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23 janvier 2021
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Horten Ho 229

Horten Ho 229

L'Histoire inachevée

Texte et photos : laurent.schmitz@jivaro-models.org

Février 1945. L'Allemagne nazie teste un avion à réaction révolutionnaire : le Ho 229. A ce stade du conflit, le destin du 3e Reich est heureusement scellé depuis longtemps et le nouvel appareil n'aura jamais l'occasion de faire ses preuves. On ne peut qu'imaginer le potentiel de cette nouvelle "Wunderwaffe"…

Cette histoire débute bien sûr avec un modèle réduit sur l'établi. Après mon DC-3 de 2 m d'envergure, je m'attelle cette fois au montage d'une maquette statique en plastique, le kit "Zoukei-Mura" du Ho 229 au 1/48. La firme japonaise "haut de gamme" propose un concept inédit sur le marché en reproduisant la structure interne de l'avion. L'idée est d'immerger le maquettiste dans les solutions et l'ingénierie de l'appareil, pour l'imprégner de l'esprit et de l'âme de l'original. Pour quelqu'un qui aime concevoir des modèles réduits volants, monter un tel kit est à la fois un challenge et une "madeleine de Proust" : du pur plaisir aéronautique concentré à l'échelle.

Le prototype V3 du Ho 229 préservé aux USA. Photomontage
Le prototype V3 préservé aux USA.   Image du modèle superposée à une photo d'époque du Ho 229 V3.

La boîte elle-même a une histoire car je l'ai achetée en 2019 au quartier-général de Zoukei Mura à Kyoto, après avoir abandonné ma femme dans l'un ou l'autre temple. Je ne pouvais tout simplement pas visiter cette ville sans passer par cette boutique. Accueil sympa par le patron, qui ne reçoit pas tous les jours la visite d'un petit Belge. Je venais surtout pour un J7W Shinden au 1/48 mais il n'y en avait plus. Voyant ma déconvenue, le "boss" m'a fait un bon prix pour le Ho 229, ça ne se refuse pas ! L'arme secrète de la Luftwaffe a donc été importée dans l'Union européenne, précieusement dissimulée au fond de mon bagage à main.

Maquette du Ho 229 Zoukei-Mura

Comme le Ho 229 n'a jamais été produit en grande série, le kit se base sur l'exemplaire préservé au "Smithsonian National Air and Space Museum" aux USA. Les japonais ont fait un travail remarquable car la reproduction est très fidèle. Un peu trop même puisque la maquette omet certaines pièces perdues depuis la capture du prototype H. IX en 1945. Par exemple, la verrière qui se verrouille avec deux manettes n'en possède qu'une sur le modèle réduit car la seconde est absente sur l'avion du musée. C'est ballot car le modèle réduit est supposé représenter un (hypothétique) avion de combat muni de son armement. Quant au décor (fictif) proposé, il ne correspond pas vraiment aux livrées constatées sur les appareils allemands à la fin du conflit. Pour savoir à quoi ce Horten aurait pu ressembler s'il avait été déployé, il fallait procéder à quelques recherches et écrire l'histoire inachevée de cet avion. Un exercice fascinant et plein de surprises…

Le prototype V3 à l'assemblage
Le prototype V3 à l'assemblage.

Carnet de notes de Reimar Horten, dimanche 5 août 1945

"Ce matin, je visite l'usine Gothaer Waggonfabrik qui assemble les appareils de série. La ville a échappé aux bombardements, en grande partie grâce aux missiles Rheinland qui occupent les hauteurs. Depuis que les unités FlaRak ont écarté la menace à haute altitude, les travaux sur la pressurisation du 229 ne sont plus prioritaires. L'accent est maintenant mis sur l'intégration des réacteurs à postcombustion Jumo 004E car si les gros bombardiers sont moins présents, les JaBo (chasseurs-bombardiers) sont eux de plus en plus nombreux".

