Avant de détailler la conception de ce
modèle, je vais effectuer un petit retour dans le passé
pour vous expliquer pourquoi j'ai décidé de construire cette
improbable fusée inspirée du Skycycle de l'Américain
Evel Knievel, un engin complètement dingue.
Faire voler la fusée Skycycle X-2 comme un avion
en version radiocommandée n'était pas gagné.
Il a fallu de la persévérance pour y arriver.
Jeune lycéen,
j‘avais à l'époque pour habitude d'acheter
les magazines d'aéromodélisme dès leur
sortie afin de les bouquiner en dehors de mes heures de cours.
Un jour, je m'étais procuré
un RCM dans lequel était présenté un reportage
de la rencontre X-Perimental Wings de Boissy-sous-Saint-Yon en septembre
2000. (L'équivalent du fameux Inter-Ex où l'on
voit des engins volants extraordinaires.)
Mon regard est resté bloqué sur une
improbable maquette de missile, une dinguerie ! C'était
la réalisation d'un jeune pilote déjà
très doué nommé Benoit Paysant-Le Roux !
Après avoir créé le Coléo
issu d'une bande dessinée des Petits Hommes de Ceron,
au fuselage porteur doté de moignons d'ailes, il a
conçu un missile Bell X-9 Shrike !
Le plan du Coléo a été
diffusé dans la revue Looping (L'auteur en avais aussi construit
un).
En grandeur, ce missile expérimental américain
a été produit pour étudier des données d'ordre
aérodynamiques et tester des systèmes de guidage et de propulsion.
Benoit a réalisé ce missile qui mesure 1 mètre de
long et 8 cm de diamètre. Toute la construction a été
faite en balsa, sauf l'ogive qui à été taillée
en styro. La motorisation classique à l'époque a été
confiée à un moteur Cox Tee Dee .049 sans commande de gaz
et bien sûr sans échappement !
Le missile Shrike de
Benoit Paysant-Le Roux dans les années 2000, piloté
de façon phénoménale.
Réussir à faire voler pareil modèle
était un sacré exploit. Très peu de gens auraient
eu les capacités de le piloter. La visibilité de l'engin
n'était déjà pas évidente mais savoir
dans quelle position il se trouvait, notamment après une série
de tonneaux qui tournaient comme une toupie, était une véritable
prouesse.
Une vidéo du vol démontre les qualités de vols du
missile et le pilotage de main de maître de Benoît !
Le Shrike de Benoit PLR en vol lors
de l'Xperimental-Wings.
Ce missile m'avait vraiment tapé dans l'œil
mais à cette époque j'étais trop inexpérimenté
pour en reproduire un !
Les années passant, j'ai osé franchir le pas en me
lançant dans l'aventure !
Grâce aux réseaux sociaux, Benoît a eu la gentillesse
de me fournir des renseignements et des photos de son missile.
Des cascades avec... une fusée !
Pour la 37e édition de l'Inter-Ex
en Belgique, je m‘étais mis en tête de présenter
une fusée. Je vous avoue que reproduire un missile ne me
plaisait pas ! Et vu que je ne fais jamais comme tout le monde,
j'ai cherché un sujet original. J'ai mis du temps pour
trouver mon bonheur et j'ai finalement jeté mon dévolu
sur le Skycycle X-2.
Cette moto-fusée propulsée par une cartouche à
vapeur a été conçue pour le cascadeur Evel
Knievel mondialement connu pour ses cascades hautement dangereuses
et spectaculaires, avec pour but de traverser un canyon en franchissant
la rivière Snake dans l'Idaho, aux Etats-Unis.
Les deux premiers prototypes - non habités- qui décollaient
en roulant ont terminé leur course dans l'eau sans
atteindre la berge opposée... alors qu'ils devaient
y atterrir suspendus à un parachute !
Quelques temps plus tard, en septembre
1974, le Skycycle X-2 fut installé sur une rampe fortement
inclinée au bord du canyon. Une grue emporta Evel Knievel
jusqu'au cockpit où il fut solidement sanglé
par ses assistants. Après le compte à rebours, le
décollage se déroula parfaitement dans un panache
de vapeur mais très vite un problème apparu. Le parachute
de récupération s'était déployé
bien trop tôt alors que le moteur poussait encore et que la
fusée n'avait pas atteint son apogée ! La fusée
redescendit tête en bas, poussée par le vent jusqu'au
bas du canyon, du côté d'où elle venait de décoller.
Elle a atterri miraculeusement sur la berge à quelques mètres
de l'eau. Si elle était tombée dans la rivière,
le cascadeur de serait noyé car il n'était pas
en mesure de retirer lui-même les sangles de son harnais !
En 2016, plus de 40 ans après,
le cascadeur Eddie Braun a réédité le saut
à bord d'une nouvelle fusée en réussissant
cette fois l'exploit de traverser la rivière, en atterrissant
sous un parachute sur la berge opposée.
La tentative d'Evel Knievel
pour franchir la rivière Snake.
