 |
Radiomaster Pocket et ExpressLRS
Pas tout d'une grande... mais presque
!
Texte et photos : Laurent
Schmitz
Il me fallait une petite radio pour partir en
vacances. Comme j’ai déjà une Radiomaster Tx16s, c’est
naturellement au catalogue de cette marque que j’ai cherché,
et trouvé ! La nouvelle "Pocket" s’achète
sur internet à partir d’une soixantaine d’euros. Elle
offre pourtant les mêmes fonctions que des radios bien plus grandes…
et chères !
16 voies, messages vocaux, attribution libre de chaque
élément de commande, manches de précision à
effet Hall, charge par USB C, mémoire de modèles illimitée,
séquenceur incorporé, télémétrie, phases
de vol, fonctions conditionnelles,… Elle a tout d’une grande,
et plus si affinités. Et pourtant, elle tient dans la main, à
défaut d’entrer dans une poche, comme son nom l’indique.
Cette radio a peu de défauts, mais le premier m’a bien fait
hésiter.
C’est l’avenir, alors autant commencer
tôt ! |
L’émetteur "Pocket" est disponible
avec un module 2,4GHz "universel", capable de se connecter à
de nombreux récepteurs, un peu comme ma Tx-16s. Sa puce "CC2500"
communique avec le matériel Futaba en FHSS, Graupner HoTT, Hitec,
Walkera, FrSky, RadioLink,… mais pas Assan et FlySky, qui sont mes
marques favorites ! Ma Tx-16s n’a pas ce souci, et prend des
dizaines d’autres protocoles en charge. Que faire ? La seule
alternative est de commander l’émetteur Pocket en ExpressLRS.
Mais alors je devrai acheter de nouveaux récepteurs. Bon, ceux-ci
coûtent juste une dizaine d’euros, alors pourquoi pas ?
Après tout, c’est l’avenir, alors autant commencer
tôt !
Ce protocole Open Source, conçu à l’origine
pour les drones FPV, est tout doucement en train d’éclipser
les solutions "propriétaires" des grandes marques, et
pour cause :
- La portée des radios ELRS est phénoménale,
le record dépasse 100 km pour un modèle à voilure
fixe. Même à des puissances d’émission très
faibles, on peut voler largement au-delà de la portée
de vue. Le record à seulement 10 mW par exemple, s’élève
à 17 km !
- La qualité du signal, le taux de rafraîchissement
et la résistance aux interférences sont extrêmement
élevés, ce qui augmente la sécurité du
vol.
- Le lien radio est bidirectionnel, le récepteur communique
en permanence des données et de la télémétrie
à l’émetteur.
- L’appairage (Binding) entre émetteur et récepteur
peut se faire automatiquement, plus besoin de procédure compliquée.
- Toutes les marques d’émetteurs ELRS fonctionnent avec
toutes les marques de récepteurs.
- La communauté des développeurs et des utilisateurs
de matériel ELRS est énorme, ce qui assure l’avenir
du produit.
- Le prix du matériel ELRS est faible comparé aux grandes
marque
 |
Les récepteurs 7 voies avec télémétrie
(10 € sur AliExpress) sont livrés avec deux types
d’antennes (mais sans la gaine transparente, que j’ai
ajoutée). Celle en "T" est supposée donner
quelques kilomètres de portée en plus. |
Si c’est tellement mieux, pourquoi hésiter ?
|
Le plus gros obstacle sur la route de l’ExpressLRS,
c’est l’habitude. Passer d’une radio classique à
un émetteur ELRS est un fameux changement ! Pas à cause
de l’ExpressLRS lui-même, mais du système d’exploitation
de presque toutes les radios ELRS, nommé "EdgeTx". Celui-ci
est extrêmement complet, mais il a été conçu
par des génies de l’informatique et ça se voit !
Si vous n’avez aucune affinité pour les ordinateurs, que
vous préférez les montres à aiguilles et que vous
exigez la notice en français, retournez vite à Futaba car
vous ne serez pas heureux sur la planète ELRS !
Mais si "flasher un firmware" n’est pas du chinois pour
vous, que vous savez activer le point d’accès Wifi de votre
smartphone ou vous êtes né après l’an 2000,
vous allez vous régaler…
Datant moi-même de 1968, vous comprendrez que j’avais une
certaine appréhension. Mais bon, pour 60 €, on ne risque
pas grand-chose ! Et puis je suis parvenu à dompter la Tx-16s,
donc voilà, hop, dans le panier ! 
 |
Les minuscules manches se rangent
dans les côtés. |
Une semaine plus tard, j’ai la chose en mains.