"Je suis rassuré par cette visite. Les panneaux de fuselage ont été livrés par la Möbelfabrik Weller de Nürtingen. Leur face interne est imprégnée d'enduit ignifuge vert au PVC produit par Herbol-Werke, comme sur les prototypes. La couche en bouleau qui couvre la mousse de polyurethane inventée par IG-Farben est superbe. Par rapport au contreplaqué massif fait de déchets recyclés, nous gagnons presque 250 kg tout en améliorant considérablement la stabilité de la structure. Le prix a triplé mais il reste dérisoire par rapport à l'aluminium si cher à Willy Messerschmitt ! Et désormais, plus de déformations à cause de la compressibilité aux hautes vitesses ; Walter sera content !"

Le fuselage du Ho 229
  Le fuselage du Ho 229 était fait d'une structure de tubes soudés couverte d'une "peau" en contreplaqué.

Ce récit historique "alternatif" repose sur quelques authentiques réalisations des Allemands à la fin du conflit, comme les missiles antiaériens, la mousse de polyuréthane ou le PVC. Mais revenons au Ho 229 sur notre plan de travail :

Cet appareil produit en juin 1945 (Werk-Nr 212004) a été livré au Erprobungskommando 229 (EKdo 229) au sein du III./JG 6 à Prague-Ruzyne. C'est un des premiers Ho 229a1. Par rapport aux appareils de présérie, il est équipé de moteurs Jumo 004D-2, à la poussée unitaire de 12,7 kN (1.295 kg), 30% plus élevée que celle du Jumo 004B. Ces réacteurs, disponibles à partir de mai 1945, possédaient un système d'injection de carburant à deux étages et un nouveau contrôleur de flux. L'usage de métaux "stratégiques" recyclés, rendu possible par le remplacement généralisé des moteurs à explosion au profit des "Düsenmotoren", permettait un plus haut régime et un taux de compression supérieur, tout en améliorant considérablement la fiabilité. Outre leur motorisation moderne et des ailes légères et plus solides que celles des prototypes, les "Flughunde" de série bénéficiaient de l'emploi de matériaux légers et performants, comme les alliages d'aluminium et le magnesium, suite à la priorité donnée à leur production. Ce simple changement permettait de ramener la masse à vide sous les quatre tonnes.

Vu l'importance du Ho 229 (baptisé "Flughund" dans ce récit), Göring assigne un détachement de SS à la firme Horten et ordonne que le programme reçoive la priorité absolue. C'est l'usine Gotha qui doit assurer la production accélérée du nouveau chasseur.


Journal de Walter Horten, samedi 18 août 1945

Walter et Reimar Horten construisaient déjà des modèles d'ailes volantes.
En 1929, Walter et Reimar Horten construisaient déjà des modèles d'ailes volantes.
"Aujourd'hui j'ai terminé la formation de Melitta sur le Horten VII et elle a réalisé ses premiers vols à bord du Ho 229 V9. Sa maîtrise de l'appareil est impressionnante ! Les SS préféraient Hanna Reitsch mais l'expérience unique de Melitta en piqué rapide, y compris sur multimoteurs, en faisait clairement le meilleur choix. Sa formation d'ingénieur est aussi un atout évident. C'est elle qui a eu l'idée de séparer les commandes des spoilers. Désormais, ils pourront être sortis séparément à l'intrados et à l'extrados, grâce aux manettes bleues de la console de gauche. Cela devrait permettre de conserver le contrôle en tangage à haute vitesse. Reimar modifie un Flughund du JG 6. Les essais devraient avoir lieu la semaine prochaine."
Fin des années '30, Melitta Schenk Gräfin von Stauffenberg est une aviatrice et ingénieure allemande très populaire. Sa contribution au développement de l'aéronautique lui vaut en 1937 le rang de "Flugkapitän" (commandant de bord). Le régime nazi n'apprécie cependant pas son ascendance juive. En 1939 elle est forcée de quitter son emploi à la Croix Rouge pour procéder aux vols d'essai des bombardiers en piqué, un travail périlleux qui lui permet d'obtenir une licence pour piloter tous les avions de combat du Reich. En 1944, elle dirige l'Institut d'essais en vol de Berlin quand son mari et ses beaux-frères sont arrêtés suite à l'attentat contre Hitler. Son travail, jugé indispensable à l'effort de guerre, lui épargne la prison. En avril 1945, elle s'envole à bord d'un petit Bücker Bü 181 pour tenter de libérer son époux du camp de concentration où il est détenu. Le 8 avril, son avion est abattu par un chasseur américain. Elle meurt le même jour de ses blessures.
Dans ce récit uchronique, elle est affectée aux tests du Ho 229 en remplacement d'Erwin Ziller, mort en février dans le crash du prototype V2.

