C’est
la mode, tout le monde veut passer au 2,4GHz. Et à raison, puisque
cette nouvelle technologie offre de réels avantages et une sécurité
accrue. Mais comme toute nouveauté, celle-ci a aussi ses inconvénients.
Avant de faire le pas, il est bon de savoir comment ça marche
et surtout comment en tirer le meilleur parti. Sortez vos antennes et
suivez le guide (d’ondes)…
Texte et photos : Laurent
Schmitz
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Non, ils
n'ont pas tous oublié de sortir leur antenne ! |
Les systèmes 2,4GHz sont vendus sous deux formes:
soit l'émetteur est équipé d'origine, soit on ajoute
un module 2,4GHz pour convertir une radio FM. Le premier cas est le
choix évident de ceux qui débutent dans l'aéromodélisme.
De nos jours, il ne reste plus beaucoup d'arguments pour commencer en
FM. Non seulement c'est une technologie obsolète, mais d'ici
quelques années elle sera reléguée aux oubliettes,
comme les radios AM et les moteurs à balais.
Le principal avantage d'un émetteur travaillant d'origine en
2,4GHz est que les indications propres à cette technologie s'affichent
directement à l'écran: configuration du récepteur,
puissance d'émission, etc. Il est aussi possible de lier une
mémoire de modèle à un récepteur en particulier.
Par exemple, si vous avez sélectionné 'Calmato' sur votre
émetteur, seul le récepteur du Calmato réagira
et il sera impossible de décoller avec un autre avion. Ceux qui
ont connu la mésaventure de décoller avec une mauvaise
mémoire de modèle apprécieront… Pour les
systèmes plus évolués, comme chez Multiplex, l'écran
indiquera même des données renvoyées par le récepteur:
vitesse du modèle, altitude, variomètre, consommation,
niveau de carburant ou d'accu, qualité de la liaison, etc. On
annonce d'ores et déjà des développements encore
plus avancés, avec un retour au sol de photos ou de vidéo
embarquée, de la position géographique sur carte (via
GPS), etc. Moi, ce que j'aimerais c'est une balise radio pour quand
mon modèle tombe dans le colza ;-)
Si vous possédez déjà un émetteur 12 voies
Grauptaba ZFX et dix récepteurs PCM de l'enfer de la mort, il
va de soi que vous serez moins tenté de jeter tout à la
poubelle pour acheter une radio 2,4GHz. Les fabricants l'ont bien compris
puisqu'ils proposent des modules permettant de convertir une 'ancienne'
radio FM. Soit le module 2,4GHz remplace le module d'émission
FM d'origine, soit il se branche sur la prise d'écolage de l'émetteur.
Dans ce dernier cas, il est parfaitement possible d'émettre simultanément
en 2,4GHz et en FM. Par exemple, vous pouvez confier les commandes de
vol au récepteur 2,4GHz (ailerons, profondeur, moteur, etc.)
et les accessoires à un récepteur en 35 ou 40MHz (largage
des bombes, feux de position, appareil photo, etc.). Cela peut être
nécessaire sur des modèles très complexes si le
module 2,4GHz est limité à 7 ou 8 voies.
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Cette
installation radio serait cauchemardesque en FM, causant de
nombreux ‘tops’. En 2.4GHz, pas de soucis… |
Mon FHSS est plus FASST que ton DSSS !
Dans la frénésie de vente actuelle, les fabricants
ne reculent devant rien pour vanter les mérites de leur matériel…
au point de raconter tout et n'importe quoi. Pour s'y retrouver, voici
quelques explications sur les différentes technologies employées.
Tout d'abord, il ne faut plus se soucier de brouiller les autres et
le panneau de fréquences à pinces à linge peut
être relégué aux oubliettes. Pour en arriver là,
presque toutes les radios 2,4GHz utilisent le protocole d'étalement
de spectre 'Direct Sequence Spread Spectrum' (DSSS). Cette technologie
permet à de nombreux émetteurs-récepteurs de cohabiter
sans soucis sur un même canal, comme plusieurs voitures peuvent
partager la même autoroute. Il y a toutefois un danger si le canal
choisi est complètement saturé par une source continue
de brouillage, comme une puissante caméra vidéo 2,4GHz
embarquée. Pour éviter ce risque, certaines firmes ajoutent
au DSSS le saut de fréquence ('Frequency Hopping' ou ‘FH’).
