Présentation : Jean-Baptiste Gallez
Pour surmonter un deuil, il faut se trouver une occupation,
se plonger dans le travail. Donc, après le crash du Marchetti,
je devais me lancer dans la construction du suivant.
"Par chance" mon camarade qui avait perdu son Piper camouflé
se retrouvait sans avion et surtout sans remorqueur (nous avons, dans
notre club, de nombreux compétiteurs de F3I(q), planeur remorqué).
Les remorqueurs "spécialisés" ont en général
deux dérives placées à chaque extrémité
du stab, pour laisser la place au câble de remorque ; voyez
les Bidules, Bisons et autres.
Mais un pur remorqueur n'est en général pas très
beau et une maquette est quand même plus sympa à faire.
Pendant la
deuxième guerre mondiale, les Américains avaient
lancé leur industrie à fond dans la construction
aéronautique et donc aussi dans la fabrication de moteurs.
Une fois la guerre terminée, on trouvait donc facilement
et pour pas cher des moteurs en étoile, dont la fameuse
série des Pratt et Whitney "Wasp". |
Les Canadiens (de Havilland Canada) développèrent
autour de ce moteur, un avion, adapté aux rudes conditions
de l'exploitation du Nord du Canada : le Beaver. Il fut
conçu pour être simple, robuste et fiable, et pouvant
être équipé soit de roues, soit de skis,
soit de flotteurs pour pouvoir atterrir sur tout type de terrain.
Lors de la conception, ils ont demandé l'avis
de plusieurs pilotes locaux pour qu'il soit parfaitement adapté
à leurs demandes.
Pour la petite histoire, quand les pilotes eurent expliqué
leurs désirs (grand volume de chargement, grandes portes
des deux côtés (en hydravion, on ne choisit pas
toujours le côté du ponton), grande autonomie,
atterrissage et décollage court... les ingénieurs
firent remarquer que la vitesse de croisière serait relativement
faible. Ce à quoi les pilotes répondirent - "Pourvu
qu'il aille plus vite qu'un traîneau à chiens".
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En France,
la société anonyme des avions Max Holste, entreprise
installée à Reims, suit le même raisonnement
(sans les skis !) et produit le MH 1521 "Broussard",
monoplan à aile haute haubanée entièrement
métallique, qui connut un vif succès tant auprès
des civils que des militaires.
Cet appareil particulièrement robuste, demandant peu d'entretien,
pouvant opérer à partir de terrains non aménagés,
possédait... deux dérives de part et d'autre d'un
stab bien plat ! |
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On se lance dans le "scratch build" ou des kits existent-ils
?
Deux kits sont trouvés (merci Internet) : Un "petit"
(1,96 m) chez PB Modélisme et un plus grand (3 m) chez Shneider-Modell,
en Autriche.
Coïncidence, mon beau-fils qui s'est récemment mis à
l'aéromodélisme (on se demande bien d'où lui est
venue cette idée), rêve lui aussi d'un Broussard. Juriste,
mais aussi menuisier de formation, un kit ne lui fait pas peur, mais
quand même pas une construction à partir de rien.
On se renseigne donc chez PB (par mail !) : le kit n'est temporairement
plus disponible, mais on peut avoir le plan et le capot moulé
en fibre. On se contentera de cela, je dessinerai les pièces
en Au**cad et les découperai à la CNC.
Mais une fois ces éléments reçus, surprise ! Le
capot en fibre présente de nombreux défauts de surface,
même à certains endroits des trous, et surtout ne comprend
pas les bossages supérieur (prise d'air) et inférieur
(radiateur d'huile), pourtant faisant partie du capot, d'après
leur plan.
Je fais des photos et les envoie par mail à PB Modélisme
en leur faisant part de mon étonnement... Pas de réponse.
Quelques semaines plus tard (mon mail s'est peut-être perdu),
je le renvoie... toujours pas de réponse !
Je me décide à téléphoner et me répond
enfin un Monsieur qui, sur un ton assez sec, m'explique que je n'ai
qu'à mastiquer et poncer le capot et rajouter ce qu'il manque.
Quant à savoir pourquoi ils n'ont pas répondu à
mes mails, il m'explique qu'ils n'y répondent jamais ! Encore
une vieille boîte incapable de s'adapter au marché, les
Chinois et les vrais artisans ont encore de beaux jours devant eux.
