Aujourd’hui, on va parler d’astromodélisme,
et détailler toutes les étapes de la fabrication d’une
fusée à poudre perso (sauf les propulseurs qui proviennent
du commerce. J’avais à la maison un emballage en carton
tout en longueur. Sa forme m’a incité à créer
une fusée pas très aérodynamique mais un peu originale.
Avec la déco qui va bien, inspirée des fameuses briques
danoises de couleurs qu'on a connu durant notre jeunesse, elle sera
bien visible en vol… et même au sol.
Vous être prêts ? Alors… LEZGO !
Fusée Lezgo : Vidéo
de la construction, du vol avec caméra embarquée
et de la poursuite en immersion.
Ado, j'ai très longtemps revé de la fusée
AstroCam produite par Estes, qui embarquait un petit appareil photo
dans lequel se trouvait une bande de film, qu'il fallait enrouler manuellement
après chaque photo, ce qui limitait donc les prises de vue à...
une seule photo par vol !
La fusée AstroCam produite par
Estes dans les années 80, équipée d'un appareil
photo et à droite, la nouvelle version qui reçoit
une petite caméra numérique d'environ 12 g filmant
en 1980x1080 px.
N'ayant pas d'argent de poche, le moindre kit de fusée
du commerce était forcément inabordable. Mais quand la
passion est là, on se débrouille avec les moyens du bord...
Pour les moteurs, pas question d'improviser à les fabriquer soi-même.
Du moins, pas officiellement !
J'arrivais à me faire offrir de temps en temps quelques paquets
de moteurs commandés chez l'importateur français Delta
Astro Model. Par contre, pour les fusées, il fallait improviser
avec des matériaux de récup' : feuilles de papier roulée
pour le corps, carton ou planchettes de balsa pour les ailettes, blocs
de mousse ou de bois pour l'ogive et sac poubelle en plastique pour
le parachute. Voir par exemple la vidéo ci-dessous réalisée
quelques années plus tard.
Fabrication de micro-fusées
"maison", faciles et pas chères (1990 )
Décollage sur la place devant la mairie du village !
Quelques fusées
"perso" mono et multi-étages. Sur la droite,
on devine une navette spatiale construite en papier-bristol qui,
une fois larguée, volait parfaitement... sur le dos !
Décollage depuis un balcon du 16e arrondissement
de Paris, à l'aide d'un cierge magique en guise d'allumeur.
L'atterrissage sous parachute se faisait dans le bois de Boulogne...
Fusée de Tintin intégralement construite
en bois. Le corps est réalisé en deux demi-coquilles
avec les lattes taillées en fuseau prenant appui sur de nombreux
couples.
Cogitation pour
le décor
Sans le décor choisi, cette fusée de section carrée
ressemblerait... à rien. Il a donc fallu prendre le temps
de le dessiner, de le découper dans du vinyle à l'aide
d'une machine Craft Robo - Silhouette SD et d'habiller le tube en
carton de couleurs chatoyantes en tentant d'obenir du relief en
jouant sur les teintes du recouvrement pour imiter les fameuses
briques.
Le décor dessiné sur-mesure
a été découpé dans du vinyle avec
une machine CNC.
Caractéristiques
techniques
Nom : Lezgo
Construction : carton et Depron
Hauteur : 106 cm
Poids : 460 g
Moteurs : 3 propulseurs Klima D9-3
Parachute : en toile de spi, 1 m de diamètre
Le corps de la
fusée
Les extrémités du tube en carton sont
d’abord recoupées puis rigidifiées avec deux
carrés de mousse découpés à la bonne
dimension afin d’éviter l’écrasement durant
les manips.
Pour masquer les inscriptions risquant de ressortir
sous l’entoilage en vinyle, un léger voile de peinture
blanche est appliqué.
Ne pas trop en mettre afin de ne pas alourdir inutilement.
Les découpes
en vinyle
L’emplacement du décor est repéré
puis la déco est tracée à l’informatique
aux dimensions souhaitées.
C’est une petite machine Silhouette SD qui est utilisée
pour la découpe du vinyle.
Elle est indispensable car on compte quasiment 200 autocollants
à découper donc pas question de le faire à
la main.
Il faudra par contre les coller manuellement, un par un. Cette étape
de finition est pour moi toujours un véritable plaisir.
L’échenillage qui consiste à retirer
tous les morceaux inutiles est toujours une étape fastidieuse
mais indispensable.
J’ai utilisé une dizaine de couleurs bien vives comme
le sont les briques en plastique.
Le tube est recouvert de bandes jaunes et rouges,
ce sera parfaitement visible.
On commence toujours par poser les couleurs les plus claires car
le vinyle est parfois très légèrement translucide.
Procéder lentement de façon à ne pas emprisonner
de bulles.
