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Texte
et photos : Laurent Schmitz |
Carnet de vol : F-16 "Fighting Falcon"
Voler en jet de
combat supersonique n’a jamais été mon plus
grand rêve. Mes avions préférés sont
plutôt du genre qui vole naturellement quand on lâche
les commandes, comme un honnête DC-3 ou un bon vieux Stampe,
si vous voyez ce que je veux dire... Et pourtant quand je me suis
retrouvé assis sur un réacteur avec un F-16 attaché
dans le dos, j’ai adoré ! Allez comprendre…
A cette époque-là,
j’étais détaché comme journaliste militaire
sur une base aérienne grecque pour couvrir les manœuvres
de l’OTAN. Bref: l’ennui total. Comme je savais que
le temps passerait lentement, j’avais sollicité une
interview avec le commandant de l’escadrille de chasse locale,
laquelle venait juste de recevoir ses nouveaux F-16 "Block
50". Même si la rencontre ne donnait rien, ce serait
pour moi l’occasion d’approcher ces oiseaux flambants
neufs. Et puis c’est bon pour les relations publiques. Pour
faire bonne mesure, j’avais aussi demandé à
obtenir des photos en vol des avions. Je voulais dire par là
que j’espérais qu’un pilote accepterait d’embarquer
mon coûteux Nikon… et qu’il ferait de son mieux
pour ne pas le casser. Les heures de vol sont tellement chères
qu’il est inutile de perdre son temps à demander
une place arrière. Ma surprise fut donc grande en entrant
dans le bureau d’un colonel grec en tenue de vol complète.
Lui était surpris de me voir sans tenue de vol…
Après quelques explications en mauvais anglais et une bonne
rigolade, le commandant de base m’entraînait gentiment
dans un vestiaire. C’est là que j’ai réalisé
que l’interview ne serait pas ordinaire.
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F-16 Pirep (English version)
Flying a supersonic
combat jet is not something I normally dream of. My preferred
aircraft has always been the noble kind that flies itself naturally,
like a good old DC-3, if you see what I mean. Yet I found myself
strapped to the diminutive Space Shuttle they call the 'Fighting
Falcon'… and I loved (almost) every part of it!
At the time I worked
as a military journalist, covering some boring Nato training with
the Belgian Air Force on a Greek Air Base. Knowing the time would
pass slowly, I had requested an interview with the commander of
the local fighter squadron, which incidentally was in the process
of converting to the brand new "Block 50" F-16. Even
if the story was not good, it made for good PR and would probably
give me the opportunity to have a look at these new Falcons. I
even asked for the possibility to get air-to-air pictures, meaning
some pilot would kindly take my expensive Nikon on the next mission
and try not to break it. I knew flight hours were so expensive
there was no point in asking to fly myself. So when the Greek
colonel saw me in his office, I was rather surprised to meet him
dressed in full flight gear. And he was rather surprised that
I was not…
After some explanation and a good laugh, the base commander dragged
me to a dressing room where I realized this interview would be
quite unusual. |
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Visibilité
totale
Enfiler une tenue de pilote
de jet n’est déjà pas évident et devient
un calvaire dans le climat suffoquant du sud-est de la Grèce.
La combinaison anti-G est comme une camisole de force et le parachute
semble rempli de plomb. Par contre, le casque est d’une
légèreté étonnante. Une sorte de masque
de ski attaché par un large élastique fait office
de visière. Rien à voir avec le solide plexi rétractable
auquel je m’attendais.
Après six-cents mètres de marche sous un soleil
féroce, nous approchons finalement d’un F-16B. Le
reste de la patrouille consiste en trois monoplaces, parfaitement
alignés sur le tarmac. J’ai déjà l’impression
d’avoir transpiré un litre et on n’est pas
encore partis… Tandis qu’un sergent m’aide à
serrer les sangles qui m’attachent au siège éjectable,
mon pilote m’inonde d’instructions en pointant les
cadrans l'un après l’autre. La moitié de ces
machins ne ressemble à rien de familier. Il termine en
me faisant jurer trois fois que je toucherai pas à la sécurité
d’éjection sans ordre formel, puis il disparait dans
le siège avant.
J’ai enfin le temps de profiter du paysage. Et quel paysage !
On ne s’assied pas dans un F-16, non Monsieur : on est perché
au-dessus de l’avion et la visibilité est phénoménale,
particulièrement vers le bas. La fermeture du cockpit ne
trouble pas l’impression d’espace. On peut même
tendre les bras sans soucis. Le fauteuil incliné est confortable
et donne la possibilité de se mouvoir grâce à
un système de sangles à enrouleur, comme dans une
voiture.
