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Un jet kérosène en Dépron ? Pourquoi pas... Présentation : Nila
J'ai touché à mon premier jet au kérosène en 2013. Vu les vitesses et les contraintes mécaniques que subissent ces avions, je m'étais contenté jusqu'à présent de kits de bonne réputation. Mais créer étant de loin ce qui m'enchante le plus, j'ai décidé de passer à l'acte.
J'avais le désir d'un engin facile, agile et joueur, pour un
réacteur de 6 kg. De configuration delta mais avec un bon allongement,
pour une meilleure stabilité en roulis. Habitant à 8 minutes
du Club de modèle réduit de l'île Maurice, l'option
d'une construction monobloc m'a parue la plus intéressante. Mis
à part le gain de poids, la mise en œuvre sur le terrain
sera ultra rapide.
Ayant construit une bonne centaine de petits engins en Dépron n'excédant pas les 3 kg, j'ai pris l'option de ce matériau pour habiller un châssis en carbone. On a tendance à voir le Dépron comme inadapté pour ce genre de construction, mais allié à une structure solide et recouvert de fibre de verre 50 g/m², il devient étonnamment résistant. Seul bémol, le Depron se liquéfie au contact du kérosène. Il faut donc apporter un soin tout particulier pour étanchéifier les endroits qui risquent d'être en contact avec le carburant. Ayant une bonne expérience dans ce genre de construction, j'ai dessiné un plan sommaire constitué uniquement d'une vue de dessus, qui définissait la structure carbone et les lignes générales. Le reste, principalement la forme et le volume du fuselage, s'est fait au fur et à mesure de l'avancée de la réalisation, en fonction des éléments internes et de la facilité de fabrication. Le profil est inspiré d'un petit Mirage Robbe en mousse, qui volait bien. Pour valider le concept, une petite Déperonade au demi m'a permis d'expérimenter les qualités de vol et de définir le centre de gravité.
Le talon d'Achille des modèles réduits et surtout des jets étant le train d'atterrissage et ses platines, j'ai cogité sur un châssis à l'épreuve des pires appontages. J'en suis venu à utiliser des tubes carrés de carbone de 15x15 par 1 mm d'épaisseur qui supportent : les platines du train, le réacteur, les accus, le réservoir et font office de longerons pour les ailes. Depuis, quelques atterrissages mal maîtrisés ont largement validé le concept... Une fois cette structure carbone réalisée, 12 nervures, en balsa de 5 mm, qui constituent les ailes, y ont été collées, en respectant un vrillage négatif en bout d'ailes de 2,5°. Puis les intrados constitués de feuilles de Depron 6 mm ont été collés à l'époxy. Sur le bord d'attaque de ces intrados, biseauté à 45°, un plat de carbone de 6x1 mm a été collé. 4 logements de servos en contre-plaqué ont pris place dans les ailes ainsi que des renforcements en fibre de carbone et contre-plaqué qui recevrons les guignols des gouvernes pour le roulis et pour celle de tangage. J'ai pris l'option d'utiliser les deux gouvernes centrales pour la profondeur et les extérieures pour les ailerons. Ensuite, les bords d'attaque, intrados extrados, tous deux biseautés
à 45° ont été scotchés ensemble sur
la partie extérieure, puis par pliage ont été contraints
d'épouser le profil des nervures lors du collage de l'extrados.
Cette technique permet l'élaboration de jolis bords d'attaque. L'étape suivante a consisté à faire les supports
des dérives qui seront collés au châssis carbone
à la pose des dérives. Pour les canards, un sandwich Depron 6 mm emprisonne un jonc de carbone de 6 mm percé pour recevoir deux joncs carbone de 2 mm afin d'empêcher celle-ci de tourner dans le vide. Cette clé viendra loger dans un tube alu fixé au châssis. Le fuselage est fait en polystyrène de 35 g/dm3. Six couples en contre-plaqué m'ont servi de guides pour tailler manuellement au fil chaud les parties. Ces couples donnent de la rigidité à ces éléments et permettent d'avoir de belles jonctions entre les parties amovibles, à savoir le cockpit et le nez.
A forte incidence, la dérive d'un delta est totalement occultée par les ailes et le fuselage. Elle devient donc inopérante. Pour palier à ce problème, des petites dérives-quilles sous le fuselage et une poussée vectorielle dans l'axe de lacet devraient permettre un meilleur contrôle. Les dérives principales quant à elles sont fixes. Après quelques cogitations pour trouver la solution la plus simple et la plus légère pour un système de poussée vectorielle, j'en suis venu à fixer directement la pipe sur la turbine. Par précaution, le concept a été validé sur banc d'essais et s'est avéré sûr et efficace.