La partie qui simule l’intérieur des
briques n’est pas tout à fait de la même teinte
: elle est plus foncée pour donner une impression de creux.
Même chose avec les autres couleurs, en prévoyant
à la découpe un chevauchement de quelques millimètres
pour éviter tout décollement.
On fait attention à poser les bandes bien perpendiculaires
au tube.
Aux extrémités, on garde quelques centimètres
de longueur qui seront repliés à l’intérieur.
Pour le dessous des briques, les autocollants pourront
être collés par bloc, ce qui fait gagner du temps tout
en permettant de les garder parfaitement alignés.
Pour cela, il faut les recouvrir d’un film transfert.
Si l’autocollant à tendance à
se rouler sur lui-même, des objets fins posés sur ses
bords permettent de plaquer sur le tapis de découpe.
Le film transfert est toujours coupé un peu plus large que
l’autocollant de façon à faciliter les manipulations
à venir.
L’excédent qui dépasse peut être recoupé,
en conservant la marge du support papier.
Les autocollants restent groupés grâce au film transfert.
L’ensemble est plaqué avec précision, en évitant
d’emprisonner des bulles ou de faire des plis.
Il reste à retirer le film transfert en le repliant sur lui-même.
La combinaison des différentes couleurs permet
de simuler les reliefs et la profondeur.
Sur le bas de la fusée, c’est du noir qui est utilisé,
avec du gris pour les partie creuses.
Là où viendront se coller les empennes,
le tube reste à nu pour une meilleure adhérence.
On plaque bien tous les bords et on chasse éventuellement
les bulles en chauffant doucement avec un décapeur thermique.
Les empennes
Les empennes sont découpées dans un
vieux calendrier en carton.
Les dimensions correspondent à la taille des briques définie
par le tube en carton.
Elles seront collées comme si elles étaient
emboitées sur les plots des briques, la partie en contact
bien large pour une bonne tenue.
Les empennes de la partie basse sont un peu plus larges que celles
placées au-dessus.
Le recouvrement est fait avec 2 nuances de couleurs,
toujours pour donner un effet de profondeur.
Bien maroufler en prévoyant un chevauchement
de quelques millimètres sur la face opposée.
L’opération est répétée sur les
8 empennes. 4 de couleurs verte, 4 de couleur bleue.
Ombrages et reliefs
Les portions de lune noires simuleront les ombrages
des plots. Pour les blanches ce seront les reflets de la lumière.
Les ombrages simulant l’intérieur de
briques sont plutôt faciles à appliquer, avec le film
transfert.
Il faut bien sûr les placer tous de la même façon,
comme si la lumière venait d’en haut à gauche
lorsque la fusée est placée à la verticale.
Le film transfert peut être réutilisé
plusieurs fois. Inutile de gâcher.
Pour faciliter le placement des autocollants en demi-lune
simulant les reflets et les ombrages, des gabarits en papier sont
découpés.
Une petite flèche permet de repérer le haut, d’où
provient normalement la lumière.
Les demi-lunes sont placées une à une.
Patience, il en faut une centaine en blanc pour les reflets…
puis une centaine en noir pour les ombrages !
Quand tout est placé correctement, on retire le gabarit en
prenant garde à ne rien décoller.
La même est chose est faite sur le corps de
la fusée. Le gabarit est décollé délicatement
pour resservir sur la brique suivante. Sur les briques noirs, c’est
du gris qui simule les ombrages.
Le résultat est plutôt satisfaisant.
Support moteurs
La fusée
sera équipée de 3 moteurs à poudre.
Un support est donc confectionné aux dimensions du corps
de la fusée. L’impression des pièces échelle
1 sur papier permet d’obtenir des gabarits précis.
La feuille de papier imprimée est découpée
puis collée sur du contreplaqué ordinaire de 3 mm
d’épaisseur. Ici, j’utilise du double-face
fin mais de la colle en bâton conviendrait aussi bien.
Une astuce lorsqu’on coupe avec une scie à chantourner
: afin d’évité que le bois n’éclate
sur sa face inférieure, on place des bandes de ruban adhésif
sur le passage de la lame. Découpe à la scie à
chantourner, sans forcer.
Pour obtenir des pièces bien symétriques et gagner
un peu de temps, deux épaisseurs de contreplaqué
sont réunies avec du double-face.
Les passages des moteurs sont percés à
la perceuse à colonne. Il est possible de le faire à
la scie à l’aide d’une lame étroite à
denture fine. Un cylindre abrasif monté sur une mini-perceuse
permet d’obtenir une belle finition pour les trous.