La première maquette
Revenons sur la conception du proto. En effectuant de
rapides calculs, j'ai tracé un plan basique ! Le modèle
mesure 1 mètre de long et 15 cm de diamètre, avec une
envergure de 50 cm.
La construction est entièrement en balsa de 3 mm pour la structure
et en 1 mm pour le coffrage.
Les demi-couples sont
collés sur l'âme horizontale du fuselage avant d'être
réunis par des lisses.
Demi-couples doublés
afin de renforcer la fixation du tube supportant le train d'atterrissage
principal.
La cloison support-moteur est immobilisée
à l'avant. Ensuite, les longerons contre-collés découpés
à la forme du nez permettent d'obtenir une ogive bien régulière.
Le corps de la fusée est entièrement
coffré avec du balsa d'1 mm d'épaisseur. La dérive
sur ce proto est en balsa plein.
Support de la roulette
de nez solidement ancré dans la partie avant.
Il y a un mixage delta profondeur-aileron piloté
par 2 micros servos placés à l'avant dans l'ogive
ainsi que la motorisation.
Pour cette dernière, on oublie le Cox du Shrike ! Un moteur Brushless
Axi 2212/12 version longue équipé d'un contrôleur
40A entraîne une hélice 7x4. L'accu 3S 2200 mAh trouve
sa place sous la cabine de pilotage.
Le décor a été retracé et découpé
en vinyle par Laurent B. Il s'est inspiré des photos de l'original.
Le décor a été tracé
à l'informatique puis découpé dans du vinyle
à l'aide d'un plotter à commande numérique.
La fusée a été terminée juste à temps,
la veille de la rencontre.
Une petite maquette de vol libre a été fabriquée
en Depron afin d'estimer la position du centre de gravité.
Le jour J arrivé, j'étais plutôt stressé
de piloter la fusée.
Décor tape-à-l'œil
typiquement américain...
Manu, mon lanceur officiel, a propulsé vigoureusement
la fusée, le nez légèrement vers le haut. Malgré
la puissance et le manche de profondeur tiré à fond, la
fusée s'est vautrée à plat, une dizaine de
mètres plus loin.
D'autres tentatives sont restées infructueuses même
si l'engin terminait sa course en ligne droite après une
parabole un peu plus loin à chaque fois, avec des retours au sol
plus ou moins brutaux…
Une dernière tentative a été effectuée
après avoir reculé l'accu au maximum et changé
l'hélice pour améliorer la traction.
Manu a lancé la fusée comme si c'était un javelot
! Cette fois, ça volait ! Mais avec le manche de profondeur à
plein cabré, trim également et moteur à fond !
Bricolage sur le terrain
pour réparer, modifier les débattements et tenter
de reculer le centrage.
Le comportement avait malgré tout l'air
plutôt sain, les gouvernes étaient efficaces en roulis, mais
impossible de réduire les gaz ni de relâcher la profondeur
!
Sinon gare à la chute, ça ne plane pas du tout !
Malgré de puissants
lancers, le modèle terminait sa course quelques dizaines
de mètres plus loin.
Après d'immenses hippodromes, j'ai pu faire quelques
passages plus proches pour les photographes, avant l'alignement pour l'atterrissage.
L'approche s'est faite plein pot, les gaz sont coupés juste avant
que les roues ne touchent le sol.
S'en est suivi un tonnerre d'applaudissements des copains et du public
! Quel soulagement...
De retour à la maison, j'ai mis la fusée de côté
pour cogiter… et l'améliorer.
Après de nombreux
essais, la V1 du Skycycle a fini par tenir en l'air mais le pilotage
était intense...
On revoit la copie...
Nouvelle cellule repensée,
avec notamment les servos placés à l'arrière
afin de faciliter le centrage sans lest.
Pour l'édition suivante aux Pays-Bas, je n'ai
pas utilisé la même cellule, j‘ai finalement reconstruit
intégralement une nouvelle mouture. J'ai modifié l'implantation
des servo pour les installer le plus en arrière, en attaque directe
sur les gouvernes.
La cabine est devenue démontable pour faciliter le positionnement
de l'accu et l'accès au récepteur. Le moteur installé
est un Dualsky un peu plus puissant.
Malgré toutes les modifications, impossible de
faire voler convenablement cette nouvelle version. Elle a même terminé
dans un champ à proximité du terrain, incontrôlable
!
Déçu, blasé de n'avoir pas réussi après
tout le temps passé et les modifications apportées qui se
sont soldées par un fiasco, j'ai tout mis au placard.
La version 2 volait
presque encore moins bien que la première. Moins lourde du
nez, elle était quasi impossible à diriger. Déception
!
Jamais 2 sans 3 !
Sévère
chasse aux grammes sur la V3. Le balsa a été remplacé
par de la mousse VectorBoard partout où c'était possible.
Après avoir digéré la pilule quelques
mois plus tard, j'ai tout remis à plat et suis reparti de zéro
!
Suite aux divers essais effectués, il était évident
que la masse était trop élevée.
