Laurent et Romain Berlivet
Vous avez peut-être vu cette vidéo
qui circule sur Internet, où l’on voit un avion de voltige
qui survole à très basse altitude une rivière,
et qui entame un violent demi-tonneau déclenché pour passer
sous un pont en vol dos, sous les acclamations d’une foule en
délire, naturellement ! Ce pilote si précis et si sûr
de ses réflexes, c’est Jurgis Kairys, un voltigeur lithuanien
de haut niveau. Pilote si doué qu’il lui fallait une monture
spécifique pour exprimer tout son talent lors du FAI World Grand
Prix. C’est pour cela qu’il a créé le Juka.
Benoit Paysant-Le Roux est un voltigeur émérite
lui aussi. Il fait d'ailleurs partie de l’équipe de France
de F3A depuis de nombreuses années où il exprime avec
succès ses talents de pilote et de concepteur. Lors d’un
déplacement à Dubaï, où il était invité
comme pilote, il a découvert le Juka, a sympathisé avec
son créateur, et a aussitôt décidé de reproduire
cet avion unique en maquette. C’est en collaboration avec New
Power Modélisme que Benoit a conçu son modèle,
ainsi que quelques avions de voltige plus connus et désormais
produits en kits et diffusés à travers le monde. NPM est
d’ailleurs le seul fabricant à proposer un kit de Juka,
cellule originale qui change - enfin - des Extra, Edge et Yak que l’on
voit partout.
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Le contenu du kit.
L'assemblage ne prendra pas longtemps. |
Une cellule qui surprend
Dès l’ouverture de la boîte, on reste scotché
devant la cellule tout bois entoilée partiellement au film transparent,
qui dévoile les détails de sa magnifique structuree. La
première réflexion qu’on se fait, c’est qu’on
aurait bien du mal à construire aussi proprement. La seconde,
c’est qu’on serait aussi bien content de pouvoir disposer
d’un aussi joli fagot de bois qui doit s’assembler comme
un puzzle. Dommage que les fabricants (sauf peut-être quelques
rares artisans) ne nous laissent plus le choix et ne proposent que des
produits tout montés. Les méthodes de découpe modernes,
comme celle du laser employée ici, permettent des assemblages
par emboîtement qui sont déjà solides avant d’y
avoir glissé de la colle, et qui font de la construction un véritable
plaisir. Passons, car ici, tout est déjà fait, jusqu’à
l’entoilage au film thermo rétractable de trois couleurs
parfaitement posé. La base du décor de notre modèle
est rouge mais le Juka existe aussi en jaune.
Quand on attrape le fuselage, on a l’impression
d’avoir saisi une plume, et c’est encore plus étonnant
lorsqu’on a retiré le film plastique qui le protège.
Pourtant, il n’est pas gonflé à l’hélium
mais simplement assemblé avec des pièces très ajourées,
emboîtées les unes dans les autres. Les couples en contre-plaqué
sont très évidés, il ne reste qu’une fine
largeur de bois autour des baguettes. Les coffrages sont réduits
au strict minimum, renforçant juste là où c’est
nécessaire sans alourdir la cellule. Au final, on a entre les
mains un objet très robuste et d’une extrême légèreté.
L’aile est en deux parties qui viennent se plaquer de part et
d’autre du fuselage, enfilées sur une clé en alu
anodisé de gros diamètre et pourtant très légère.
Toutes les nervures sont ajourées et largement espacées.
Les demi-ailes sont cependant très rigide grâce au coffrage
partiel au bord d’attaque et au bord de fuite, ainsi qu’aux
âmes réunissant les longerons et formant un solide D-Box.
Du classique sur ce genre de modèle, si ce n’est que le
résultat est encore une fois surprenant par sa légèreté.
Les empennages sont réalisés avec des languettes de bois
finement ajustées. C’est un simple profil planche qui est
utilisé. Les gouvernes sont énormes et on n’a aucun
doute sur la destination de ce modèle : ça va remuer…
Le gros capot-moteur tout rond et les carénages de roues sont
moulés en fibre de verre et résine polyester puis peints
après démoulage, ce qui masque la jonction du moule et
offre un état de surface impeccable.
La grande verrière est thermoformée dans un plastique
légèrement fumé d’un très bel effet.
Le train en alu est plié et percé, prêt à
être vissé sous le fuselage.
Tous les accessoires sont fournis et sont de belle qualité.
