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Sukhoï 9
"Coronatelier" : Su-9 « Fishpot »
Texte et photos : laurent.schmitz@jivaro-models.org
Fin janvier 2021, en plein confinement, l’envie me prend
de construire un « jet » à turbine électrique.
J’ai déjà un F-100F Super Sabre d’origine
FlyFly Hobby qui vole très bien mais j’aimerais quelque-chose
de plus original. Et pourquoi pas un Sukhoi-9 ? Ce gros avion soviétique
méconnu a un air « bestial » qui me convient
bien…
L’original a été
conçu fin des années '50 et était surnommé
« Fishpot » par l’Otan. Il partageait
son fuselage avec le Su-7 « Fitter », un
avion d’attaque au sol à ailes en flèche exporté
largement dans le monde. Le Su-9 en revanche avait une aile delta
et était destiné à intercepter le plus vite
possible les avions ennemis à haute altitude. En 1959,
cet appareil capable d’approcher Mach 2 et de monter à
29.000 m faisait figure de vaisseau spatial ! Il a assuré
la défense de l’URSS jusqu’à son remplacement
par le SU-15 « Flagon » et le MiG-25 « Foxbat »,
en 1965. Il ne faut pas le confondre avec le célèbre
MiG-21 « Fishbed », à l’allure
similaire mais plus petit et aux missions très différentes.
Le MiG-21 était un chasseur-bombardier destiné à
l’origine au combat à vue et à courte portée.
Le Su-9 quant à lui était un puissant intercepteur
« tous temps » qui emportait exclusivement
des missiles air-air guidés par radar. Il fut construit
à près de 1.200 exemplaires, deux fois plus que
le Mirage 2000 par exemple. C’est donc un appareil historiquement
important, même s’il n’a jamais quitté
l’Union Soviétique.
Plusieurs considérations ont guidé mon choix en
vue de cette construction. Avant tout, les formes devaient être
simples afin de pouvoir être découpées au
fil chaud dans de la mousse d’isolation. Avec son fuselage
en « tuyau de poêle » et ses ailes
en triangle, le Fishpot est un candidat idéal. J’ai
opté pour un décollage du sol à la catapulte
pour épargner la masse et la complexité d’un
train rentrant. J’ai bien fait car on ne dirait pas comme
ça, mais le Su-9 a quasi la même envergure qu’un
F-104 muni de ses bidons d’ailes, c’est-à-dire :
pas grand-chose ! De fait, après découpe, les
ailes semblent minuscules, à peine plus grandes que la
dérive. Je les ai pourtant agrandies de 10% par rapport
au « vrai »…
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Ce Su-9 est déjà un gros modèle. Finalement,
sa masse est de 2,5 kg ce qui lui donne une charge alaire de 89 g/dm².
C’est élevé mais pas exagéré pour
un jet. |
L’avion devait être muni d’une turbine électrique
de 90 mm et d’un accu pas trop grand, pour se loger dans le cockpit.
Au final et après avoir diminué la longueur de 10%, le
modèle fait quand même 161 cm de long (175 cm avec le tube
de pitot) pour seulement 96 cm d’envergure. La surface alaire
s’établit à 28,4 dm², beaucoup moins que mon
F-100F à la même échelle (approximativement 1/10e)
et qui pèse 3 kg… Glups !
Enfin, l’original devait avoir un fini « tout métal »,
parce que j’avais en stock deux rouleaux de film rétractable
alu de chez HobbyKing. Ben ça tombe bien : aucun Su-9 n’a
jamais été peint !
Les essais au banc de la turbine « ChangeSun »
à 12 pales équipée d’un moteur 3670 de 1.700
kV et d’un accu 5S de 4.500 mAh avaient indiqué une intensité
de 110A, la limite de mon contrôleur brushless. Avec 2,1 kw, autant
dire que ça tirait très fort ! Hélas, une
fois montée dans l’avion, il s’est avéré
que la motorisation se mettait en alerte après seulement quelques
secondes. Les mesures ont indiqué subitement plus de 125A, pour
une poussée décevante. Par ailleurs, le cockpit rétrécissait
sous la dépression ! Pas de doute, malgré une veine
d’air de la même surface que la turbine, la propulsion étouffait.
En désespoir de cause, je me suis résigné à
découper une large ouverture auxiliaire dans le ventre de l’avion,
ce qui a ramené les valeurs « dans les clous ».