La 1e version pesait 880 g, la 2e sortait à 940 g. La charge alaire
était proche de celle d'une brique !
Même le coffrage
extérieur est en mousse fine. La masse a été
considérablement réduite.
Finalement, pour arriver à alléger la
structure, j‘ai opté pour un mixte de balsa et VectorBoard
(une mousse qui s'apparente au Depron et à l'EPP).
La base de la nouvelle fusée est en balsa 3 mm, les couples en
Vector de 3 mm, les traverses en Vector de 6 mm et le coffrage en Vector
de 1,5 mm.
La dérive principale et celles des
extrémités sont en balsa de 3 mm, faites de baguettes
pour ces dernières afin de réduire au mieux le poids.
Sur le proto n°1, un petit plan canard avait été
installé. Je m'étais inspiré de celui qui est présent
sur la fusée originale d'Even en regardant des photos mais il s'est
avéré beaucoup trop petit, inefficace !
Du coup, j'ai augmenté les surfaces et changé les proportions,
c‘est mieux ainsi !
Les ailettes sont entoilées au film Kavan blanc, de qualité
proche de l'Oracover mais qui a l'avantage de coûter moins cher
!
Le fuselage a été peint à la bombe Liquitex bleue,
blanche et rouge.
Le problème du VectorBoard est que la peinture a du mal à
accrocher, le moindre petit choc la fait sauter.
Les autocollants sont les mêmes qui ont été découpés
puis collés. Il y a un paquet d'étoiles à poser une
par une. Le vinyle adhère mal sur la peinture donc j'ai utilisé
de la colle d'écolier pour améliorer la tenue.
Le buste de pilote a été taillé entièrement
dans un empilement de Vector Board de 10 mm contrecollé, mis en
forme et peint.
Le pare-brise a été découpé dans une bouteille
de soda.
Les roues à rayons de 70 mm du commerce ont été utilisées.
Le moteur est le même que la première version, un Axi 2212/12
avec une hélice de 7x4. J'ai réussi à gratter du
poids sur le reste de l'équipement radio avec un petit contrôleur
35 A de Graupner et 2 servos HS 55 plus légers. L'accu a lui aussi
fondu, j'ai installé un 3S 1300 mAh.
Grâce à toutes ces améliorations et une grosse cure
d'amaigrissement, le poids de cette nouvelle version est bien moins élevé,
elle pèse 640 g.
La nouvelle version
plus légère est enfin maniable et précise,
et dotée d'une puissance satisfaisante.
Plein pot, l'assiette
du Skycycle est quasi à l'horizontale.
C'est lors de l'Inter-Ex de Bouzonville (France) que
le baptême de l'air a eu lieu.
C'est Julien qui l'a projetée vers le haut. Malgré le vent
soufflant fort ce jour-là, le vol c'est déroulé sans
accros. Les commandes répondent bien, plus besoin d'avoir la profondeur
cabrée à fond pour voler à plat !
Tellement le vol était sain, j ai même tenté les tonneaux
! Ils tournent sans problème, à toute vitesse…
Passage devant le pilote et les photographes.
Quel bonheur d'arriver enfin à faire suivre au modèle
la trajectoire souhaitée.
L'allure en vol est
franchement inhabituelle. L'obstination finit par payer.
Les virages demandent quand même un certain volume...
Arrivée aux grands angles avec un filet de moteur
pour poser pile à l'endroit souhaité.
J'ai pu enfin la piloter comme je le souhaitais. Après
avoir effectué plusieurs passages bas pour le plaisir des photographes,
je l'ai présentée pour l'atterrissage. L'approche se fait
à vitesse relativement faible, nez un peu cabré, le toucher
des roues s'effectue en douceur et la fusée s'arrête après
avoir roulé quelques mètres sur la belle piste en herbe.
L'approche et l'atterrissage se font à
vitesse correcte. Sur la piste bien tondue, la fusée roule
tout droit avant de s'arrêter.
Le pari est réussi après avoir construit
3 exemplaires, mon entêtement a payé ! Il ne faut jamais
s'avouer vaincu. Avec de la réflexion et plusieurs essais, on finit
souvent par y arriver. Il faut toujours persévérer.
Et pour revenir à l'histoire d'Evel Knievel, il avait lui aussi
crashé 2 prototypes avant de réussir à décoller
avec le 3e...
Greg, très heureux (si, si... )
d'avoir enfin réussi à faire voler son Skycycle X-2 comme
il l'avait imaginé dès le départ.
Obstination et audace
Maintenant que le chapitre du Skycycle X-2 est terminé,
je peux penser à la conception d'un nouveau projet pour l'Inter-Ex
2026 qui se tiendra à Havay en Belgique, début septembre
2026. Et les idées ne manquent pas…
Caractéristiques
techniques
Nom : Skycycke X-2
Envergure : 50 cm
Longueur : 100 cm
Diamètre : 15 cm
Surface : dm²
Poids : 640 g
Charge alaire : g/dm²