Vol libre assisté
Texte et photos : Laurent
Schmitz (OO-AS300)
Dans le cadre du « challenge
bois et toile » de mon club, j’ai choisi le planeur
Caprice, de la marque Keil Kraft. Pour l’esthétique douteuse,
le côté désuet, la dérive au mauvais endroit,
la construction en "dentelle de balsa", les mensurations intéressantes...
mais pas pour les qualités de vol. Et pourtant c’est bien
le point fort de cet incroyable modèle !
Caractétistiques
techniques |
Nom : Caprice
Marque : Keil Kraft
Envergure : 122,5 cm
Masse : 185 g en version RC
(190 g annoncés en version vol libre)
Surface alaire : 22,8 dm²
Charge alaire : 8,1 g/dm²
Commandes : dérive, profondeur
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Un vent froid mais modéré souffle sur notre terrain perdu
entre les betteraves et les arbres fruitiers. J’ai pourtant bien
du mal à porter mon tout nouveau Caprice, dont les ailes battent
dangereusement sur le fuselage, malgré les élastiques.
Je sens que ça va mal se passer…
C’est donc sans grand espoir que je livre l’engin aux éléments.
Surprise : entrainé par le sandow, il part bien droit et sous
une forte pente. A ce stade, je suis très étonné
que les ailes n’aient pas dit « bravo », dans un craquement
sinistre de balsa bien sec. Il est donc plus solide qu’on pourrait
croire. Le voilà à l’apogée de sa trajectoire
et le filin retombe mollement sur la piste. Mon Caprice est scotché
à 30 m de haut sans intention de redescendre.
C’est incroyable de le voir flotter immobile face au vent, comme
la girouette du clocher. Ah, je vous ai dit que je n’ai pas encore
touché aux commandes ? Pas besoin, il vole tout seul ! Je teste
tout de même la réponse à la direction, doucement
pour qu’il n’embarque pas en vent arrière. Le planeur
glisse docilement à gauche ou à droite. Le contrôle
est plutôt bon, malgré la minuscule dérive. Voilà
qu’un calme passager lui permet d’avancer, avec une pente
très, très faible. Je tire à peine la profondeur
et il s’arrête aussitôt, sans décrocher. Je
rends la main et il repart bien droit. Impossible de tenter une prise
de vitesse, vu que la commande de profondeur ne débat que vers
le haut. C’est le centrage un peu avant qui le fait descendre
tout doucement.
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A force, il passe maintenant à quelques mètres au-dessus
de ma tête. Je le suis en marchant tranquillement alors qu’il
arrive à hauteur des yeux. C’est bien la première
fois que je rattrape un de mes modèles en marchant. C’est
curieux de voir bouger les commandes "en direct". Entre-temps,
nous avons parcouru une bonne partie de la piste. A moins d’un
mètre, le Caprice vole toujours avec une stabilité déconcertante.
Il finit par caresser les herbes hautes en bout de piste. Dès
que je l’empoigne, il se débat, les ailes se tordent, l’empennage
s’incline… C’est très clair que le Caprice
se sent mieux en vol que dans mes bras.
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Toute la poésie d’une
« vieille toile »… |
C’est donc sans hésiter que je retends le sandow pour
un nouveau départ. Une demi-heure et une dizaine de vols plus
tard, j’ai bien du mal à enlever le sourire de mon visage.
J’ai piloté pas mal d’engins en 40 ans d’aéromodélisme
mais rien de comparable à celui-là ! C’est
une réussite totale, un bonheur absolu. Alors bien sûr,
on oublie le 3D et l’acro. Même si un lancement scabreux
a permis de vérifier qu’il passe bien le looping, c’est
clair qu’il n’est pas fait pour ça. Mais quand il
s’agit de flotter dans l’air, c’est tout bonnement
magique.
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Il n’y a pas beaucoup de
modèles qu’on peut suivre en marchant. |
Construction traditionnelle
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Le kit est très complet
et se monte rapidement sur le magnifique plan. |
Avant d’en arriver là, ne pensez pas qu’il vous
faudra des mois dans l’atelier. Celui-ci a été monté
en deux semaines, à raison de quelques heures chaque jour après
le boulot. En fait, le kit est un piège. Après avoir sorti
le superbe bois découpé au laser de la petite boîte,
on pose les pièces sur le plan "pour voir". Et après
dix minutes de repérage, voilà déjà qu’un
fuselage apparaît ! Une goutte de cyano, un filet de colle blanche...
avant le repas on termine de coller les couples sur les flancs. Pas
vraiment besoin des instructions (en anglais et allemand), le plan est
limpide et les pièces numérotées. A ce sujet, la
seule chose que j’ai changée dans ce qui garnissait la
boîte, c’est le plastique transparent de la verrière,
trop fragile à mon goût. Je l’ai remplacé
par un bout de PET plus épais, provenant d’un emballage
ménager. J’en ai profité pour ajouter une cale pour
éviter que le bord d’attaque de l’aile ne glisse
au-dessus de la verrière.
