Texte et photos : Laurent
Schmitz (OO-AS300)
Depuis des années, le club d’aéromodélisme
Les Busards (près de Faimes en Belgique) étudie la possibilité
d’investir dans une piste en dur. Hélas, non seulement
c’est hors de prix, mais il faut aussi les autorisations, ce qui
n’est pas gagné d’avance quand on loue le terrain.
La solution ? Une ''piste en mou'' !
Tous le modélistes connaissent le problème. Quand l’avion
a de petites roues, le décollage depuis une piste en herbe est
difficile, surtout si le sol est humide et le moteur poussif. L’atterrissage,
lui, se termine systématiquement sur le nez, quand on n’arrache
pas le train ! Bien sûr, on peut changer les roues pour en
mettre de plus grosses, mais c’est au détriment du réalisme.
Certains modèles sont particulièrement handicapés.
Par exemple, les petits ''warbirds'' ou les maquettes de jets à
train rentrant, fort populaires pour le moment. Non seulement on ne
peut pas changer les roues car leur logement est trop exigu, mais en
plus les appareils à turbine nécessitent un vrai ''billard''
pour accélérer jusqu’à la vitesse de décollage.
Dans l’herbe, les roues ''broutent'', ce qui freine trop l’avion
et fait capoter les Spit et autres P-47…
La solution c’est bien sûr une vraie piste en béton
ou en asphalte. Malheureusement, notre club se trouve en zone agricole,
où une telle infrastructure nécessite des autorisations
et dérogations sans fin. Sans compter que l’association
doit pouvoir remettre le terrain dans son état d’origine
en cas de fermeture ou de déménagement. Une piste en dur
coûte aussi beaucoup trop cher pour un petit club comme le nôtre.
Il y a quelques années, nous avons hérité d’un
rouleau de vinyle de huit de mètres de long sur trois mètres
de large. Trop peu pour une vraie piste mais déjà suffisant
pour faire décoller certains avions bien motorisés. L’atterrissage
se fait alors sur la piste en herbe, avec plus ou moins de bonheur.
Après un an, ce morceau déroulé au bord de notre
piste principale avait complètement écrasé la végétation
et formait une surface égale et bien dure. Nous aurions pu le
compléter pour agrandir cet embryon de piste mais les revêtements
de sol sont fort chers. Nous sommes donc partis à la recherche
d’une autre solution pour notre ''piste en mou''. Comme il nous
restait un mètre carré de rouleau de roofing, nous l’avons
posé sur l’herbe pour voir ce que ça donnerait.
Il a lui aussi ''creusé son trou'', écrasant petit à
petit la végétation pour finir bien plat sur la terre.
L’année passée nous avons pu constater que même
par 40° en pleine canicule, le roofing ne coulait pas. Il devenait
mou mais grâce aux paillettes recouvrant la surface il était
possible de marcher dessus sans y rester collé. Entre-temps nous
avons encore étudié d’autres solutions. Le gazon
synthétique est une fausse bonne idée. Ce matériau
est extrêmement lourd, impossible à manipuler sans grue.
Il contient en outre des billes faites de déchets de pneus polluants
et son évacuation entraîne des frais élevés.
Son prix, même pour une surface d’occasion trop usée
pour un terrain de sport, reste dissuasif, tout comme le transport.
Et au final on se retrouve avec une piste qui freine quand même
les petites roues.
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Sur internet nous avions trouvé la vidéo d’un club
étranger qui avait recouvert sa pelouse de bâche imputrescible,
comme celle qu’on utilise pour l’aménagement des
espaces verts. Ce choix est peu coûteux, mais pas très
solide et la moindre ouverture permet au vent de s’engouffrer
et de gonfler la piste comme un ballon. Le transport est difficile car
le rouleau mesure plus de quatre mètres. La fine couche de tissu
n’aurait pas non plus empêché les taupes présentes
sur notre terrain de creuser leurs galeries, voire de ronger les fibres.
Finalement nous avons profité d’une promo dans une grande
surface de bricolage pour acheter un stock de roofing. Le roofing se
soude facilement au brûleur à gaz. Les rouleaux de 40 kg
se portent à deux et tiennent dans le coffre d’une voiture.
Si nécessaire, on peut les couper au cutter pour les évacuer
à la déchetterie en morceaux manipulables par une seule
personne. Enfin, la surface obtenue ressemble à une ''vraie''
piste en dur. Pour équiper une parallèle de 40 x 4,5 mètres,
il nous a fallu 20 rouleaux. Cette taille n’est pas ''à
l’échelle'' car en modèle réduit, la largeur
est plus importante que la largeur. Par un vent modéré
dans l’axe, la majorité des modèles jusqu’à
2,5 m d’envergure et les jets jusqu’à 1 m d’envergure
décollent sans soucis mais pour atterrir avec assez de précision
il faut un avion petit et/ou lent.
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Décorée de ses marquages ''maquette'' à
la peinture acrylique posée au petit rouleau, notre
nouvelle piste 05R - 23L a fière allure. Elle restera
un peu inégale pendant quelques mois encore, mais ça
ne gêne pas trop les avions. Malgré une dernière
tonte au plus ras, on sent les mottes d’herbe à
travers, ce qui donne un sens supplémentaire à
la notion de ''piste en mou''. Les joints entre les rouleaux
de roofing ne se remarquent pas du tout quand les avions roulent
dessus, même avec de très petites roues. La ''marche''
de quelques millimètres est en outre atténuée
par la zone de collage où le goudron a fondu. Il est
préférable de ne pas trop marcher sur la nouvelle
piste, surtout les premiers mois. On pilote depuis le bord,
dans l’herbe, et on récupère un avion
éventuellement bloqué par le plus court chemin.
La surface est assez solide mais en plein soleil elle devient
très chaude et même un peu molle. Si elle avait
fait 100 m de long il aurait été fastidieux
de la contourner à chaque fois pour passer de l’autre
côté.
Parmi les inconvénients, il faut noter que le roofing
est abrasif. Si un beau planeur en fibre atterrit par accident
dessus, son gel-coat sera proprement poncé. On ne peut
donc plus se poser sur le ventre n’importe comment en
travers du terrain sinon on croise la nouvelle piste. Cette
surface n’amortit pas comme l’herbe en cas de
crash-landing et bien sûr elle ne freine pas les roues,
ce qui aide au décollage mais peut surprendre à
l’attero.
Enfin, si le terrain est plat, il se forme des flaques d’eau
après la pluie. Ce n’est pas le cas chez nous
car la piste est en très légère pente.
Le roofing draine naturellement l’eau vers l’aval,
sauf à l’endroit où se trouvait l’ancien
vinyle, qui est actuellement en creux, mais ça s’arrangera
dès que le reste de la piste se sera tassé.
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Finalement, l’investissement en temps et en argent est raisonnable
puisqu’il revient à ±1.000 € et une journée
de pose par trois personnes. Si cette nouvelle piste dure cinq ans
et qu’elle nous attire quelques nouveaux membres, nous rentrerons
dans nos frais. Nous espérons cependant qu’elle durera
bien plus longtemps, d’autant qu’on peut facilement réparer
les accrocs éventuels.