Pour info, voici quelques détails sur le poids des éléments
déballés :
- Fuselage + verrière et baquet : 175 g
- Aile gauche : 114 g
- Aile droite : 106 g
- Stabilisateur + dérive : 42 g
Assemblage
« Ca n’est pas parce que tout est pratiquement terminé
qu’il faut bâcler ce qui reste… »
Les quelques étapes à effectuer seront vite réglées,
mais elles demandent cependant du soin. Et on s'aperçoit même
dès les premières images que des étapes ont déjà
été réalisée par le fabricant.
Un détail qui énerve un peu : Il faut retirer l’entoilage
sur le stabilisateur au niveau de sa zone de collage sur le fuselage.
Je ne sais pas si un fabricant comprendra un jour qu’il n’est
pas utile de l’entoiler… Bien sûr ça ferait
deux morceaux à poser au lieu d’un seul, mais combien d’avions
ont souffert à cause d’une faiblesse à l’empennage
causée par une pointe de cutter trop gourmande ? Il faut donc
retirer le film en le coupant à l’aide d’une lame
bien affûtée sans écorcher le balsa qui se trouve
juste dessous. Une entaille ici serait catastrophique car l’avion
est destiné à être secoué et ses gouvernes
sont immenses.
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Les fabricants comprendront-ils un jour qu'il n'est pas
utile d'entoiler cette partie ? |
Collage du stabilisateur en vérifiant bien la géométrie
et l'équerrage. |
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Les rares pièces de bois à coller
constituent le bâti moteur qui supportera en même temps
la batterie. |
Toutes les pièces s'emboîtent les unes dans
les autres, l'assemblage est déjà solide avant d'avoir
mis de la colle. |
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Le bâti glissé et collé à travers
le couple principal. |
Le Booster 30, petite boule de nerfs vraiment efficace
sur ce voltigeur. |
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Le moteur dépasse
un peu trop du capot en fibre. Pas moyen de faire autrement sans
tout casser. |
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Le carénage en
fibre de verre doit être percé pour recevoir l'axe
de roue. |
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Fixation de la roue dans
le carénage, puis du train d'atterrissage sur sa platine
en contre-plaqué.
Les écroux noyés sont déjà en place. |
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Un morceau d'adhésif
vient refermer l'ouverture sous le fuselage. |
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Roue en mousse et carénage de roue en fibre. |
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La notice détaille toutes les étapes
du montage par l’intermédiaire d’une cinquantaine
de photos très explicites. Cependant, il y a un grave oubli au
niveau du montage du bâti-moteur et support d'accu. 4 équerres
en contre-plaqué fin doivent venir se glisser dessous avant montage
afin de répartir les efforts sur les deux couples placés
de part et d’autre de la platine support de train. Sans elles,
vous risquez de faucher le train au premier atterrissage un peu musclé.
J’ai compris après coup où devaient se placer ces
4 pièces de bois restées au fond de la boîte…
D’autres que moi ont dû se faire piéger aussi. Après
un atterrissage à peine trop fort, le train s’est légèrement
incliné vers l’arrière en déplaçant
la platine emprisonnée entre les couples. Le problème
a été signalé au fabricant qui a sans doute corrigé
ses notices depuis. Une fois que les pièces prévues sont
glissées là où il faut, tout rentre dans l'ordre
et désormais les vols s’enchaînent sans le moindre
problème.
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Découpe propre de l'entoilage
au niveau du passage de la clé d'aile avec une aiguille
à tête de verre chauffée au briquet. |
La verrière et son baquet
sont maintenus sur le fuselage par des aimants puissants. |
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La grande verrière, en plastique
légèrement teinté. |
Le pilote n'est pas livré dans
le kit.
Il participe au réalisme en vol. |
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L'autocollant Haute Voltige
de la FAI. |
La grande verrière vissée sur son cadre
en bois est maintenue sur le fuselage par des tétons issus de
la découpe en contre-plaqué à l’avant et
des aimants à l’arrière. Pour éviter que
les aimants restent collés l’un contre l’autre après
le séchage de l’époxy, j’avais glissé
une bande de scotch entre eux. Après quelques manœuvres
violentes en vol, la verrière lestée en plus par le poids
d’un pilote en polystyrène dense (non prévu dans
le kit) a fini par se détacher. En fait, les aimants ne sont
efficaces que s’ils sont parfaitement en contact, ce qui n’était
sans doute pas le cas à cause des bandes adhésives qui
avaient été intercalées. De plus, le grand capot
rond laisse entrer de l’air dans le fuselage, et aucune évacuation
n’est prévue à l’origine. J’ai depuis
ouvert l’entoilage à l’arrière sous le stab,
au niveau d’un évidement dans les flancs en balsa, à
l’aide d’une aiguille chauffée au briquet, ce qui
permet de couper proprement le film et de le « ressouder »
sur la cellule. Ainsi l’air circule à l’intérieur,
refroidissant également la batterie.