Dessin et découpe donc et je refile toutes les pièces
au beau-fils, il n'a pas encore commencé.
Pour le copain, la boîte du grand est commandée chez
Schneider-Modell et arrive d'Autriche en quelques jours.
Les pièces sont de belle facture et toute la structure de base
du fuselage est "interlocking" et ne peut pas être construite
de travers.
Les contre-plaqués sont livrés en trois qualités
: du très bon contre-plaqué "aviation" de bouleau
à deux couches au mm pour les petites pièces soumises
à de fortes contraintes, du contre-plaqué 3 mm à
trois couches dures pour les pièces principales et du contre-plaqué
de peuplier pour les pièces plus légères comme
tous les couples de l'arrière. L'ensemble des pièces est
découpé à la fraiseuse CNC et ce qui m'épate,
c'est que l'on n'a absolument pas cherché à optimiser
la position des pièces sur les planchettes pour économiser
du bois...
Plein de balsa aussi en 2,5 et 3 mm, l'avion est entièrement
coffré.
Quelques schémas de montage, la liste des pièces, mais
pas de plan complet. Il faut le dire, ce n'est pas un kit que je conseillerais
à un modéliste qui n'aurait pas derrière lui deux
ou trois constructions en bois. Il y a beaucoup de "débrouillez-vous".
Mais avec un peu d'expérience, rien d'insurmontable.
Par exemple pour le capot, vous recevez le "rond" du côté
moteur et le couple de raccord au fuselage (moteur en étoile
vers fuselage plus "carré") entre les deux, comme il
est dit plus haut : débrouillez-vous !
Je ne vais pas vous faire le récit complet et assez ennuyeux
de la construction, simplement relever quelques points et options personnelles.
Le moteur sera un classique Zenoah 62 cc tout neuf (l'ancien ayant un
peu souffert dans le crash du Piper) monté fixe, mais on garde
la plaque-support du système hydro-mount et le pot d'échappement
Toni Clark situé juste derrière. Nouveauté : un
système d'allumage électronique, je n'en vois pas l'intérêt,
mais le copain veut essayer et c'est lui le patron !
L'ensemble stab - dérives est fait démontable pour le
transport en voiture et est renforcé par deux petits haubans,
le câble de remorquage peut parfois pousser très fort d'un
côté du stab. Deux petits haubans aussi entre le stab et
les dérives, toujours ce maudit câble qui peut faire n'importe
quoi !
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Un servo peu épais, (11 mm), 4 kg/cm et
pignons métal par demi-profondeur, et un dans chaque dérive,
rien que du sérieux mais un remorqueur est soumis souvent
à de fortes contraintes.
Quand une maquette fait quatre vols, le remorqueur se pose et
redécolle 30 fois ou plus sur la journée. |
Pour la fixation des haubans au fuselage, un petit truc (copié
chez Toni Clark, chut !) : deux tiges d'acier qui traversent tout
le fuselage et répartissent ainsi les efforts entre les haubans
et pas sur le fuselage.
Le crochet de remorquage est lui aussi monté sur un bloc bien
dur et les efforts de traction répartis au maximum sur l'ensemble
de la structure.
On s'attaque donc au capot. Quelques longerons entre les parties avant
et arrière puis recouvrement "petites lattes".
Une couche de tissu et résine et on finit par un peu de mastic
époxy et un petit travail de ponçage. Maintenant, il faut
choisir, ou on l'utilise comme cela, mais c'est lourd, encombrant et
fragile, ou on se sert de cette base pour en mouler un autre, solution
adoptée. Plusieurs couches de cire de démoulage, puis
une couche de gel-coat, puis une bonne épaisseur de mat de verre
dans du polyester. Polymérisation rapide, mais vu la forme, il
n'y a pas d'autre solution pour le démoulage que de détruire
le premier positif en bois.
Mais j'ai maintenant un beau négatif dans lequel je vais pouvoir
faire un positif en tissus de verre et époxy, léger et
toujours un peu souple.
Ailes classiques en structure, les nervures sont en contre-plaqué
léger de peuplier et ajourées, ailerons et grands volets
sur charnières déportées. Là encore, gros
servos à pignons métalliques.
