...pour
une poignée de roubles !
Encore une production de l'Est bon
marché, me direz-vous... C'est vrai, le Lavochkin-15
est un pur produit Soviétique: facile à construire,
facile à piloter et dans sa catégorie c'est sans
aucun doute le moins cher. Bref, un vrai jet pour prolétaires!
Qui sait, ce vestige de la guerre froide pourrait bien vous
faire trahir le balsa, la fibre et le méthanol pour passer
dans le camp de l'EDF et du dépron...
Texte et photos : Laurent Schmitz
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Un "Park Flyer" du genre "volumineux"…
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En ce glorieux matin de printemps, le vent
souffle sur la steppe. Le prototype du La-15 frémit sur
sa rampe de lancement tandis que le camarade-constructeur-pilote
ajuste calmement les sangles de son Cockpit MM. Un bref test
de la turbine confirme que tout est en ordre. Le pilote lève
le bras et s'écrie 'Za Rodina!' (Pour la Patrie!) puis
enfonce résolument la pédale de lancement. Le
fier chasseur soviétique s'élance alors à
l'assaut du ciel, escaladant l'azur sous un angle impressionnant!
Pas le temps de toucher à quoi que ce soit, l'appareil
se sépare déjà de sa catapulte, à
dix mètres d'altitude et 45° d'angle d'attaque...
Les dignitaires du parti retiennent leur souffle, tandis qu'un
camarade trop bavard hurle : 'Pousse, tu vas décrocher!'.
Il sera fusillé pour défaitisme car à la
surprise générale, le Lavochkin reprend sa ligne
de vol tout seul, aidé par de nombreux coups de trim
à piquer... Aux commandes, l'ambiance est moins tendue.
A part cette tendance marquée à lever le nez,
l'appareil répond docilement. Il est même impossible
de le faire décrocher, contrairement à ce qu'insinuait
ce traitre à la solde de l'occident ! Cela dit, et sans
vouloir critiquer, les ingénieurs de Focke-Wulf prisonniers
au bureau d'études Lavochkin avaient raison. Avec son
volume important et son poids plume, le La-15 vole plus comme
un EasyGlider impérialiste que comme un vrai jet. On
peut même faire du sur-place à mi-puissance face
à seulement 20 km/h de vent! En revanche, vent arrière
le park-flyer géant prend une vitesse formidable et traverse
le terrain à toute allure, en illustre représentant
du Peuple Victorieux! En le soutenant dans les virages il vire
très proprement, même si on se surprend parfois
à actionner une gouverne de direction inexistante...
Le bruit de la turbine est kolossal et augmente encore la présence
de l'engin en vol. Les évolutions sont tendues et très
précises, il est facile de passer à trois mètres
de l'antenne. Le tonneau tourne de façon réaliste,
c'est à dire pas très vite et en légère
barrique (de Smirnoff). Le profil d'aile exige par contre un
maximum de profondeur à pousser sur le dos. Quant au
looping, il se fait ‘à fond les manettes’
car même en piquant à mort l'avion ne restitue
pas un kopek... En fait de voltige, on se régale donc
de passages de piste (très) bas avec virages 'en oreille'
bien coulés pour ne pas lui briser son élan. Un
pilotage hybride, à mi-chemin du jet et du planeur en
mousse...
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L'atterrissage est une formalité. |
Stabilité incroyable
Bon, tout ça c'est très bien mais il faut penser
à se poser... Le nouveau Héros de l'Union Soviétique
aligne le prototype sur la prairie d'herbe grasse (pour tromper
l'ennemi et ne pas endommager le fuselage). Avec son aile en
forte flèche et ses saumons vrillés, le chasseur
est d'une stabilité incroyable. Face au vent, l'approche
est lente et l'allongement faible. Le poser se fait nez haut,
sans le moindre rebond grâce à la quille arrière,
qui plaque immédiatement l'avion au sol. Sans vent, il
allonge un peu mais on le place à coup sûr 'aux
pieds'. Contrairement à ses homologues au kérosène,
ce gros avion convient donc à un terrain exigu. Un avantage
tactique, assurément...
