mais un jour, l’impensable
se produit : ma fille m’offre le Fairchild 24 Guillow’s, contre
la promesse de le monter dans l’année… Misère
de misère, qu’est-ce que j’ai fait pour mériter
ça ?!?
Courage : ouvrons la boîte ! |
Je soulève en tremblant le couvercle de la petite
boîte délicieusement "rétro", et déjà
l’odeur du balsa s’impose à mes sens. C’est le
choc ! Les planchettes sont découpées au laser avec une
précision diabolique. Le capot moteur et les carénages de
train sont livrés en ABS moulé. Une belle planche de décalcomanies
permet de décorer l’avion. Même l’entoilage en
papier est livré, tout comme d’adorables roues tournées
en bois. Cerise sur le gâteau, le plan est magnifique et la notice
(en anglais) claire et complète…
La légende s’effondre ; ce kit n’a pas l’air
plus compliqué qu’un autre, au contraire. Juste pour voir,
je sors quelques pièces qui s’emboîtent parfaitement,
formant très vite un squelette d’aile. Je suis conquis !
Oublié le jet à turbine en LW-PLA qui pousse sur l’imprimante
3D : je dégage la table de l’atelier pour fixer fébrilement
le plan. Ne me dérangez pas, désormais, je colle du balsa
!
Caractéristiques techniques |
Envergure : 63 cm
Longueur : 45 cm
Accu : Li-Po 300 mAh 2S
Contrôleur : 8A, puissance ±20 W
Surface alaire : 6 dm²
Masse au décollage : 117 g
Charge alaire : 19,1 g/dm²
CG (version RC): 30 mm derrière le bord d'attaque à
l'emplanture. |
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Le contenu de la boîte est de bonne facture mais
je note tout de même un petit point négatif. Le balsa de
mon kit est de qualité moyenne, relativement cassant et pas très
léger. Cela dit, depuis que tout le balsa de la planète
part dans la fabrication de pales d’éoliennes, il est devenu
difficile de trouver du bon bois. Ce n’est pas pour rien que presque
tous les kits asiatiques sont maintenant en mauvais contreplaqué.
Au moins ici, c’est du vrai balsa. S’il vous reste des planchettes
de balsa "plume" en stock, vous pouvez débiter vos propres
baguettes, celles-ci forment les trois quarts de la structure.
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| Planchettes découpées au laser,
quel luxe ! Notez le superbe plan protégé par du film
alimentaire. |
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| Détail de la fixation du train. Attention, contrairement
à ce que dit la notice, il faut le monter avant que la structure
empêche de pouvoir l’insérer ! |
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Modification de la dérive pour la rendre fonctionnelle
: il suffit de doubler quelques baguettes. |
Le Fairchild 24 est une belle semi-maquette, assez grande
pour la marque, avec une soixantaine de centimètres d’envergure,
ce qui est bien plus petit que tout ce que j’ai construit auparavant.
La boîte précise que c’est un kit de la gamme "compétition"
et qu’il est garanti qu’il vole bien. La construction "suivez
les numéros" serait en outre adaptée aux débutants,
je suis rassuré. Le modèle est conçu pour le vol
libre avec moteur caoutchouc, mais je compte bien installer une radio
et un petit brushless.
La construction est assez simple, il suffit de suivre les étapes.
Ah, à ce sujet, ne déviez pas trop du plan. Par exemple,
les nombreux longerons sont livrés sous la forme d’une planchette
estampée. Les baguettes tiennent ensemble parce que les extrémités
n’ont pas été tranchées. La notice recommande
de poursuivre le trait de coupe de chaque baguette pour la séparer
du lot. J’ai préféré couper les extrémités
de la planchette pour libérer toutes les baguettes d’un coup.
Sauf que certaines sont alors trop courtes… En revanche, vous pouvez
sans crainte oublier la colle blanche au profit d’une bonne cyano,
la Zap verte en ce qui me concerne. La nostalgie en prend un coup, mais
c’est bien plus rapide. Pour le reste, je vous renvoie aux légendes
photos et à la notice, il n’y a rien de bien compliqué.
Oui, "le" dope et non pas
"la" dope, disponible partout mais beaucoup plus chère
! Ce produit aussi appelé "enduit tenseur", "enduit
nitro (cellulosique)" ou "spanlak" (chez nos amis
d’outre-Rhin), sert à poser et à tendre l’entoilage
au papier ou à la soie.
Le dope sent très fort et nécessite une bonne aération.
Il ne convient donc pas aux enfants. C’est pourquoi Guillow’s
recommande de le remplacer par de l’inoffensive colle blanche
diluée à l’eau. Sauf que le séchage prend
alors un temps fou, et au final ça ne marche pas aussi bien.