D’autres émettent en DSSS sur plusieurs canaux à
la fois. Futaba FASST par exemple, émet en DSSS et sur tous les
canaux successivement. De cette façon, si l'un d'eux est complètement
saturé, il y a de bonnes chances pour que le suivant soit libre.
Quelle que soit la marque, lors du premier branchement le récepteur
doit être lié à l'émetteur (procédure
de 'binding'). Après cela, il ne reconnait plus que les ordres
provenant de celui-ci.
Les fabricants utilisent généralement un microprocesseur
commercial. C’est souvent le même que l'on retrouve dans
les routeurs WIFI pour PC. Là-dessus, un logiciel embarqué
'traduit' les signaux à l'intention des servos. Malheureusement
pour nous, chaque programme est spécifique à la marque
et donc on ne peut pas mélanger un module émetteur de
marque X avec un récepteur de marque Y, même s'ils utilisent
une technologie identique. Le fabricant espère bien sûr
que le client sera 'lié' à ses produits. Il peut par exemple
attirer les débutants avec des émetteurs bas de gamme
bon marchés, et les plumer plus tard avec des récepteurs
très chers…
Pour justifier des prix jusqu’à dix fois plus élevés
que d'autres marques, chacun y va de sa surenchère technologique.
Ainsi apparaissent plusieurs antennes, voire des récepteurs 'satellites',
eux-mêmes affublés de plusieurs brins à installer
soigneusement. Le but de cette débauche d'antennes est de réaliser
la fonction 'diversity'. Le 2,4GHz est sensible à l'orientation
des antennes d'émission et de réception. Plus que jamais,
il faut éviter de pointer l'avion avec son antenne car c'est
dans cette direction que le signal est le moins fort. Si par hasard
l'antenne de réception est pile dans le même axe, la portée
diminue considérablement. Pour éviter ce phénomène,
la majorité des marques installe plusieurs antennes. De cette
façon, il y en a toujours bien une qui reçoit correctement.
Spektrum quant à lui double carrément les récepteurs.
Chez ACT, on a choisi de doubler les antennes d'émission (comme
dans un routeur WIFI). Chaque antenne émet dans un autre angle.
Avec en plus la possibilité de raccorder entre-eux plusieurs
récepteurs en 2,4GHz et/ou en FM !
Tous ces raffinements relèvent plus de l'argument de vente que
de la nécessité technique. Le baratin et les pratiques
commerciales douteuses de certaines marques ont en outre créé
un climat de méfiance envers des produits par ailleurs très
corrects. D’autres ont cru bien faire mais leur initiative maladroite
n’a fait que brouiller un peu plus les cartes. Ainsi, la firme
asiatique Assan a développé un ensemble 2,4GHz à
très bas prix qui marche fort bien avec un seul canal et une
seule antenne. Mais comme le marché préfère les
récepteurs à plusieurs antennes, les ingénieurs
chinois ont simplement ajouté un second brin… soudé
à la masse. Ce bout de fil sert à améliorer non
pas le signal, mais la confiance des clients !
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Ils ont
oublié de parler du pulsotranscripteur à inversion
quantique ;-) |
'Hold' et 'Fail safe'
La majorité des récepteurs 2,4GHz sont très
exigeants quant à leur alimentation en courant. Une source fiable
et constante est nécessaire à leur fonctionnement car
ils perdent les pédales à la moindre ‘micro-coupure’.
D’autres refusent obstinément de reconnaitre leur émetteur
si du matériel 2,4GHz fonctionne à proximité. On
a même vu des modèles se suicider collectivement car ils
se brouillaient l’un l’autre ! Il n’existe pas d’ensemble
2,4GHz pour lequel on n’a jamais signalé de crash sur perte
de contrôle. Contrairement à ce que dit la légende
(et le marketing), le 2,4GHz n’est pas une assurance totale contre
les problèmes radio. Les ‘maladies de jeunesse’ sont
courantes, une bonne raison pour ne pas se précipiter sur les
dernières nouveautés… Par contre, il est vrai que
ce matériel est très résistant face aux ‘tops’
radio qui affligent de nombreux modèles électriques et
à essence (allumage électronique). C’est pourquoi
la majorité des propriétaires de radios 2,4GHz vous diront
qu’ils ne veulent plus rien d’autre. Mais que se passe-t-il
quand les conditions se dégradent ? Quand le signal s'estompe,
le récepteur maintient les servos en place jusqu'à ce
que la liaison reprenne (mode 'Hold'). Ces pertes de signal sont normalement
très brèves et ne se ressentent pas trop en vol. Un ensemble
2,4GHz typique transmet des centaines d'ordres par seconde, on peut
donc se permettre d'en perdre quelques-uns. Quand trop de signaux sont
perdus, l'avion commence à réagir mollement, avec un petit
retard de réaction. Cela indique que vous atteignez la portée
maximale du système. La qualité de la liaison se détériore
progressivement, puis le mode 'Fail safe' entre en action si la connexion
est coupée trop longtemps. Les servos se placent alors dans une
position prédéterminée. En général,
les commandes sont au neutre et le moteur coupé. La faculté
de reprendre rapidement le contrôle après une perte de
signal est à mon avis plus importante que le type de technologie
utilisée ou le nombre d'antennes. Tous les systèmes marchent,
ils sont faits pour ça. Mais comment se comportent-ils quand
ils ne marchent plus ?