Sous les applaudissements du Premier Secrétaire, le camarade-constructeur-pilote
prépare déjà son appareil pour un prochain
vol. Cette fois, le décollage se fera avec 7% de mixage
de la profondeur vers le bas lors de la pleine puissance...
Et de fait, glorieusement propulsé par sa catapulte,
le Lavochkin-15 part cette fois sous une pente raisonnable pour
saluer le triomphe des Masses Modélistes !
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Vous l’entendez, le turboréacteur
Klimov ? |
Banc d'essais volant
Ce modèle n'était pas fait pour durer. Mais comme
il connait un succès extraordinaire partout où
je le sors, voilà sa vie prolongée de façon
inattendue... Au départ, je cherchais un avion 'vite
construit', juste pour tester une turbine Kyosho rescapée
d'un T-33 crashé. Un brushless de 2.500 t/volts dormait
dans un tiroir, tout comme un ancien accu Lipo 4S de 3000 mAh.
Quelques 'Google' plus loin et le La-15 était choisi.
En fonction de la taille de la turbine (78mm), l'envergure retenue
est de 124 cm, ce qui donne l'échelle 1/7e. C'est là
que je commets une grossière erreur... N'étant
pas habitué aux ailes en forte flèche, je crois
avoir affaire à un 'petit' modèle bien adapté
à sa propulsion. En réalité à cette
échelle le Lavochkin est énoooorme, en tout cas
pour un avion en dépron. Posé à côté
de mon P-40 de 170 cm d'envergure, il semble de la même
taille...
Une fois la construction entamée, pas question de revenir
en arrière. Au final, l'avion sort à 1.450 g ce
qui est exceptionnel pour un modèle aussi volumineux.
La turbine est noyée dans le modèle, il vaut donc
mieux la tester au préalable pour être certain
que rien ne se détache après quelques vols. Une
goutte de 'Loctite' sur le porte-turbine et toutes les vis de
fixation est une sage précaution. Et bien entendu, le
rotor doit être parfaitement équilibré.
Les modélistes historiens auront constaté que
ce La-15 est loin d'être une maquette exacte. Le stab
perché très haut sur la dérive du grandeur
se trouve ici sur le fuselage. L'aile est un peu agrandie, tout
comme l'empennage. Le but est de faciliter la construction et
de gagner en charge alaire. Enfin, le pilotage se fait en deux
axes, ailerons et profondeur. Souvenez-vous que le modèle
était au départ destiné à voler
seulement quelques fois pour tester la turbine. Bien sûr,
il est tout à fait possible d'ajouter une commande de
direction et de rectifier l'aspect 'maquette' de cet avion.
Vu le poids obtenu et les performances de l'avion à basse
vitesse, quelques grammes de plus ne lui feront pas peur.
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Il n’y manque que l’odeur… On
peut rêver, non ? |
EDF : "Electric Ducted Fan"
Après quelques vols en configuration de base (370 watts,
850 g de poussée et une vitesse un peu ‘limite’),
j’ai acheté un nouveau lipo, toujours chinois,
mais plus performant. Résultat : ma turbine Kyosho
a littéralement explosé au premier essai! Une
turbine Haoye de 3 pouces, beaucoup plus solide, a donc
pris sa place. Le moteur est devenu un Keda 28-57-14L de 2000
t/v. Il est un poil trop 'lent' pour cette turbine, mais à
41A en pointe la puissance mesurée au sol s'élève
à 600 watts. Cela donne 1.150 g de poussée statique
et une vitesse d'éjection cette fois confortable. La
masse passe à 1.550 g et le centrage avance un peu mais
c’est sans conséquences. Quatre éléments
lipos '20-30C' de +/- 3000 mAh sont nécessaires pour
centrer le modèle. Un contrôleur basique de 60A
et un 'UBec' pour l'alimentation radio complètent l'inventaire.
