C'est arrivé près
de chez vous !
Texte et photos : Laurent
Schmitz
Depuis son inauguration en 1994, l'Eurostar met le musée
de la RAF à seulement quelques heures de Paris. Ce joyau de l'aviation
militaire est situé à Hendon, près du centre de
Londres, là où le Royal Naval Air Service organisa la
première escadrille de défense aérienne, en 1915.
De nos jours, cinq grands hangars abritent ce qui est tout simplement
la plus belle collection d'avions britanniques au monde. Alors, s'il
fait trop froid pour voler ce weekend, vous savez quoi faire ! Et si
vous habitez trop loin de Bruxelles, Lille, Calais ou Paris, pas de
soucis. Jivaro-Models vous embarque pour une visite privée exclusive.
Comme on dit dans ce cas-là : "Follow the guide"...
|
L'Eurofighter pendu au plafond
accueille les visiteurs |
|
|
"Oh my God!" C'est par ces quelques mots
qu'on pourrait commencer la visite, sous le radôme d'un Eurofighter
tout de noir vêtu et suspendu dans une attitude bigrement
agressive. Les amoureux du Rafale noteront que si le "jet"
britannique est très moche, il faut bien reconnaître
que ça lui donne un air bestial fort impressionnant. |
|
|
Bleriot XI, similaire à
celui qui servit pour la traversée de la Manche. |
|
Après cet accueil musclé, le regard est vite attiré
par le dernier cri de l'aviation de combat moderne : le F-35 "Lightning
II" posé au rez-de-chaussée. L'engin est réputé
invisible au radar, et pour cause : il est en bois ! Ce F-35 est en
effet une maquette grandeur nature offerte à la RAF par Lockheed-Martin.
|
|
|
Certains appareils sont mis en valeur par des mannequins
en costume d'époque. |
|
Harrier, premier avion de combat à décollage
vertical. Un appareil étonnamment petit comparé aux
chasseurs à hélice. |
Le Mosquito garé un peu plus loin est lui aussi en bois, ce
qui ne l'a pas empêché d'être l'avion le plus performant
de la RAF pendant la seconde guerre mondiale. On s'étonnera de
la petite taille du célèbre Harrier, qui fait figure de
lilliputien à côté du Tempest suspendu au plafond.
Plus loin, un des rares Me-262 survivants semble bien seul entre tous
ces appareils alliés. C'est que si le musée de la RAF
présente surtout des avions utilisés par les britanniques,
quelques ennemis y ont aussi leur place. Et ne croyez pas qu'on n'y
trouve que des avions. L'entrée du musée est balisée
par deux navires utilisés par la RAF pour repêcher les
pilotes tombés en mer. Il y a aussi une belle collection de véhicules
utilitaires employés par l'aviation militaire, une belle variété
d'hélicoptères, des planeurs et même des missiles
antiaériens.
|
|
|
Le Me-262, premier chasseur à
réaction avec en arrière-plan le Hawker Hart, à
la pointe du progrès dix ans plus tôt... |
|
Le Mustang P-51 est probablement
le meilleur chasseur léger de la seconde guerre mondiale,
et certainement le plus élégant. |
|
Eh oui, la RAF c'est aussi des navires, utilisés
pour le sauvetage en mer et l'appui aux hydravions. |
Ceux qui adorent le Musée de l'Air de Bruxelles seront peut-être
déçus... Les anglais ont les moyens de leurs ambitions
et présentent les appareils dans un état immaculé.
Pas de fientes d'oiseaux, de camouflages décrépis ni de
patine originale, ici les collections sont alignées comme à
la sortie de l'usine. Si on apprécie la belle lumière,
les espaces propres et aérés, on regrette cependant l'aspect
parfois aseptisé de certains aéroplanes, auxquels une
fuite hydraulique symbolique aurait donné un cachet un peu plus
"opérationnel"...
Bon, ne boudons pas notre plaisir. En plus d'être propre, le musée
de la RAF est aussi très sûr, on peut y flâner avec
les enfants sans risque de se prendre les pieds dans une ferraille ou
de s'ouvrir le crâne contre un bord de fuite. Chaque avion s'est
vu attribuer un volume suffisant pour 'respirer', on n'a jamais l'impression
de se trouver dans un capharnaüm de pièces aéronautiques.