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C'est
pas le moment d'avoir un 'top'... Avec le 2,4GHz les hélicos
électriques sont plus fiables que jamais ! |
Portée élastique
Quelle est donc la portée d'une radio 2,4GHz ? Là
aussi, on lit n'importe quoi ! Certains affichent 500m, d'autres 5km
! Tout d’abord, il faut savoir que peu de pilotes volent à
plus de 300m, limite visuelle pour les modèles jusqu’à
2m d’envergure. En Belgique, il est d'ailleurs interdit de voler
à plus de 400m du centre du terrain. L’argument n’a
donc aucun sens pour la majorité des modélistes. Et dans
la pratique, il est impossible de dire qu'une radio 2,4GHz porte à
telle ou telle distance. Tout d'abord par ce que l'orientation des antennes
d'émission et de réception est très importante.
Ensuite, parce que chaque source de brouillage à proximité
(autres émetteurs RC, wifi, radars, GSM, etc.) réduit
la portée utile. Et enfin parce que le 2,4GHz est fort sensible
à l'environnement dans lequel il est utilisé. Sa fréquence
est proche de celle des fours à micro-ondes (2,45GHz). Et effectivement,
l'onde émise est absorbée par les molécules diélectriques,
comme l'eau présente dans l'air. Mais il n'y a pas que l'eau
qui absorbe les ondes. Le moindre obstacle entre l'émetteur et
le récepteur atténue le signal (arbres, clôture,
autres pilotes,…). Les matériaux conducteurs agissent en
outre comme un écran, ce qui réduit davantage la portée.
Si un peu de plastique ne change pas grand-chose, du carbone ou du métal
peuvent bloquer le signal. Et si l'antenne de réception est masquée
par l'accu ou le moteur, il ne reste plus grand-chose des kilomètres
promis. C'est la raison pour laquelle il vaut toujours mieux mettre
les antennes à l'extérieur. Même si le fuselage
de votre planeur ne semble pas bien épais, pensez que sous certains
angles il peut y avoir un mètre de matière entre l'émetteur
et le récepteur.
En réalité, la portée utile varie sans cesse au
cours du vol. Pire encore, selon la technologie retenue, un avion qui
vole parfaitement dans l'environnement protégé de votre
club (au milieu des champs, avec moins de dix émetteurs branchés
simultanément) pourrait bien se comporter autrement sur un site
moins favorable. Passer au 2,4GHz ne signifie donc pas que l'on peut
abandonner toute prudence ;o)
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Tant de
systèmes, mais pas de compatibilité... |
Avantages |
+ plus de conflits de fréquences
+ beaucoup moins d'interférences et de 'tops' radio
+ petites antennes peu encombrantes
+ prix normalement réduit (composants bon marchés,
forte concurrence)
+ nombreuses évolutions futures
+ sera bientôt standard, abandon progressif de la FM
+ apparition de nombreux petits fabricants bon marché
+ fabrication 'maison' relativement simple |
Inconvénients |
- pas de compatibilité
entre marques
- portée utile variable, faux sentiment de sécurité
totale
- pas de bande réservée à l'aéromodélisme,
problèmes de législation
- récepteurs trop chers pour certaines marques
- marketing sauvage
- une vidéo embarquée 2,4GHz peut réduire
considérablement la portée
- totalement inutile si votre RC actuelle ne vous cause pas de
soucis… |
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Plus de régie radio, plus de panneau de fréquences:
on branche et on vole ! |
Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org