Moi qui vole en pupitre, j’ai du mal à m’y faire. C’est
vrai que je donne souvent cours aux nouveaux avec des radios "pouces
dessus", mais là, c’est vraiment tout rikiki. Et livré
en mode 2, gaz à gauche d’origine... Pas de mode d’emploi,
bien entendu, mais Google sait tout. Le passage au mode 1 est simple :
il ne faut rien démonter, on bascule en vissant/dévissant
de petites vis "Allen" à l’aide d’une petite
clé (fournie). Comme la coque est transparente, on voit assez bien
ce qu’on fait (dioptrie +2 recommandée car c’est petit).
Notez que le plastique n’inspire pas vraiment confiance, mais bon,
à 60 € on n’est pas volé. Notez qu’il
n’y a pas de cran sur les gaz, mais un frein. On peut régler
la dureté et le rappel au neutre de tous les axes à son
goût, toujours avec la petite clé Allen. Les manches sont
agréables ; doux, précis et sans points durs. Ne chercherez
pas les inters chromés habituels : il n’y en a pas.
 |
Les habillages en caoutchouc
cachent des accus Li-ion (non fournis), de type 18650 sans électronique
de protection ("Unprotected" ou "No PCB"). |
L’émetteur est muni d’un potentiomètre,
de deux bascules à trois positions, d’un poussoir temporaire
et de deux poussoirs "marche/arrêt" avec verrouillage,
tous en plastique. C’est tout, on ne peut rien ajouter ni modifier.
Gadget utile : une LED s’allume dans l’émetteur
quand les poussoirs sont verrouillés. Enfin, sous les habillages
en caoutchouc se cachent deux grosses batteries de type 18650 (non livrées).
Elles assurent une autonomie monstrueuse à la Pocket.
Pour configurer les modèles, j’ai juste copié ceux
de ma TX-16s, puis dans le logiciel "Edge Tx Companion", j’ai
renommé les interrupteurs car entre la grande et la petite radio,
ils ne sont pas au même endroit.
 |
La prise pour casque,
l’USB-C pour charger les accus et l’emplacement de la
carte SD. |
Au terrain, j’ai vite fait de remplacer le récepteur
de mon Super Sportster par le tout nouveau ELRS arrivé ce matin.
Pour l’appairage, c’est facile : émetteur éteint,
on branche/débranche le récepteur trois fois de suite endéans
2 secondes. Ensuite on branche l’émetteur et dans le menu
"ELRS", on appuie sur "Bind". Et ça marche !
Presque… Le deuxième servo d’ailerons, connecté
sur le canal 5, est bloqué à fond. Pour vérifier
si c’est la radio ou le servo qui merdouille, je mets la fiche sur
le canal 6 et dans l’émetteur, je copie la ligne de mixage
du 5 sur le 6. Aha, ça marche ! C’est donc la radio
qui a un souci. Bon, à 10 € le récepteur, fallait
s’y attendre... Mais au moins, je peux décoller. Pas de test
de portée, la Pocket prévient oralement si le signal diminue.
Un quart d’heure plus tard, je me pose satisfait. A ma grande surprise,
le pilotage est doux et précis. C’est pas pareil que mon
pupitre bien-aimé, mais c’est quand même convainquant !
 |
En ELRS, comme en 2,4 GHz, on ne met
jamais les antennes à l’extérieur du modèle
(sauf fuselage en métal ou carbone). En effet, le fin brin
d’acier battant dans le vent relatif risquerait de se briser.
Bois, mousse, PLA, plastiques et fibre de verre sont transparents
aux ondes radio. |
Retour à l’atelier (ou plutôt, derrière
le PC portable), pour trouver pourquoi le canal 5 déconne. ELRS
a été développé pour les drones. Et par convention,
tous les drones sont "armés" (activés) via le
canal 5, à l’aide d’un interrupteur par exemple. Le
canal 5 est donc "tout ou rien". C’est comme ça,
on ne peut rien y changer mais quand on vole en avion ou planeur, on peut
ruser. Donc on branche le récepteur tout près du PC (juste
le récepteur). Après une minute, la LED se met à
flasher furieusement. Dans l’ordinateur on cherche alors un Wifi
nommé "ExpressLRS". Le mot de passe, c’est "expresslrs".
Là-dessus, votre navigateur s’ouvre tout seul sur une page
de configuration (sinon, ouvrez l’adresse 10.0.0.1). Oui, ce récepteur
gros comme un ongle possède son propre serveur Wifi !
 |
La très pratique page wifi de configuration
du récepteur. Dans ELRS, la voie 3 sert aux gaz et les broches
du récepteur à partir de 5 sont pilotées pas
les voies 6, 7, 8,… Dans l’émetteur, la voie 5
sert à armer (activer) la radio et se fixe sur une valeur "MAX". |
Sur la ligne du connecteur 5 il y a un "input"
qui est très logiquement sur 5. On le met sur 6, puis on met le
6 sur 7 et le 7 sur 8. Après avoir sauvegardé en bas de
page, on déconnecte le récepteur. Dans l’émetteur,
on déplace le mixage du canal 5 sur le 6 (+1 aussi pour les éventuels
canaux suivants). Voilà, on a de nouveau des voies proportionnelles
sur toutes les broches du récepteur. Pour parachever notre œuvre,
sur le mixage du canal 5 dans l’émetteur, on met en entrée
"MAX", au lieu d’un interrupteur ou d’un manche.