Pour la plus grande joie des photographes, il y a presque toujours un
point de vue qui permet d'isoler le sujet, sans qu'un empennage ou une
tourelle bloque la vue. La lumière souvent abondante permet en
outre de travailler sans trépied. Les images de ce reportage
ont d'ailleurs été prises de cette façon, à
1600 ISO avec un Nikon D7000.
Impossible de se perdre, un sentier bien balisé serpente de chasseur
en bombardier. Une discrète cordelette au raz du sol sert de
barrière mais sans jamais isoler les appareils du public ni obstruer
la vue. Les panneaux d'information (aussi en français) sont discrets
et proposent un texte explicatif bref mais suffisant.
|
Charme éternel des vieilles toiles... Ici,
un DH-9 de 1918. |
Si l'entrée au musée est gratuite, quelques attractions
sont payantes et assez chères, mais c'est pour la bonne cause.
Tous les bénéfices sont investis dans la maintenance et
les collections. Il faut réserver à l'avance via Internet,
si c'est encore possible. Par exemple, pour avoir le privilège
de s'asseoir aux commandes d'un authentique Spitfire ou d'entrer dans
l'Avro Vulcan, les places s'arrachent jusqu'à un an à
l'avance !
|
Le Lancaster pouvait emporter cette incroyable bombe
géante de 10 tonnes, conçue pour exploser après
s'être profondément enfoncée dans le sol. |
|
|
|
La queue du bombardier Halifax repêché
au fond d'un lac norvégien en 1971. |
|
Avro Lancaster, le quadrimoteur le plus emblématique
de la RAF. |
Outre le hall d'entrée décrit plus haut, le visiteur
est invité à découvrir trois autres salles. Le
hangar des bombardiers ravira les amateurs de grands avions. Dans une
ambiance malheureusement très "caverne", on y découvre
quelques vedettes du musée, à commencer par l'Avro Vulcan,
une aile volante à réaction absolument immense sous laquelle
les curieux peuvent circuler librement. Un peu plus loin, un Halifax
exhibe sa structure telle qu'elle a été récupérée
au fond d'un lac norvégien en 1971. Mais c'est bien le Lancaster
qui impressionne le plus. Le célèbre quadrimoteur est
énorme et les B17 et B24 exposés à côté
sont éclipsés par son imposante présence.
|
|
|
Poste du bombardier/mitrailleur avant dans le B17
américain. |
|
Reproduction d'un atelier d'aviation bombardé,
avec gravats, fond sonore et fuite d'eau. |
Quelques chasseurs parsèment le hall, profitant de la place
libre entre les ailes des géants. On citera l'incontournable
Me109, un rare FW190 biplace et un monoréacteur He-162. Plus
moderne, le Buccaneer affiche fièrement sa livrée "panthère
rose" datant de la première guerre du Golfe. Malheureusement,
l'éclairage jaune/vert donne un air maladif à cet avion
et les photographes devront utiliser le flash pour lui rendre sa couleur
caractéristique.
|
Ambiance nocturne pour les chasseurs abrités
sous les ailes des bombardiers. |
|
Pas de musée de la RAF sans Spitfires
! |
|
|
|
Les avions de la bataille d'Angleterre sont
en cours de rénovation, comme ce Me109, ce qui permet
d'admirer ses dessous. |
|
Les Italiens ont brièvement participé
à la bataille d'Angleterre avec entre-autres des biplans
Fiat CR-42. |
|
A ce stade de la visite, quelques heures sont passées et c'est
avec soulagement que le visiteur découvre le bar du musée
et les toilettes situés à l'entrée des hangars
historiques. Ceux-ci datent de la première guerre mondiale et
sont le refuge des sections d'hélicoptères, des hydravions
et de nombreux chasseurs, principalement de la seconde GM. La zone "Aeronauts
Interactive" est réservée aux aviateurs en herbe
et permet aux enfants de jouer sous la supervision de maman pendant
que papa mitraille les collections à l'objectif grand angle.