Toute la cellule a été recouverte de fibre de verre
40 g/m² imprégnée d'époxy.
La mise en œuvre sur le terrain se fait en quelques minutes. Elle se limite à descendre l'avion du toit de la voiture, faire les pleins et mettre les accus. Après les vérifications d'usage avant le premier vol : test de portée, de la direction, des freins et du réacteur dans toutes les configurations de vol, je refais les pleins. Malgré un vent en rafale de 25 km/h, mais bien axé, la décision est prise de passer aux choses sérieuses et de mettre l'oiseau dans son élément. C'est toujours un moment très fort et plein d'incertitudes lorsqu'on met en l'air pour la première fois un avion. Et c'est encore plus intense quand c'est une création et un design perso. En lançant la séquence de démarrage de la K60G2,
j'admire l'écran couleur du Data. Il est superbe. C'est un plaisir
de l'utiliser. Son maniement tactile est simple et les infos bien visible. Après avoir fait rugir la turbine un bon coup et actionné les gouvernes, je prends trois grandes respirations et remets ce qui va suivre dans les mains du Destin. La manette des gaz poussée à fond, le Strartiger commence à trépigner d'impatience, je lâche les freins et le regarde filer. Malgré sa sous-motorisation (6 kg de poussée pour une masse de 9,2 kg) il accélère bien sur la piste en dur. L'engin roule sur une cinquantaine de mètres ; je tire sur le manche de la profondeur à moitié et vingt mètres plus loin il quitte le sol sans un vacillement d'aile, malgré le vent. C'est de bon augure... La montée est bonne, mais sans plus. En entamant un 180°
à gauche, je constate qu'il a tendance à engager. Une
fois en palier, l'avion demande 3 crans de trim à la profondeur
et 2 aux ailerons pour filer droit. Je suis étonné du
peu de corrections à faire. En mettant l'avion en virage à
droite, je remarque qu'il engage nettement moins. Sans doute la pipe
vectorielle n'est pas tout à fait axée. Je lui donne 2
crans de trim et part dans une série de virages pour valider
la correction. L'oiseau a de la finesse... le fuselage particulièrement profilé
n'y est pas étranger. Il me donne un peu l'impression d'un croisement
entre un Wild Hornet et un Rafale. N'ayant que 1,4 l de kérosène
dans le réservoir pour ce premier vol, je sors le train à
la 4e minute et donne un peu d'incidence aux canards pour une première
approche. Le Delta me surprend à nouveau car il allonge, d'autant
plus que je n'ai pas osé lui lever le nez pour le freiner. Au
seuil de piste, constatant une vitesse trop élevée, je
remets la sauce. La réponse de la K60 est rapide, à peine
plus de deux secondes pour retrouver le plein régime. L'approche
suivante se présente mieux, mais toujours un peu vite ; j'avale
les 100 mètres de piste pour arrêter l'engin. Le vol suivant m'a permis de faire connaissance avec ses aptitudes aux grands angles. Sans doute que les deux dérives-quilles sous le fuselage y sont pour quelques chose car la tenue à forte incidence est excellente. L'atterrissage est plus court, mais au touché des roues j'ai la mauvaise idée de tirer un peu trop sur la profondeur et le delta repart avec forte incidence dans les airs. S'en suit un parachutage de deux mètres avec retour viril sur le plancher des vaches. Aucun craquements sinistre, ouf... La structure carbone résiste vaillamment à cette maltraitance, validant du coup sa solidité. Dans les vols suivants, la poussée vectorielle a été
mise à l'épreuve. Le vol tranche n'est pas fameux, c'est
dû à la faible surface latérale du fuselage. A grande
vitesse, la poussée vectorielle n'a pratiquement pas d'effet.
Par contre, à faible vitesse, la vrille plate s'engage facilement
et l'avion tourne sur lui-même comme une toupie avec un joli effet
sonore.
Je suis vraiment satisfait de cette création. Cet avion met tout de suite en confiance et sous son look féroce se cache un vrai trainer. Son vol lisse et tendu me ravit et les atterrissages sont une formalité. Cette belle expérience est motivante pour une prochaine réalisation, que j'entrevoie déjà, avec une géométrie flèche inversée.
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