Extrait du magazine américain "Time", édition du 3 septembre 1945

Interview de Melitta von Stauffenberg, pilote d'essai pour la firme Horten :
"J'ai décollé de la piste en herbe de Gotha/Süd à l'aube de ce mercredi 22 août, sous la protection des batteries FlaRak de missiles Rheinland. Le ciel était assez dégagé mais il faisait très froid pour la saison. À part la modification apportée sur les spoilers, mon Flughund "12 rouge" emprunté au III./JG 6 était strictement de série, y compris les courants d'air glacé dans le cockpit. Après une rapide montée et un circuit de calibration pour le théodolite de mesure, j'ai profité d'une éclaircie pour entamer le premier passage, depuis une altitude de 8.500 m."
"À 6h17 j'ai poussé les manettes des Jumo 004D-2 en butée et piqué sous un angle de 30 degrés à une vitesse initiale de 960 km/h. Les effets de la compressibilité sont survenus très rapidement. L'appareil tremblait modérément mais accentuait son piqué, comme si le trim était déréglé. J'ai alors contrôlé l'assiette uniquement à l'aide des spoilers d'extrados. Après quelques secondes, les vibrations ont disparu et j'ai remis mon Horten en palier à 6.400 m d'altitude. Les tailerons répondaient à nouveau normalement, l'aiguille de l'indicateur de vitesse était en butée à 1.100 km/h.

Magazine américain "Time"
Les indications du radio-théodolite ont révélé par la suite une vitesse moyenne de 1.198 km/h sur la dizaine de kilomètres du passage. Comme il me restait assez de carburant, j'ai répété la manœuvre à deux reprises. Le passage le plus rapide a été enregistré à 7.800 m d'altitude et 1.234 km/h, soit 1,12 fois la vitesse du son à cette altitude."

Bien sûr, c'est une fiction, mais il est indéniable que le Ho 229 a été conçu pour s'affranchir des problèmes de compressibilité à l'approche du mur du son. En particulier, Reimar Horten avait appliqué à son appareil toutes les recettes nécessaires au vol supersonique :

  • Un rapport poids-puissance suffisant (surtout avec les réacteurs Jumo 004D produits à la fin de la guerre et plus encore avec les versions à post-combustion en développement) ;
  • une charge alaire faible associée à une traînée minimale ;
  • une aile en flèche renforcée et intégrée ("fondue") au fuselage ;
  • un profil d'aile à double courbure (combinant des caractéristiques autostable et supercritique) ;
  • des spoilers pour le contrôle aérodynamique à haute vitesse ;
  • ...et surtout l'application de la "loi des aires"!

Contrairement à la croyance populaire, la "loi des aires" n'a pas été découverte par les américains après le conflit. Elle a été brevetée pour le compte de Junkers en mars 1944.
Il est évident que les frères Horten étaient au courant de cette découverte, qui pourrait bien expliquer la présence du carénage présent à l'intrados du Ho 229, derrière l'ouverture du train avant. En effet, cette "bosse" dans le dessin de l'appareil lui permet de respecter cette fameuse "loi des aires". Par ailleurs, Reimar Horten avait dès le départ calculé une vitesse de Mach critique s'élevant à 1.000 km/h, comparable à celles des jets supersoniques modernes.
Il est donc clair que le Ho 229 avait été conçu pour approcher, voire même franchir le mur du son !