Parmi d'autres perles, on citera un autogyre Cierva C-30, une brochette
de Spitfires, un beau P40, l'impressionnant Beaufighter, une coque d'hydravion
superbe en bois de cèdre et un très impressionnant jet
Lightning dont on se demande comment les réservoirs externes
posés sur les ailes pouvaient être largués. Bizarre.
|
|
|
Avro 'Rota', version britannique de l’autogire
Cierva C-30. |
|
L'avant de l'hélicoptère Chinook est
accessible, pour la plus grande joie des enfants. |
Passons maintenant à la salle dédiée à
la bataille d'Angleterre. La visite commence par quelques scénettes
avec mannequins en costume d'époque recréant l'ambiance
du "blitz" en 1940 à Londres. Ici aussi on aura droit
au plein de Spitfires et de Hurricanes, mais aussi un très beau
Ju-88 et même un rare Falco CR-42. Ce chasseur italien mal armé
était déjà obsolète avant la guerre et quelques
exemplaires ont fini la bataille dans la campagne anglaise, certains
avec des dégâts mineurs. Le clou de la visite est sans
conteste le Short Sunderland, hydravion géant dont la silhouette
blanche était redoutée par les équipages des U-Boot,
de l'Atlantique à l'océan Indien. Ma préférence
va cependant au Lysander posé à côté, un
appareil lent et disgracieux qui a pourtant joué un rôle
prépondérant dans le ravitaillement de la résistance
un peu partout en Europe occupée.
|
L'hydravion Sunderland était surnommé
le "porc-épic volant". L'un d'eux, attaqué
par huit chasseurs lourds Ju-88, parvint à en abattre six
et à rejoindre l'Angleterre malgré d'importants dégâts. |
Enfin, situé à l'extérieur, derrière les
bateaux, le dernier bâtiment du musée est dédié
à la grande guerre. Il s'agit ni plus ni moins que des premiers
ateliers de fabrication d'avions au Royaume-Uni, établis en 1911.
Un cadre approprié pour la collection. Entre autres joyaux, on
y trouvera un Fokker D-VII, un SE5-A et les inévitables Sopwith
de service.
|
Le Lightning est vraiment un jet atypique : deux réacteurs
superposés, les réservoirs extérieurs posés
sur les ailes et les missiles de part et d'autre du fuselage. |
Si vous êtes arrivé à ce point avant la fermeture,
bravo! En effet, le musée de Hendon est énorme et une
journée suffit à peine pour le visiter sérieusement.
C'est d'autant plus vrai si vous cherchez des informations spécifiques
ou détaillez chaque avion à des fins de documentation.
Pour photographier à l'aide d'un trépied il vous faudra
un permis. Celui-ci est délivré gratuitement à
l'entrée. Choisissez un jour en semaine pour éviter la
foule et n'hésitez pas à demander l'aide du personnel
si vous voulez passer la corde pour approcher un avion ou même
faire reculer le public le temps d'une photo. Vous pouvez aussi demander
à accéder au centre de documentation historique et aux
archives du musée (sur rendez-vous). "Last but nor least",
la boutique vaut le détour pour un gadget ou un T-Shirt. Les
prix sont raisonnables et les gains entièrement reversés
au musée.
Tant qu'à venir à Londres, vous trouverez d'autres avions
exposés au Science Museum et à l'Imperial War Museum,
en plein centre-ville. Et ce n'est pas tout ! Les plus fanatiques n'hésiteront
pas à se rendre à Cosford, près de Birmingham,
où une autre branche du RAF Museum expose de très nombreux
avions, principalement de la guerre froide. Quant à la petite
ville de Duxford, au nord de Londres, elle abrite une collection extraordinaire
d'appareils appartenant à l'Imperial War Museum dont certains
sont en état de vol. Le meeting annuel de Duxford est d'ailleurs
un des moments forts du calendrier aérien en Europe. L'exposition
"American Air Museum" y a ouvert ses portes le 19 mars, après
une longue période de remise en état et de transformations.
Au menu : B-29, U2, SR-71, B-52,… L'occasion de passer quelques
jours agréables chez nos voisins anglais, entouré des
plus beaux avions de l'Histoire.
Depuis
le centre de Londres ou la gare Eurostar de St-Pancras, prenez
la ligne 'Northern' (noire) vers Edgware. Sortez à Colindale
et marchez 200 m vers le nord-est sur Colindale Avenue jusqu'à
un giratoire.
Traversez jusqu'à la rue Grahame Way Park. Le musée
se trouve 400 m plus loin.
L'entrée est gratuite mais le parking est payant.
Toilettes, bar, boutique et restaurant. Accès pour moins
valides. |
Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org
|
Le Lysander était capable de se poser dans
une courte prairie et ainsi ravitailler discrètement la résistance
derrière les lignes ennemies. |