Les moteurs à
poudre sont des D9-3 de chez Klima. Ils sont disposés sur
une feuille de papier format A4. D’un côté,
on tire une bande de scotch disposé avec sa face collante
vers le haut. La feuille de papier est encollée en laissant
environ 6 cm à nu qui correspondent au périmètre
des moteurs, qui eux, ne doivent bien sûr pas être
collés. La feuille de papier est alors roulée bien
serrée autour des moteurs. L’extrémité
de la feuille est alors appuyée sur le ruban adhésif
qui plaque sur toute la longueur.
Pour les couples inférieurs du support moteur,
les cartouches de poudre doivent pouvoir glisser librement. Ceux
de la partie haute sont plus étroits, de façon à
bloquer les cartouches mais suffisamment évidées car
la poudre qui éjectera le parachute passera au travers. Le
papier peut alors être retiré. C’est pratique
lorsqu’on a utilisé de l’adhésif double-face.
Essai de positionnement
dans le corps de la fusée. Tout va bien donc le support-moteur
pour être solidement collé dans le tube. Ici, c’est
de la colle polyuréthane qui est utilisée. Elle
a comme caractéristique de gonfler légèrement
au séchage. Encore plus lorsqu’il y a un peu d’humidité.
Elle viendra combler les petits écarts éventuels
et assurera un collage très efficace. Le couple inférieur
est aligné sur le bord du tube.
Le verrou qui bloquera les moteurs en place est ici
découpé dans de la plaque époxy de 2 mm.
Le petit trou central est percé en premier. C’est plus
facile maintenant car la pièce n’est pas bien grande.
Elle est ensuite sciée puis ébavurée.
C’est elle qui bloquera et libérera les moteurs à
poudre.
Un trou de diamètre plus petit que le précédent
est percé pour le passage de la vis à bois servant
pour le serrage.
Voilà le principe : fermé, ça
empêche le moteur de ressortir. Ouvert, il glisse librement.
Ogive
L’ogive est découpée
dans du Depron de 6 mm. La coupe est effectuée à
45° à l’aide d’un outil parfaitement tranchant.e
sommet de l’ogive reçoit le carré de Depron
qui est ensuite poncé afin de bien aligner chaque face.
Un petit disque est découpé. Il sera collé
au somment de l’ogive. C’est le seul plot en relief
de nos fausses briques…
L’ogive est à son tour recouverte de
vinyle. Le petit plot cylindrique est lui aussi recouvert de vinyle,
sauf sur la face de collage.
Tube de guidage
Dernier détail : le tube-guide pour la rampe
de lancement.
Deux longues pailles en plastiques sont emmanchées bout à
bout, après avoir élargi l’extrémité
de l’une d’elles.
Un filet de cyano aide à les maintenir ensembles.
Un trou est percé à travers les couples
à l’aide d’un forêt du bon diamètre.
Il aurait pu être percé bien avant mais je l’avais
oublié…
Le parachute
Le parachute est découpé dans de la
toile de spi ou cerf-volant. Un grand coupon est replié en
diagonal pour former un carré. Il est ensuite replié
sur lui-même à plusieurs reprises.
La base est coupée aux ciseaux à l’endroit où
la toile est la plus courte. La pointe est aussi recoupée.
Prévoir 5 à 10% de la longueur totale. Elle formera
l’indispensable cheminée au centre du parachute.
Une fois déplié, on obtient un disque quasiment
rond. Il mesure environ 1 mètre de diamètre.
Du ruban tissé autocollant est utilisé
pour former les renforts au niveau de l’accroche des suspentes.
Des ronds sont tracés puis découpés au ciseau.
Il en faut 16.
Ils sont répartis sur la périphérie,
diamétralement opposés, en s’aidant des plis
formés au préalable.
Une aiguille est chauffée au rouge pour percer les disques
et la toile en même temps. Le bord est cautérisé
par le métal brûlant. Il faut former un trou d’environ
2 mm de diamètre dans lequel passera la suspente.
Du fil solide est utilisé pour les suspentes, c’est
du Dacron résistant à 13 kg de traction. 16 morceaux
sont coupés, d’une longueur une fois et demi celle
du parachute. La suspente est glissée dans le trou et solidement
nouée.
Avec un compas-cutter, outil très pratique, j’ai
pratiqué 4 autres cheminées plus petites, réparties
équitablement à environ 1/3 du centre du parachute.
La descente sera ainsi beaucoup plus stable.
Un morceau de caoutchouc gainé
et résistant est employé pour raccorder le parachute
au reste de la fusée. C’est lui qui encaissera le
choc à l’ouverture, même si elle devait se
faire à plein vitesse. Une large base en carton solide
est découpée avec une fente en son centre. Une autre
plaque avec 2 encoches prendra appui dessus.
Deux petits tronçons de tube aluminium sont roulés
sous la lame du cutter. La tige insérée dans le
tube permet la séparation au niveau de la prédécoupe.
Les bords ne doivent pas être tranchants. Ils sont donc
ébavurés.