A ce moment, les écouteurs se mettent à crépiter
et une fumée blanche envahit l’habitacle ! Ce n’est
que trois secondes de panique plus tard que je réalise
qu’il s’agit de buée soufflée par la
climatisation. Le brouillard se dissipe rapidement alors que le
réacteur démarre. Sur la planche de bord, l’indicateur
multifonctions montre la vidéo verdâtre de la zone
devant l’avion. A côté de ce jeu vidéo,
je repère un altimètre analogue, un G-mètre
avec deux aiguilles trainantes, les contrôles d’oxygène
et une multitude de gadgets importants sur lesquels j’affiche
mentalement un panneau « Touche pas à ça,
p'tit C… ».
Pas d’indicateur de dérive sur cet avion. Je me demande
comment ils gardent la bille au milieu? Du coup, je pose plein
de questions au colonel : « Et le lacet inverse ?
Est-ce qu’il faut mettre beaucoup de pied ? ».
C’est pas le moment, il est occupé et me répond
un truc dans le genre "on ne s’occupe pas de ça".
Bizarre…
A un moment, nous levons tous les deux les bras au ciel et le
sergent nous montre une goupille de sécurité munie
d’un drapeau rouge. Ensuite, je reçois l’ordre
d’armer le siège éjectable. Le mien est configuré
pour sauter quand le pilote s’éjecte. Je peux aussi
arracher l’anneau jaune entre mes jambes en cas de besoin,
ça fait le même effet. |
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Unsurpassed
visibility
Donning a jet-pilot's
gear is not a simple matter, especially in the suffocating summer
climate of south-eastern Greece. The G-suit feels like a restraining
jacket and the parachute is heavy like hell. However, the helmet
is a surprisingly light affair with some kind of ski mask attached
by a broad elastic band. Not the retractable solid visor you would
expect. After walking half a mile under a fierce sun, we finally
approached the F-16B, lined up with the rest of the afternoon
patrol consisting of three single seaters. I felt like I had already
lost two pounds of sweat, which was probably the case. I climbed
the ladder and while a crewman helped me with the straps, my pilot
kept rattling instructions, pointing at instruments and gauges
I didn't even recognized. He made me swear three times I wouldn't
touch the safety lever of the ejection seat without a direct order,
and disappeared in the front seat. That is when I took the time
to enjoy the scenery. And what for a scenery! You don't sit in
an F-16, but rather you are perched above the aircraft, with unsurpassed
visibility in all directions, especially below. The canopy closing
didn't spoil the impression. In fact, there is enough room to
stretch your arms. The reclining seat is comfortable, with the
possibility to move around thanks to retractable straps, just
like a car's safety belt.
At that point the headset became alive and a white smoke began
to fill the compartment. It took me all of three seconds to realize
it was just moisture from the air conditioning. Then the engine
started slowly. On my instruments panel, the MFD showed a greenish
camera view of the area in front of the aircraft. Besides that
video game, I discovered a good old analogue altimeter, a g-meter
with trailing needle, the oxygen controls and several other instruments
and switches that I mentally labeled 'Do Not Touch!'. No drift
indicator on this bird, no ball to keep centered. When I asked
the colonel about adverse yaw and rudder controls, he said something
like 'Not used in flight', whatever that means…
At some point, we both held our hands up and the crew chief showed
us a safety pin. After that I was ordered to arm the ejection
seat. Mine was configured to shoot automatically if the pilot
bailed out, but I could also grab the yellow loop between my legs
in case of an emergency.
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Décollage
Pour nous créatures
du sol, les avions à réaction font mal aux oreilles,
mais quand on est dedans c’est étonnement calme.
Même quand le pilote pousse la manette à fond, le
bruit me semble moins envahissant que dans les coucous à
hélice dont j’ai l’habitude.
La piste commence à glisser de part et d’autre du
Falcon, on sent à peine le roulage et l’accélération
est très progressive. Comme je ne suis pas collé
au siège, j’en profite pour photographier l’ailier
pendant que le sol s’éloigne. J’ai six rouleaux
de Fujichrome dans la poche et trois autres dans le sac à
vomir que m’a refilé le sergent, au cas où…
Le premier virage me prend complètement par surprise. Alors
que j’ai toujours l’œil rivé au Nikon,
un éléphant me pousse au fond du siège et
une vague de nausée déferle sur mon oreille interne.