Début avril, me voilà au terrain pour le premier vol,
face à un vent moyen. La puissante catapulte en double tube de
latex de 9 mm traîne brutalement l’avion au sol sur trente
mètres, la turbine crachant au passage une bonne dose de débris.
L’engin s’élève enfin à contrecœur,
décoré de touffes d’herbe prises dans ses excroissances.
Je trime à fond à cabrer et malgré cela, le vol
continue manche dans le ventre et avec trop peu de débattement
pour monter sainement. Aux ailerons en revanche, c’est la toupille
instantanée au moindre mouvement… Après deux minutes
de torture, je tente des approches qui s’avèrent beaucoup
trop rapides. Alors que mon chrono d’émetteur sonne, l’engin
se vautre dans l’herbe, traverse notre piste en dur et finit sa
glissade dans les poteaux de sécurité. Bilan : les
deux ailes endommagées et le ventre raboté.
Retour à l’atelier, une semaine de réparations,
réglage des débattements et du neutre à la profondeur,
me revoilà au seuil de piste, avec cette fois un vent faible.
Deux tentatives mais il refuse de quitter le sol : pas assez d’incidence.
Je bricole vite fait un patin en mousse pour relever le nez, je veux
vraiment voler aujourd’hui. Cette fois, c’est la bonne !
A ma grande surprise, le Su-9 s’élève rapidement
sous une pente modérée et parfaitement rectiligne. Pas
besoin de trimer, il est comme sur des rails. Les tests vol dos et piqué
à 45° montrent un centrage parfait (à 21% de la corde
moyenne). Cela dit, il vole comme un delta « Mach 2 »
: si on tire brusquement après une prise de vitesse en palier,
il lève le nez mais dérape un moment avant de grimper,
« accroché » à la turbine. Pareil
en virage « ailerons-tiré » ; l'aile
« bourre » instantanément à la moindre
prise de G... exactement comme le vrai, qui perdait 100 km/h par seconde
en virage à 3G ! C'est assez impressionnant, pas moche du
tout et réaliste, mais « chaud » à
piloter. D’autant que si la turbine pousse fort, elle met aussi
un certain temps à « reprendre ».
Quant à l'atterrissage, l’avion arrive naturellement nez
(très) haut et pas trop vite, en frétillant si on le bride
trop. Après 5 minutes de vol alternant « plein pot »
et passages à mi-gaz, l’accu n’est qu’à
moitié vide. Le chrono peut donc être réglé
sans danger sur 7 minutes.
Les étapes de la construction sont décrites sous la forme
d’un « roman photo ». En bricolant trois
ou quatre soirées par semaine, il m’a fallu deux mois pour
le terminer. L’ensemble du modèle est en mousse, de polyuréthane
pour le fuselage et de polystyrène pour les ailes et l’empennage.
Ceux-ci sont en outre coffrés au balsa 1 mm. J’aurais préféré
du 1,5 mm mais c’est tout ce que j’avais en stock. Si c’était
à refaire, je coffrerais le fuselage aussi en balsa, ce qui le
rendrait moins sensible aux accrocs. En effet, même entoilée
au film thermorétractable, la cellule se marque très facilement.
La quasi-totalité des collages font appel à la polyuréthane
liquide, qui a la particularité de gonfler pendant la prise.
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Première découpe du « tuyau ».
Les formes sont simples, les irrégularités seront
rebouchées à l’enduit Polyfilla super-léger
(le pot semble vide quand on le soupèse) puis la surface
poncée. |
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Après trois soirées, le fuselage est terminé
et entoilé. J’aurais pu l’entoiler plus
tard, mais je voulais voir à quoi il ressemblerait.
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Très rapidement, l’atelier se remplit de dépouilles
et déchets de mousse… |
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Les gabarits de découpe sont faits en contre-plaqué
3 à 5 mm. Les demi-coquilles sont ensuite collées
pour former un tube. |
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Le cadre est placé sur une boîte en bois raccordée
à un aspirateur. Le moule est un empilement de formes découpées
au cutter dans des planchettes de balsa. Les "escaliers" ont
été tartinés au Polyfilla, puis l’ensemble
a été poncé.
Une latte de balsa 2 mm collée sur toute la longueur rigidifie
l’ensemble. Les pylônes sont simplement maintenus sur l’aile
à l’aide de velcro autocollant, de façon à
s’arracher en cas d’impact.
