Par Laurent Schmitz
Le drame s'est produit
par un bel après-midi de mars, quelques minutes avant 16h00.
Pendant un virage ascendant à mi-watts, la réception
de mon avion est passée en mode "Hold". Je ne pouvais
plus rien contrôler, même pas couper le moteur. L'engin
a pris de l'altitude en s'éloignant à chaque tour, poussé
par le vent. Alors qu'il était à ±600 m de distance,
le modèle s'est incliné un peu plus et le virage s'est
transformé en spirale descendante, qui s'est terminée
quand l'avion était... descendu. Le point d'impact étant
sous l'horizon, quelques volontaires ont pris leur voiture pour tenter
de récupérer l'épave, laquelle était heureusement
bien visible au milieu d'un champ.
Une fois sur place, c'est l'heure des constats. La cellule a joué
son rôle d'amortisseur à usage unique. Elle est pulvérisée
mais les équipements sont intacts. Reste bien sûr la
grande question : POURQUOI ?
De retour à l'atelier, je teste mon matériel sans découvrir
l'ombre d'une panne. Comme depuis quelques jours je faisais des essais
de gyroscope sur la voie des ailerons, mes soupçons se portent
dans cette direction. Les quatre servos plus le gyro auraient peut-être
trop sollicité le BEC, coupant l'alimentation du récepteur.
Oui, mais dans ce cas le moteur se serait coupé... Alors que
mes investigations ne mènent à rien, ma fille demande
ingénument : «As-tu reçu mon SMS ?» «Euh,
je ne sais pas, tu l'as envoyé à quelle heure ? Et d'ailleurs,
où est passé ce fichu téléphone ???».
Vous l'aurez deviné, il se trouvait dans ma poche, à
20 cm de l'émetteur. Et bien sûr le message est arrivé
exactement à 15h56... Troublant n'est-ce pas ? D'habitude,
je laisse ce gadget diabolique dans la voiture...
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Mon avion avant... |
Et après... |
Expérience
"scientifique"'...
Il n'en faut pas moins pour rediriger mes recherches. Tout le monde
a déjà entendu le signal « tagada-tagada-tagada »
qui retentit dans l'autoradio quand un appel arrive sur le portable.
Qui sait, peut-être que les émetteurs RC sont eux-aussi
susceptibles au brouillage ?
Je décide donc de reproduire les circonstances de l'accident.
Un caméscope digital enregistrera l'expérience pour
la postérité. Je commence par déposer le récepteur
dans une boîte métallique, histoire de simuler la distance
entre l'émetteur et l'avion. Ensuite, je connecte un vieux
servo, un contrôleur d'accu à LED et une batterie de
réception en partie déchargée. L'émetteur
est branché, un seul brin d'antenne est sorti, comme pour un
test de portée. Mon téléphone portable est posé
tout à côté, à proximité directe
du module d'émission à synthèse.
Pendant toute la durée du test, je déplace le manche
des ailerons. Le servo suit docilement le mouvement. Les diodes du
contrôleur d'accus trahissent la consommation du servo en clignotant
dans le rouge. Mais quelques instants après avoir composé
le numéro de mon portable, le servo s'immobilise subitement.
Deux secondes plus tard, le téléphone sonne. Six sonneries
retentissent puis l'appel est transféré sur la messagerie.
Ce n'est que plusieurs secondes après que le signal revient
au récepteur. Entre-temps, le modèle a largement eu
le temps de s'écraser ou de s'éloigner hors de portée
de l'émetteur !
Pour éliminer toute incertitude, j'ai provoqué la panne
avec plusieurs récepteurs de types et de marques différents,
dans et hors de la boîte en métal, antenne d'émission
entrée et sortie. Puis j'ai remplacé l'Evo9 par mes
anciens émetteurs à fréquence fixe (quartz).
A chaque fois l'émission s'est interrompue. Pire encore, à
deux reprises avec un ancien émetteur Cockpit MM à quartz
(35,130MHz), le signal n'est pas revenu après avoir arrêté
le téléphone. Il a fallu éteindre et rallumer
l'émetteur pour qu'il fonctionne à nouveau...
J'ai aussi découvert que la panne se produit parfois à
l'improviste, sans qu'un appel ou un SMS ne soit reçu. En effet,
le téléphone se connecte régulièrement
à l'antenne GSM la plus proche. Selon la qualité de
réception, la durée et la puissance d'émission
diffèrent. Si lors de ma simulation la réception réseau
était parfaite (5 sur 5), sur le terrain ce n'est pas le cas
(2 sur 5). Finalement, j'ai éloigné progressivement
le téléphone. Ce n'est qu'au-delà d'une distance
de ±un mètre par rapport aux émetteurs que les
interférences ont complètement cessé.
La morale de cette
triste histoire est que je vous recommande fortement de laisser votre
téléphone portable de côté lorsque vous
pilotez. Non seulement vous risquez des interférences, mais
en plus il est très difficile de piloter et de téléphoner
en même temps ;-)
Par ailleurs, ma fille a été condamnée à
m'offrir un nouvel avion. Après tout, c'est de sa faute, non
???
Complément du 24
mars 2009
J'ai continué mes tests, cette
fois en utilisant la fonction "scanner" de mon Evo9.
L'émetteur au premier plan
est en mode "scanner". Celui au second plan émet
normalement (canal 63). Quand le téléphone sonne,
le témoin de scan "hésite", puis un message
d'erreur "Scanner pas trouvé" apparaît à
plusieurs reprises. Ceci tend à prouver que le brouillage
affecte les circuits internes de l'émetteur, et non pas l'émission
en elle-même. Dans un autre test, le GSM se trouvait posé
sur le second émetteur. Le scanner du premier indiquait une
émission normale, même quand le second émetteur
était brouillé (affichage erratique, "bips"
sonores en tous sens). Le GSM affecterait donc les processeurs de
l'émetteur, et non le signal après son émission.
Cela signifie que même les émetteurs en 2,4GHz pourraient
être affectés.
Par ailleurs, c'est fou le nombre de personnes qui m'envoient des
emails (parfois "appuyés") pour dire qu'ils gardent
toujours leur téléphone sur eux quand ils volent,
qu'ils n'ont jamais eu de problèmes et que je raconte n'importe
quoi.
D'autres me demandent angoissés si leur 2,4GHz est en danger.
Je leur ai répondu poliment que tout le monde peut faire
le test chez soi, c'est le plus simple pour être fixé.
Si on raccroche après trois sonneries ça ne coûte
rien. Je demande aussi de me communiquer le résultat des
essais. Je n'ai reçu aucune réponse...
N'hésitez
donc pas à faire un test chez vous et faites part de
vos résultats, nous les afficherons ici. |
Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org