Sans ça, la radio risque de ne va pas s’armer (je vous ai
dit que c’était conçu au départ pour les drones).
Cette procédure d’appairage, c’est
pour les nostalgiques. Avec ELRS on peut utiliser le Wifi pour introduire
dans l’émetteur et dans le récepteur (qui fait aussi
routeur Wifi) une "phrase", sorte de sésame magique.
Choisissez un texte vraiment unique, car dès ce moment, quand l’émetteur
et un récepteur constatent qu’ils partagent la même
phrase, ils se connectent automatiquement. Plus besoin de "re-binder"
quand on change un récepteur de modèle, c’est automatique
et parfaitement sécurisé.
Pour obtenir ces performances, les concepteurs d’ELRS
ont dû faire des compromis. Là où les radio "classiques"
transmettent la position exacte des 16 voies des centaines de fois par
seconde, ELRS n’envoie que le strict nécessaire. Pour les
drones, seuls les canaux 1 à 4 (les manches) sont proportionnels.
Tout le reste est considéré comme des interrupteurs. Du
coup, le message ("Packet") échangé entre l’émetteur
et le récepteur est très court. Pour voler vraiment très
loin, le système diminue la résolution des voies (avec par
exemple seulement 64 positions par servo) et diminue aussi le nombre de
packets échangés chaque seconde.
Pour un modèle qui possède plus de 4 voies
proportionnelles (avion, planeur, voiture, etc), il est nécessaire
d’activer la pleine résolution de toutes les voies proportionnelles.
Cela se fait une fois pour toutes dans l’émetteur,
sous le menu "ELRS". Mettez le "packet rate" sur "100 Hz
Full" ou "333 Hz Full". La portée diminuera,
mais elle sera toujours nettement plus élevée que celle
d’un émetteur 2,4 GHz classique (et bien au-delà
de la limite de visibilité).
Les radios ELRS sont livrées au choix en version
"FCC" ou "LBT". Il faut choisir "LBT", ce
qui signifie "Listen Before Talk". Ce protocole obligatoire
en Europe est destiné à limiter les interférences.
Par ailleurs, la puissance maximale d’émission est de 100
mW (ce qui est largement suffisant). La version "FCC" convient
au reste du monde.
 |
Le poussoir qui me sert de sécurité
moteur (décoré pour l’occasion), la prise d’écolage
et le port USB de raccordement à un PC. On voit aussi les bascules
à trois positions et on devine le potentiomètre à
droite, derrière. |
Plusieurs Rx dans le même modèle |
Avec ELRS, on peut installer plusieurs récepteurs
dans le même modèle. Imaginez que vous achetiez un avion
avec volets et train rentrant,… mais que vous n’avez que des
récepteurs 5 voies en stock. Vous pouvez répartir les canaux
entre deux récepteurs (via la page wifi), pour commander au total
10 voies (ou 15 avec trois récepteurs).
Vous pouvez "localiser" les récepteurs dans l’avion.
Par exemple, un récepteur par aile dans un gros bimoteur. Plus
de spaghetti à connecter pour les volets, ailerons, ESC, train
rentrant, éclairage... Un seul câble d’alimentation
suffit, voire même rien du tout si l’accu de propulsion est
dans la nacelle moteur. On gagne beaucoup en simplicité, fiabilité
et en allonges de servos, donc en masse. Un récepteur ELRS pèse
seulement quelques grammes et ne coûte pas grand-chose.
Autre cas de figure : votre modèle nécessite 6 servos
digitaux qui pompent trop de courant pour un seul récepteur. Il
vous faudrait une coûteuse "powerbox", mais en répartissant
les servos sur trois récepteurs, elle n’est plus nécessaire.
Attention, il faut désactiver la télémétrie
sur tous les récepteurs sauf le premier (via le Wifi).
 |
Vous reconnaissez la situation ?
Avec un récepteur ELRS par aile, on épargnerait 14
allonges de servos/trains/ESC, 4 cordons en ‘Y’, un
UBEC et une crise de nerfs ! |
Au final, je suis enchanté par ma radio Pocket
en ELRS. C’est vrai qu’il faut bidouiller un peu mais tout
est bien expliqué sur Internet (en anglais) et on s’y fait
rapidement. Les avantages sont innombrables, mais il y a quand même
un souci pour les moins jeunes : l’écran (rétroéclairé)
de la Pocket est tellement minuscule qu’il est difficile à
lire sans lunettes. Après, c’est aussi pour ça qu’elle
parle… 
 |
Photo de famille Radiomaster
: la Tx12, la Pocket et la Tx16s. La Pocket tient dans la main !
(mais pas vraiment dans la poche) |
Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org
|
|