Il faut donc utiliser du carbone assez épais et des tubes qui
s’emboîtent sans jeu. Notez que le servo est caché
une fois le volet en place. Il entraine le volet grâce à
une tige filetée longue de ±1 cm vissée verticalement
dans un trou du palonnier. Cette tige se glisse dans une fente pratiquée
dans un rectangle de carbone collé au fond du trou dans le volet.
Il faut percer une étroite fente de ±1 cm suivant la corde
du profil car la tige doit pouvoir avancer et reculer sans forcer lors
de la rotation du servo.
Ne touchez pas à la mousse qui déborde sinon vous en
mettrez partout. Après une heure ou deux, l’excédent
durci en partie sera facile à couper avec une lame neuve.
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Même manipulation pour l’autre aile, mais cette fois
à plat. A nouveau, le laser permet de respecter les angles
droits. |
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Le radar est fait d’un tube de mousse PU entoilé
et habillé d’un cône. Celui-ci est fait d’un
disque en plastique fin enroulé. La jonction est collée
à la cyano et ne se voit pas trop. L’arrière
du tube est profilé grossièrement en forme d’ogive,
il ne se verra pas. |
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A ce stade, l’avion ressemble déjà à
un Su-9. Le cockpit a été creusé et muni d’un
plancher pour recevoir l’accu de propulsion. |
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Le tube de Pitot est amovible, maintenu par deux tiges de carbone
fichées dans des gaines en plastique collées dans
le fuselage. Un aimant au néodyme attire un bout de lame
de cutter collé sur le carénage. |
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Le reste du Pitot est fait de deux tubes d’aluminium terminés
par un bout de gaine de commande Sullivan. Le plastique est peint
en argenté. Notez que contrairement au vrai, l’entrée
d’air est arrondie pour un meilleur rendement de la turbine.
L’anneau noir était d’ailleurs fourni avec la
turbine. |
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Les pylônes sont décorés. Leur emplacement
peut être repéré sur l’intrados. |
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Comme l’accu ne peut pas être déplacé,
c’est la position de la turbine qui permet de régler
le centre de gravité. |
Il faut donc mettre tous les éléments à leur place
pour mesurer. De gauche à droite, on voit la turbine, le contrôleur,
l’UBEC pour l’alimentation de la radio et le gros câble
noir et rouge venant de l’accu. Le radiateur du contrôleur
dépasse dans la veine d’air, juste devant la turbine.
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Il est indispensable d’ajouter un gros condensateur de protection
au bout de l’allonge venant du Li-Po. Ici, j’ai utilisé
un électrolytique de 6800µf pour 35V. Après
installation et test du matériel, le fuselage est refermé.
Les capots sont collés à la PU. Pour accéder
aux équipements, il faudra donc à nouveau découper
la mousse. |
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Le crochet de catapultage est taillé dans un solide « mille-feuilles »
de balsa/carbone de façon à ressembler à une
antenne. Les trous permettent à la colle PU de bien le solidariser
au fuselage. Les cocardes sont sorties sur du papier autocollant
à l’imprimante laser. Une couche de vernis en bombe
les protège mais elles restent fragiles. |
Les lignes de structure sont tracées au marqueur indélébile.
Les volets d’atterrissage, aérofreins et trappes de train
sont simplement dessinés.
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Le Su-9 terminé a fière allure.
Par rapport au F-100F biplace ( présenté
ici), on voit que c’était un gros avion. |
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Les deux prises d’air sur le fuselage sont faites de bouts
de balsa. J’ai omis celles situées en-dessous car elles
risqueraient trop d’être arrachées. |
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Premier décollage. Plein cabré et il s’arrache
péniblement du sol. |
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On distingue les herbes arrachées lors du décollage
scabreux… |
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Passage plein pot lors du second vol (sans les pylônes cette
fois). La fumée de la « postcombustion »
est bien sûr ajoutée avec Photoshop. |
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Je ne vous dis pas le bruit de la "réchauffe" :
monstrueux ! |
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Ce Su-9 se pose nez haut, exactement comme le vrai. Heureusement
pas à 300 km/h mais à une allure très raisonnable. |
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Le décollage à la catapulte se fait désormais
sur un "traineau". Celui-ci permet à l'avion de
conserver une incidence positive. Il protège aussi l'entrée
d'air ventrale et le dessous du fuselage. |
Contacter l'auteur : laurent.schmitz@jivaro-models.org
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