Trois secondes de punition plus tard, les ailes sont à
plat et j’ajuste fébrilement l’oxygène
sur 100%. Je prépare le sac, au cas où… A
mon grand embarras, je découvre que prendre des photos
en vol est le meilleur moyen de souffrir de désorientation
spatiale. Dans le coin droit du tableau de bord, le G-mètre
indique seulement 2,5G. Pas possible, ce bidule est en panne !
Le prochain virage confirme que le "bidule" marche parfaitement.
L’aiguille annonce 4G pendant que je tente d’appliquer
la manœuvre anti-G, écrabouillé au fond de
mon fauteuil de métal. Le truc consiste à contracter
les muscles abdominaux pour éviter un déplacement
intempestif des organes internes. Enfin ça c’est
la théorie parce que maintenant je sue des gouttes grosses
comme ça tout en luttant contre le reflux gastrique. Entre-temps
je dois me concentrer pour charger le second rouleau de pellicule.
36 vues en moins de deux minutes: compte-tenu des circonstances
je suis fier de moi ! Mieux encore, nous volons désormais
à 500 nœuds (900 km/h) et 20.000 pieds. |
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Take-off
Jet engines being deafening
for us creeping creatures, I had expected the Falcon to roar,
but instead it was very quiet inside. Even when the pilot pushed
the throttle to the stops, the sound level was nothing compared
to the noisy piston engines I was accustomed to.
No brutal G's here, the runway began to slide while the fighter
accelerated smoothly. In no time we were airborne, with me shooting
like mad at the wingman taking off in close formation. I had six
rolls of Fujichrome in my pocket, with three more in the sickness
bag the crewman had handed me, just in case…
The first turn took me completely by surprise. I was still watching
the world through my Nikon when an elephant ran over me, pressing
me neatly back in the seat. At the same time, a wave of nausea
rolled all over me. After three seconds of punishment, we were
level again. I quickly turned the oxygen lever to 100% and readied
the barf bag, just in case… Taking pictures in flight is
the best way to get spatial disorientation, which I was discovering
to my greatest embarrassment.
The G-meter indicated an appalling 2.5-gees, which I just couldn't
believe. It had to be much more. The next hard turn confirmed
me wrong: the meter was very accurately reading 4-gees even as
I was literally crushed in my seat, desperately trying to perform
the 'anti-G' maneuver. This little trick involves contracting
some belly muscles to keep the insides from moving around. It
is supposed to help. It obviously does not because there I was,
sweating huge drops and fighting back vomit while loading the
second roll in my camera. 36 pictures in only two minutes, not
bad in these circumstances. Better yet, we were already flying
at 500kts and 20.000 feet! |
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Combat
tournoyant
Soudain le monde semble
figé. Il n’y a pas une turbulence à cette
altitude et les autres F-16 entourent le "leader", absolument
immobiles : incroyable ! Le cinq minutes suivantes en direction
de la zone de combat tournoyant me donnent un répit bien
mérité. J’en profite pour contrôler
mon estomac, shooter quelques rouleaux de dias et relâcher
mon masque à oxygène, au cas où… La
voix du colonel me ramène sur terre, si on peut dire…
« Prêt pour un petit combat ? Pas plus
de 6G, promis ! ». Je suis venu pour ça,
non ? Alors je pose le Nikon dans un des pratiques vide-poches
et je retends les sangles du harnais.
Je ne sais pas comment le pilote peut parler normalement pendant
que le monde entier tourne à toute allure autour du F-16.
Ajoutez la sympathique voix (féminine) de l’ordinateur
qui annonce un décrochage imminent, les systèmes
d’armes qui sonnent l’alarme de partout et des silhouettes
noires qui défilent à la vitesse de la lumière
et vous voyez peut-être de quoi je veux parler. Non, vous
ne voyez probablement pas car seul le centre de mon champ de vision
est encore là. Le reste s’est envolé à
chaque tournant brutal, remplacé par un univers sombre
et terrifiant. Je suis muet, paralysé, à peine capable
de respirer. Le pire quand on est en place arrière, c’est
qu’on ne sait jamais à l’avance dans quel sens
on va taper sa tête contre le plexi. A part ça, le
combat tournoyant, c’est super. En tout cas pour le pilote.