Pour vraiment optimiser ce jet, on pourrait monter jusqu'à
800 watts de puissance en optant pour un moteur de ±
200 g et au "KV" plus proche de 2400. La cellule peut
parfaitement s'accommoder d'une Wemotec HW-609 ou même
d'une HW-620 de 84 mm par exemple. Si nécessaire, vous
pouvez adapter le diamètre du maître couple (MC).
Le tube de la veine d'air formera un léger cône
de part et d'autre pour rejoindre les couples situés
devant et derrière. Cependant, il faut éviter
de trop exagérer. Ce jet vole bien surtout parce que
c’est une plume. Il n’est absolument pas conçu
pour 6 Kokam et un Hacker de l’enfer de la mort !
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La construction est simple, mais demande un minimum
de savoir-faire. Elle est détaillée sur une
autre page, accessible en cliquant sur l'image ci-dessus,
tout comme le plan téléchargeable. |
Modèle 'perso'
Ne cherchez pas ce La-15 chez votre revendeur, car il s'agit
d'un modèle 'perso' que j'ai conçu de A à
Z, en commençant pas le tracé des plans sur ordinateur.
Il est très bon marché puisqu'il est fait principalement
de dépron. En optant pour des composants à bas
prix, la propulsion complète ne dépasse pas 200
€ (moteur, contrôleur, turbine et accu). Si le pilotage
est à la portée de tout modéliste qui maîtrise
un trainer 'aile basse', la construction demande par contre
un minimum de savoir-faire. Il faut par exemple savoir mouler
une verrière. Cela dit, cette réalisation démontre
que l'on peut parfaitement faire voler un 'jet' de bonne taille
sans être ni riche, ni 'pro' du pilotage. Pour un modéliste
débrouillard ayant déjà construit des kits
en balsa, le La-15 ne devrait pas poser de problèmes,
d’autant que je répondrai volontiers à tous
les appels au secours ;-)
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Décollage à la catapulte : sûr
et efficace. |
Une
vidéo est visible ici.
Fiche technique |
Longueur :
144 cm
Envergure : 124 cm
Masse : 1.550 g
Surface alaire : 35 dm²
Turbine : 76 à 84 mm, 1.000 à 1.400 g de poussée
Propulsion : 600 à 800 watts
Accu : lipo 4S 3000 mAh
Profil d'aile : Clark-Y modifié |
Lavochkin-15, nom de code
OTAN: 'Fantail' |
La défaite allemande de 1945 a livré à
l'Armée Rouge un nombre important d'avions à
réaction très en avance sur leur temps.
Parmi eux, les études de Messerschmitt sur les
ailes en flèche et un avion conçu par
Focke Wulf, le Ta-183. Il n'est donc pas étonnant
que ces travaux constituent la base de deux appareils
présentés début 1948 à l'aviation
soviétique : le MiG-15 et le La-15. Les deux
chasseurs se ressemblent fort : fuselage cylindrique,
large dérive portant un stab surélevé,
aile en forte flèche,... Le La-15 possède
cependant une aile haute, contrairement au MiG, qui
est à aile médiane. Tous deux font appel
à une copie de réacteur Rolls-Royce :
le 'Derwent' pour Lavochkin et le 'Nene' pour Mikoyan-Gurevich.
Dès les premiers tests, le La-15 est le préféré
des pilotes : plus maniable, plus facile à piloter
et capable de voler confortablement à très
haute altitude grâce à son cockpit pressurisé.
La mise en production est immédiate et 235 appareils
sont livrés. Mais entre-temps, les Britanniques
ont amélioré leur moteur 'Nene'. Les modifications
profitent directement au MiG-15, par ailleurs plus facile
à produire. C'est donc ce dernier qui fait l'objet
d'une fabrication massive sous la désignation
"MiG-15bis" (plus de 12.000 modèles
tous types confondus). Lors de la guerre de Corée,
ce sont les MiG-15 qui prennent part au combat. Les
La-15, plus performants, sont affectés à
la défense aérienne de Moscou et d'autres
objectifs capitaux en Union Soviétique. L'avion
terminera finalement une carrière aussi brillante
que méconnue en 1954.
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Contact : laurent.schmitz@jivaro-models.org
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