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L’empennage « géodésique
» pèse juste 8 grammes. |
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La tige noire est en carbone, seule
entorse aux matériaux "nobles" du kit. |
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Structure légère
et solide, sans surprise. |
L’entoilage (ailes et fuselage) a été réalisé
avec le papier livré, posé avec un enduit tendeur nitrocellulosique.
Contrairement à ce que les instructions préconisent, je
n’ai pas dilué mon enduit et tout s’est bien passé,
la structure ne s’est pas tordue. J’avais bien pris soin
de caler les pièces avec des poids pendant le séchage.
Bien sûr, il est aussi possible de l’entoiler à l’OraLight,
ce qui lui donnerait un cachet plus moderne. Pas sûr que ce serait
plus léger ; en revanche il serait moins vulnérable aux
coups.
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Détail de l’astucieuse
commande de profondeur. Le fil est enroulé autour de la
tige en carbone. L’extrémité est collée
dans un bout de gaine thermorétractable qui se glisse sur
la tige. |
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Entoilage à l’ancienne. |
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Le papier fourni est très léger et facile
à travailler. |
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Commande aller-retour pour la dérive.
J’ai utilisé les longues pattes d’une diode
pour fixer les fils au palonnier. En pliant le métal en
zigzag on ajuste facilement le neutre. |
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Le fil de la commande profondeur
sort à l’arrière, guidé par une douille
provenant d’une fixation de servo. |
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Principe de fonctionnement de la commande de profondeur. |
Au départ, il est conçu pour le vol libre, avec un astucieux
système de "déthermalisateur qui incline tout le
stab pour le faire redescendre en cas d’ascendance tenace. De
nos jours, il est très simple de le convertir à la radiocommande.
Le plus dur sera peut-être de trouver un minuscule accu LiPo 1S
de 150 mAh. Le mien provient d’un micro-drone, gadget jetable
à des années-lumière du concept des kits "durables"
de Keil Kraft. La dérive est légèrement agrandie
et commandée par de fins câbles aller-retour en kevlar.
Pour la profondeur, j’ai conservé le principe du déthermalisateur.
Un fil de kevlar fixé au servo et traversant tout le fuselage
retient la surface que l’élastique tend à relever.
Cette astuce permet un débattement uniquement vers le haut. Il
faut donc veiller à centrer l’appareil légèrement
avant pour qu’il descende naturellement. A propos du centre de
gravité, ne vous étonnez pas s’il semble très
en arrière, ce n’est pas une erreur sur le plan. Sur ce
modèle antique, le stabilisateur de grande taille est porteur,
ce qui explique la position du CG et les bonnes qualités voilières.
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La radio rentre au chausse-pied. |
Les micro-servos 5 g rentrent au chausse-pied dans le nez, tout comme
le récepteur, l’accu et une trentaine de grammes de plomb.
Pour le lancement, j’utilise 10 m de tube élastique de
type "1632" (3,2 mm de diamètre externe et 1,6 mm d’ouverture).
Celui-ci peut se tendre jusqu’à six fois sa longueur. Il
est complété par un fil de nylon d’une quarantaine
de mètres. Depuis les premiers vols, j’ai ajouté
un petit parachute qui aide à décrocher le sandow. Notez
que les jours calmes, le Caprice doit tenir à la pente là
où les autres iraient au trou. Pour l’atterrissage, aucun
souci puisqu’on peut facilement l’attraper en vol.
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Le bilan de ce voyage dans le temps est plus que positif. La construction
à première vue complexe est rapide et à la portée
de tous, en grande partie grâce à la qualité du
kit. Pour moins de quarante euros, franchement on est gâté
! Quant au vol du Caprice, c’est une révélation.
Beaucoup de planeurs modernes bien plus coûteux seront au sol
avant vous. Comme quoi, les vieilles recettes ont encore de l’avenir.
Alors n’hésitez plus et faites-vous un petit Caprice !
Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org