La fixation des ailes est assurée par une clef solide en aluminium,
les haubans et deux gros tétons en bois dur pour ne pas bouger
en incidence. Mais à l'usage on constate que rien ne les empêche
de bouger d'avant en arrière. Des écrous à griffes
et de solides vis Allen de M5 à l'avant et à l'arrière
de la nervure d'emplanture viennent remédier à ce défaut.
La plaque du système hydro-mount était fixée sur
des silent-blocs. Plus ici. Ils sont remplacés par des boulons
mais comme les vibrations, selon le couple de rotation, sont assez fortes
au ralenti, je préfère les noyer dans des supports en
bois dur et laisser un minimum de boulons "nus" (je suis toujours
septique quand je vois un gros DA ou DLE monté simplement sur
quatre petites "colonnes" tournées en alu).
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Comme d'habitude, un tissu de verre 25 gr/m² imprégné
d'époxy très dilué au méthanol recouvre
tous les coffrages, dans ce cas, tout l'avion. Pas bête : colorer
la résine avec quelques gouttes de pigment. On voit bien les
éventuelles surépaisseurs, ou un manque de résine.
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Décoration : quelques Broussards ont été utilisés
par l'aéronavale (l'aviation de marine) française et un
grand vole encore actuellement avec cette décoration. Il sera
donc bleu. Je n'aime pas les peintures brillantes, et je n'ai plus envie
de devoir rajouter une couche de vernis mat partout. Les seules peintures
véritablement mates sont toutes actuellement à base d'eau,
on tente un essai. C'est parfait, cela sèche vite et on peut
facilement nettoyer le petit rouleau en mousse. Seul inconvénient,
elle ne résiste pas à l'essence, mais est-il prévu
de l'asperger d'essence tous les jours ? Seule précaution :
le tour de la valve de remplissage essence est peint en noir avec une
peinture résistante.
Comment, dans cette grande cabine, "dissimuler" le gros réservoir,
le récepteur, les accus et autres accessoires ? C'est un avion
"cargo", non !
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Cocardes, insignes et autres marquages découpés dans
du vinyle mat aussi, par un camarade qui possède la machine idoine.
Je ne vous dirai pas son nom, j'ai trop peur que tous les modélistes
de France et de Belgique viennent aussi lui demander de faire leurs
découpes tant son travail est de qualité. Qu'il soit mille
fois remercié.
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Premier montage au terrain par un dimanche particulièrement
doux pour novembre, mais quand même venteux, mais j'ai confiance
en les qualités de la machine. Après tout, c'est la réduction
d'un avion fait pour être facile dans toutes les circonstances.
Essai moteur, réglage facile, merci Zenoah. Petit problème
: à un régime donné, les haubans entrent en résonance
avec les vibrations de la cellule (plus de 2 cm au milieu), l'ingénieur
en chef décide que ce n'est pas dangereux si cela ne dure pas
trop longtemps (phénomène de fatigue des matériaux).
Comme d'habitude, le premier vol est effectué par le pilote d'essai
du constructeur (c'est le même que l'ingénieur en chef
cité plus haut). La machine est bien gentille, mais pour un avion
non destiné à la voltige, il pourrait être centré
un peu plus avant. Un comportement un peu "camion" bien stable
et sans surprise ne dérange pas pour un avion utilitaire.
La solution est simple, j'avais mis un servo juste sous le stab (loin
en arrière) pour la direction de la roulette arrière.
Je le place donc dans la cabine et rallonge les câbles.
Il demande un pilotage trois axes et pour ne pas se fatiguer, on fera
un petit mixage "ailerons donne dérives". Notez que
les dérives sont très efficaces, normal, il y en a deux.
Le profil NACA 4412 (proche du Clark Y) étant très porteur,
on fera aussi un petit mixage "moteur à fond donne profondeur
(un peu) à piquer". En le dosant précisément,
on peut arriver à ne pas devoir toucher à la profondeur
lors des remorquages.
Caractéristiques
techniques
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Nom : Broussard MH-1521
Marque : Schneider Modell
(Autriche)
Echelle : 1:4,5
Envergure : 305 cm
Longueur : 191 cm
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Surface : 120 dm²
Profil : NACA 4412
Poids : à partir de 11 kg
Moteur : Zenoah 62 cc
Prix indicatif : 442 € |
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Le propriétaire et le constructeur sont manifestement heureux.
Contact : jean-baptiste@jivaro-models.org