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La batterie logée tout à l'avant est accessible
en retirant la cabine solidaire du dessus de fuselage. |
Le servo de profondeur est déporté devant
le stab, avec sa tringlerie rigide en carbone. |
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Le volet de dérive est actionné par un câble
aller-retour. |
Un servo d'aileron en prise directe.
Vue l'épaisseur à cet endroit de l'aile,
il pourrait être un peu plus discret... |
Equipements
J’ai utilisé le moteur préconisé par le fabricant,
à savoir un Booster 30 NPM à cage tournante. Fixé
sur le bâti en bois du kit, il dépasse cependant d’environ
1 cm à l’avant du capot, c’est dommage, et il n’y
a rien à faire pour améliorer les choses, à moins
de tout charcuter.
Le contrôleur est un Flash 40 Electronic Model pas des plus légers,
mais tout à fait fiable.
L’hélice est celle conseillée pour ce moteur et
cette cellule : une 11"x5,5" APC-E.
Les batteries que nous utilisons sont composées de 3 éléments
Li-Po de 3100 à 3700 mAh. Le logement prévu sous la verrière
est très accessible. Il faut prévoir de quoi immobiliser
efficacement ce pack pour éviter les surprises. Comme la platine
est très ajourée, il apparaît difficile d’y
mettre une bande de Velcro. Finalement, un anneau de Velcro l’enveloppe
en passant sous la platine.
Côté radio, il faut un servo par aileron. J’ai choisi
des Futaba S133 plus très jeunes, mais suffisants.
Pour la profondeur, le servo Futaba S143 est décalé à
l’arrière du fuselage et dépasse à l’extérieur
du flanc. C’est peu esthétique, mais l’emplacement
est déjà prévu, donc on suit la notice. La commande
courte est en jonc carbone.
Le servo de direction est logé dans le fuselage, sur une platine
qui se déforme un peu trop à mon goût. Je l’ai
renforcée en collant quelques baguettes par-dessous. Le servo
choisi est à pignons métalliques, il absorbera mieux les
chocs sur le volet de dérive, au sol ou en vol (pour ceux qui
maîtrisent aussi bien que Benoit PLR en faisant toucher la dérive
!). La dérive est actionnée par un câble aller-retour.
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L'aile en 2 parties est vraiment pratique
pour le stockage et le transport. |
Une demi-aile glissée sur la clé. On voit
les nombreux ajourages, que ce soit pour l'aile ou pour le fuselage
: une dentelle légère mais robuste. |
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Les demi-ailes sont maintenues
plaquées sur le fuselage par des vis nylon. |
En piste !
La tendance actuelle, c’est le vol à l’arraché
: roulage le plus court possible et grimpée aussitôt à
la verticale… Si les voltigeurs grandeur modernes sont puissamment
motorisés, ils se contentent de quelques tours de torque roll
avant de s’écrouler et n’atteignent donc pas encore
les extrêmes où nous sommes arrivés avec nos modèles
réduits. Qu’un slowflyer pendu à l’hélice
prenne encore une claque en poussant le manche des watts et reparte
vers le ciel en accélérant, admettons… Mais lorsqu’il
s’agit d’une semi-maquette, autant conserver un minimum
de réalisme, il restera cependant suffisamment d’énergie
disponible pour se défouler de façon musclée. Et
puis, moteur et Lipo vieilliront moins vite sans oublier que la durée
du vol sera nettement plus importante…
On ne va pas décrire ici toutes les figures
de voltige que peut réaliser ce Juka, ni même celles que
nous arrivons seulement à passer… Toutes les gouvernes
sont très largement dimensionnées, et permettent donc
des manœuvres violentes, tout en restant très précises.