Un coup de pince délicat
permet d’ovaliser le tube, ce qui facilite le passage de
l’élastique. Celui-ci est plié en deux pour
faire une boucle, puis glissé dans le tube. La plaque de
carton fendue est introduite dans la boucle. Cette dernière
est étirée puis le tube est écrasé
d’un côté pour emprisonner l’élastique.
Après tension, l’autre côté est à
son tour écrasé de façon que ça ne
puisse plus glisser.
Les deux plaques sont alors collées l’une
contre l’autre, en lassant passer la boucle dans la fente
du support.
La qualité du collage est importante car il ne faudrait pas
que ça s’arrache lors de l’ouverture du parachute.
Une autre boucle est effectuée de la même façon
à l’autre extrémité de l’élastique.
Ici encore, le tube est écrasé pour bloquer l’élastique.
La plaque est alors collée dans le corps de
la fusée. Un morceau de mousse la maintient appuyée
pendant le séchage.
Une extrémité du fil est nouée
contre l’ogive. L’autre extrémité est
reliée à l’élastique accroché
à la fusée. Le parachute est également attaché
à l’élastique. Une boucle est formée
sur un autre bout de ficelle. Elle est glissée entre les
nœuds des suspentes du parachute.
L’autre extrémité est alors nouée dans
la boucle de l’élastique, au même endroit que
l’ogive. Pour protéger le parachute des charges d’éjections
avec leur gaz brûlants, on utilise un morceau de ouate. Ce
morceau est enfoncé dans le haut de la fusée, sans
le tasser. L’élastique et les fils sont glissés
dessus, suivis du parachute plié, pas trop serré.
L’ogive recouvre le tout.
Touche finale
Reste la touche finale avec le logo qui baptise notre
fusée. Inspiré de la marque Lego, il est composé
de 3 couleurs superposées. Une couche de jaune, une de noir,
et une blanche avec les lettrages.
Le film transfert permet de placer précisément les
différentes couches.
Un logo est placé de chaque côté.
Sur fond rouge, il ressort parfaitement. C’est beau, et même
brillant.
Support caméra
Une petite caméra Insta 360 Go2 a été
installée sous l'ogive. Un support est confectionné
pour l'intégrer partiellement dans le corps de la fusée
et la protéger des gaz d'éjection du parachute.
Le flanc est percé pour le passage de la caméra.
Elle entre en force mais un morceau de ruban adhésif ajouté
par-dessus permet de se rassurer...
Le jour J - lancement
Et c’est parti pour le terrain de vol. Enfin
!
Roro Pynoyboy assure le suivi avec son kwad piloté en immersion.
Winwin est chargée du compte à rebours et de la mise
à feu.
Jérôme s’occupe d’immortaliser la scène
en prenant des photos.
Et Chacha est cachée de l’autre côté de
la caméra pour filmer tout ça.
Merci à tous de m’avoir accompagné !
Les 3 moteurs à poudre sont glissés
dans leur support.
Les allumeurs électriques sont enfoncés dans les tuyères.
La tige de lancement est introduite dans le tube de la fusée.
Les câbles des allumeurs sont raccordés au pupitre
de commande équipé de sa batterie.
Et en avant pour la mise à feu. 3, 2, 1...
contact !
Pas très aérodynamique mais ça
monte tout de même bien haut. Les 3 moteurs poussent pendant
un peu plus de 2 secondes.
Une mèche lente permet de suivre la trajectoire
jusqu’à déclencher les charges d’éjections
3 secondes plus tard.
Le parachute s’ouvre alors, parfaitement, juste
à l’apogée. La descente est très stable.
On voit la cheminée principale et les 4 auxiliaires. La fusée
descend lentement, doucement poussée par le vent.
Pynoyboy s’en donne à cœur-joie
en tournant autour avec son kwad.
Au passage, vous pouvez aller jeter un œil à sa
chaîne Youtube.
Le champ de tir était bien dégagé
mais le vent en altitude fait dériver la fusée vers
un champ de blé.
La caméra embarquée est une Insta360 Go2, qui a effectué
son premier vol embaqué ici.
Plutôt content de la qualité des images obtenues.
L’atterrissage est parfait, tout en douceur, à 2 m
d’un sillon laissé par le tracteur.
Et voilà, très satisfait de ce tir réussi.
A bientôt pour de nouvelles aventures…
Si vous avez lu jusqu'ici, c'est que l'astromodélisme
vous intéresse, et cette fusée en particulier.
Elle est dispo pour celui qui me promet de lui faire à
nouveau prendre l'air.
Il n'y a que les frais de port à régler (quelques
euros en point relais).
Je conserve toutefois le parachute pour un autre projet donc
à charge du futur propriétaire d'en réaliser
un nouveau en suivant le descriptif donné plus haut
et dans la vidéo.