Horten Ho 229

3 x 1.000 = H.IX

Le Ho 229 est le fruit d'un long développement par les frères Walter et Reimar Horten. Les Horten étaient membres du parti nazi, par conviction ou opportunisme. Reimar a d'ailleurs fini exilé en Argentine, tandis que son frère Walter restait en RFA, où il servit dans la nouvelle Luftwaffe. Quoi qu'il en soit, ces deux originaux ont débuté dans le milieu du vol à voile pendant les années '30. Reimar concevait les planeurs, tandis que Walter se chargeait plutôt de la construction et des essais en vol.
Reimar est obsédé par la formule de l'aile volante, selon lui le seul choix aérodynamique assez "pur" pour qu'on s'y intéresse. À une époque où l'Allemagne veut beaucoup d'avions de combat tout de suite, les frères Horten sont considérés comme des illuminés. Il faut dire que leurs productions ne ressemblent pas du tout aux puissantes machines de guerre produites par Messerschmitt ou Focke-Wulf. Leurs ailes volantes sont faites principalement de bois et leur assemblage ressemble finalement fort à celui d'un modèle réduit en balsa.

Prototype du Ho 229

La situation désespérée du 3e Reich à partir de 1943 change la donne. D'un coup, le bois s'avère acceptable suite à la pénurie de métaux stratégiques. Quant à l'aile volante, elle promet des performances inédites. Elle peut aussi facilement s'accorder des nouveaux turboréacteurs qui remplaceront petit à petit les lourds et coûteux moteurs à pistons. Göring charge la firme Horten de réaliser un chasseur-bombardier dans le cadre du programme "3 x 1.000" : un appareil capable de voler à 1.000 km/h à une distance de 1.000 km avec 1.000 kg d'armement. Le biréacteur H.IX, prototype du Ho 229, fait deux premiers vols très encourageants le 2 février 1945 mais est détruit au 3e vol, son pilote empoisonné par les gaz des réacteurs. En avril les troupes américaines capturent le prototype suivant presque terminé (celui qui se trouve maintenant au musée), ainsi que trois autres cellules à différents stades d'avancement.

Vue de face du Ho 229

(Northrop Grumman) : Furtif or not furtif ?

La ressemblance du Ho 229 avec le bombardier furtif américain B-2 "Spirit" est certainement troublante. Le Ho 229 était-il le premier avion invisible au radar? En 2008, des experts de Northrop Grumman ont procédé pour un reportage du National Geographic Channel à des mesures sur une réplique de l'appareil et sur des parties du prototype conservé au musée. Ils n'ont rien découvert de particulier. La partie centrale faite de tubes métalliques supportant les deux réacteurs et l'armement produisait un écho radar conséquent. Même si du charbon avait été ajouté à la colle du revêtement en bois, comme Reimar Horten l'écrit dans son livre "Nurflugel" publié en 1983, l'avion n'aurait pas été furtif.

Similitude avec la B-2 Spirit de Northrop Grumman

Et en modèle réduit radiocommandé ?

On ne voit pas beaucoup de Ho 229 sur les terrains. Et pour cause : intégrer deux turbines et un train rentrant dans une aile volante RC n'est pas une mince affaire. Comme en plus le vol d'un tel engin n'est pas à la portée des pilotes débutants, aucun fabriquant ne s'est encore lancé dans la production d'un kit à grande échelle. Les quelques modèles "perso" vus à InterEx par exemple ont pourtant démontré des qualités de vol correctes et on trouve sur Youtube une vidéo d'un modèle indoor de 2,40 m et seulement 700 g absolument bluffant. Tapez "Stunning Indoor Horten" dans la barre de recherche.

Ho 229 à Inter-Ex

Contacter l'auteur : laurent.schmitz@jivaro-models.org
Le cockpit de la maquette
 
 
 
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