Donc, utilisez du dope et ouvrez la fenêtre (à défaut,
admirez les éléphants roses). 
Cela dit, le dope peut être difficile à
trouver car il est de plus en plus rare dans les boutiques d’aéromodélisme
et sur Internet. Mais rien n’est perdu ! Vous pouvez fabriquer
votre dope vous-même en diluant de la colle UHU-Hart avec
de l’acétone. Vous obtiendrez exactement le même
produit, sauf que vous pourrez ajuster la consistance à votre
guise. Vous serez alors non seulement consommateur, mais aussi fabriquant
de dope... 

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| Je ne suis pas parvenu à éliminer tous
les plis mais ça doit faire 40 ans que je n’ai plus pratiqué… |
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Les volets mobiles sont articulés par une languette
de soie 25 g/m² collée en surface avec du dope. |
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| Les fentes disgracieuses sont comblées à
la sciure de balsa, puis imprégnées de cyano et poncées. |
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Détail des guignols. J’aurais mieux fait
de mettre celui de profondeur de l’autre côté de
la dérive. |
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| Les servos restent accessibles par une ouverture sous
le fuselage. |
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Petit ressort de rappel pour la profondeur, le servo
ne fait que tirer sur le fil. |
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| Le moteur brushless B43C 1811 de 2000 kV coûte
10€, direct de chez Ali. |
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Le minuscule contrôleur
8A pour 2-3S est livré nu, il faut souder les fils (c’est
tout petit !). Le micro récepteur ELRS à côté
semble énorme. |
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Les adorables roues en bois dur tourné
sont bien trop lourdes, mais pas question de les remplacer par de
la mousse !
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Un aimant et une lame de cutter émoussé
maintiennent la trappe d’accès faite de chutes de balsa.
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Ben oui, le Fairchild est fini, testé et réglé,
le vent est dans l’axe et juste pas assez fort pour faire reculer
l’avion. Je pousse les watts et le moteur "tousse". Le
contrôleur
à deux euros prend son temps à lancer l’hélice,
mais il finit par y arriver et dans le vrombissement rageur de ses seize
aimants au néodyme, le brushless propulse l’avion vers sa
destinée. Trois mètres plus loin, l’avion grimpe à
l’assaut du ciel sous une pente de 60°. Je réduis vite
la puissance et là, c’est magique ! Ce minuscule modèle
deux axes de même pas 120 grammes évolue comme un grand.
La direction, dont j’avais mis le débattement à fond,
est diabolique et je dois être très doux sous peine d’entamer
un tonneau (si, si !).
Le vol lent est comme ça : lent. Voire même
"arrêté", face au vent pourtant modéré.
Je ne dirais pas qu’il est facile à piloter, mais en y allant
"mollo" avec les manches, c’est un plaisir de précision.
Les passages (littéralement) sous les yeux sont un régal.
Le décrochage est franc mais il ne survient pas par hasard, il
faut le provoquer.
Le retour au sol se fait à allure réduite,
le Fairchild 24 allonge à peu près autant qu’un Rafale
attrapant le second brin du CDG. Passage sur le nez inévitable
dans l’herbe, sans conséquence. L’autonomie est confortable,
on peut voler dix minutes si on veut.
Je n’ai pas essayé en salle, mais aucun doute que le Fairchild
sera dans son élément. C’est avec un grand sourire
que je range avec précaution (c’est fragile) mon petit bijou
dans le coffre de la voiture. Cette fois, pas besoin de démonter
les ailes… Notez qu’à la maison, c’est le seul
modèle que la patronne admet dans le salon, "parce qu’il
est trop minouche". 
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Je suis conquis ! En tout, il m’a fallu trois
semaines de l’ouverture de la boîte au premier vol. Trois
semaines de plaisir intense, au point que je m’intéresse
fortement au reste de la gamme. Entre deux méga-projets, ces petits
modèles forment une évasion dans le temps, à déguster
comme une madeleine de Proust. Mais pas trop souvent, car les kits Guillow’s
ne sont pas donnés. Le mien a coûté 45€ mais
si vous voulez monter le B-17G de 114 cm, la boîte vous coûtera
plus de 200€… Guillow’s vend aussi une adorable série
de warbirds (Bf109, Spit, Zéro, Typhoon,...) de ±40 cm d’envergure,
réservés à l’indoor. On les trouve facilement
entre 25€ et 30€. Enfin, la marque propose aussi de superbes
reproductions statiques : DC-3, Wright Flyer, Sopwith Camel… Le
plus dur, c’est de choisir le prochain !
Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org
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