Le taux de roulis est très élevé grâce à
la légèreté de l’aile qui n’a aucune
inertie néfaste. Les arrêts de figures sont tout aussi
francs. La dérive est très efficace, que ce soit pour
les renversements ou le vol tranche. Ce dernier peu se prolonger indéfiniment
avec la puissance disponible. En mettant le moteur à fond, ça
remonte très largement et avec un peu d’entraînement,
on parvient même à passer des boucles sur la tranche. Quand
à la profondeur, elle agit au moindre souffle de l’hélice.
On peut arriver très cabré à faible vitesse, pendu
à l’hélice, sans que le modèle ne parte en
décrochage, les gouvernes mordant à la moindre correction.
Les vrilles en tout genre, engagées par un déclenché
ou non, restent pilotables, peuvent devenir plates ou même changer
de sens.
La puissance permet au modèle de rester suspendu le nez en l’air,
mais pas de regrimper avec l’équipement qu’on a choisi.
En ne mettant pas de pilote et en grattant sur l’équipement
radio, il y a moyen d’obtenir une petite boule de nerfs hyper
réactive. C’est le cas de Benoit qui est capable de faire
toucher la dérive en torque roll ! Faudra pas mal d’entraînement
pour arriver à faire pareil…
Le sien est équipé pour peser le moins possible, sans
pilote, avec une petite batterie et un équipement radio léger.
Avec nos accessoires, le poids est plus élevé de 200 g
par rapport au sien, mais la charge alaire reste très raisonnable
(40 g/dm²), même pour aborder le vol 3D.
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Le Juka existe
aussi en jaune. Ici, c'est la version de Benoit
Paysant-Le Roux, équipée de matériel
léger pour effectuer de la pure voltige 3D.
(Photo : Benoit Paysant-Le Roux / Mathieu Davy) |
Ce qui fait plaisir, c’est de constater la robustesse
du modèle, car bien que construit très léger, il
encaisse sans faiblir les figures les plus violentes. A ce sujet, bien
s’assurer avant chaque vol que la batterie est correctement fixée
car ça serait catastrophique si elle sortait de son logement.
Avec de tels volets de profondeur, on se fait parfois surprendre par
un décrochage dynamique. En tirant trop fort ou trop brutalement,
on fait décrocher l’aile et il faut quand même un
peu de hauteur pour rattraper le coup. C’est une habitude à
prendre, et les dual-rate sont bienvenus car on a parfois besoin de
débattements déraisonnables pour certaines figures.
L’atterrissage n’apporte pas de difficulté, l’avion
n’ayant aucune tendance à rebondir.
Un avion bien pensé
Cet acrobate original remplit parfaitement son rôle. Capable d’une
voltige en douceur, il peut devenir un véritable fauve en utilisant
les grands débattements. La cellule est quant à elle superbe,
à la fois légère et robuste malgré son apparente
fragilité. La conception a été très bien
pensée.
Avec l’aile en deux parties, le stockage et le transport sont
aisés, et le montage reste rapide sur le terrain.
Pour pousser le réalisme à l’extrême, il ne
nous reste plus qu’à trouver un pont à notre échelle
pour réaliser le même genre de passages que Jurgis et son
Juka !
Nom : Juka
Fabricant : New
Power Modélisme
Concepteur : Benoit
Paysant-Le Roux
Envergure : 120 cm
Longueur : 107 cm
Surface : 28,5 dm²
Masse : (1200 à)1440 g
Charge alaire : 40 g/dm²
Moteur : Booster 30
Contrôleur : EM Flash 40
Hélice : 11"x5,5" APC-E
Batterie : Lipo 3S 3700 mAh
Prix indicatif : 129 € (en
promo à 75 €) |
Réglages
Centre de gravité : 125 mm du bord d'attaque
Débattements :
Ailerons : (petits) 30 mm de chaque côté, 45% d'expo
(grands) 45 mm de chaque côté, 70% d'expo
Profondeur : (petits) 15 mm de chaque côté, 40% d'expo
(grands) 40 mm de chaque côté, 80% d'expo
Dérive : maxi, avec 50% d'expo |
Les
+
- Fabrication au top, robuste
et légère
- Originalité du sujet
- Qualités de vol
|
Les
–
- Oubli dans la notice concernant
le renfort du train.
- Pas de circulation d’air
prévue
- Bâti moteur un peu trop
avancé.
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Contacter l'auteur : laurent@jivaro-models.org