A l’instant où le calvaire se termine, je me bats
contre le masque à oxygène, juste à temps
pour garnir copieusement le sac à vomir. Je jurerais que
le maniaque assis devant est en train de rire. Je récupère
mon appareil photo quand le colonel me confesse dans l’intercom:
« Je vomis toujours quand je ne pilote pas moi-même.
Respire un grand coup, ça va aller. Maintenant range ce
sac et prends les commandes ». Là-dessus, il
pose les deux mains sur le plafond transparent, histoire de confirmer
que c’est pas pour rire. |
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Dogfight
Suddenly, it seemed
the world had stopped moving. Not a bump, no motion at all, the
three other birds were hanging perfectly still around their leader.
Awesome!
The next five minutes gave me plenty of respite while we floated
to the dogfight area. I took the opportunity to shoot some more
rolls and loosen my oxygen mask a bit. Just in case…
Then the colonel warned me: "Ready for a dogfight? I will
not go more than 6-gees, promised…". So I put the camera
away in one of the side storage bins and tightened the straps
a little more.
I have no idea how the pilot could talk 'normally' while the world
swirled around like crazy. Add the friendly voice of the (female)
computer warning for stall, the weapons systems beeping madly
and tiny fighter silhouettes flashing by at warp speeds, and you've
got the picture. Well, not all of it because only the center of
my field of view was still there, the rest vanished at each hard
turn in a terrifying blackness. I could not say a word, nor move
a finger or even breathe. The worst part of being in the back
seat is that you never know which way you will bang your head
next. Apart from that, dogfighting is real fun, at least for the
pilot. The instant the combat ended, I fumbled with the oxygen
mask and was just in time to fill the sickness bag… I swear
I heard laughing in the front seat. I was retrieving my camera
when the colonel confessed: "I always puke when I don't fly
myself. You're gonna be okay. Just take a deep breath, put that
bag away and take the controls". At that, he put his two
hands on the canopy, clearly indicating he meant it… |
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Fly-by-wire
Le F-16, lui, ne s’inquiète
pas et continue droit devant, comme sur des rails. J’annonce
timidement que "J’ai les commandes" avant que
le colonel ait mal aux bras. Le stick ressemble à une grosse
manette de PC, mais contrairement à la version Microsoft,
celui-ci ne bouge pas vraiment et ne donne pas de "retour
de force". Sur cet avion, l’ordinateur interprète
automatiquement la pression de la main sur le manche et incline
les surfaces en conséquence. Il faut appuyer franchement
pour provoquer un effet, ce qui filtre les mouvements non voulus
et garantit une réponse précise et immédiate,
sans être trop sensible. Une autre particularité
de cette machine est que si vous inclinez l’appareil, il
ne tourne pas comme le ferait un honnête avion. Il faut
tirer sur le manche pour faire bouger le nez. Et quand il est
sur le dos, il vole tout seul "sans les mains", exactement
comme sur le ventre. En fait, j’ai l’impression bizarre
de commander un chasseur de Playstation en mode "facile".
L’appareil le plus rapide que j’ai jamais piloté
est un Piper Cherokee. Dans mon univers, l’altitude d’un
avion se contrôle avec les gaz et il faut coordonner les
gouvernes de direction, ailerons et profondeur pour tourner décemment,
sans oublier d’ajouter un filet de gaz. Inutile de dire
que mon premier virage aux commande du F-16 est un désastre
! L’engin dérape immédiatement dans un tournant
montant à 3G, et me revoilà collé au siège.
Je rends la main instinctivement et remets les ailes à
plat. La tentative suivante est bien meilleure : on ne touche
pas aux gaz, on incline franchement aux ailerons et on contrôle
le taux de virage en tirant. Le seul problème c’est
que le moindre mouvement se paie au tournant, d’un coup
dans le ventre. On dirait qu’il est impossible de virer
cette bécane à moins de 2G. Mais est-ce vraiment
nécessaire ? Le Falcon est fait pour les manœuvres
brutales du combat et semble n’avoir pas de limites. Inutile
de s’inquiéter pour la cellule, l’ordinateur
ne laisse pas le pilote passer 10G (!). Pas pour épargner
les ailes, mais pour ne pas tuer le pilote…
Je m’enhardis et apprécie rapidement la facilité
de pilotage de cet avion. Après cinq minutes, j’ai
acquis assez de contrôle pour maintenir une formation honnête,
à moins d’une envergure de l’ailier. C’est
alors que j’ai une mauvaise idée… « Colonel,
je peux essayer un tonneau ? » |
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Fly-by-wire
The F-16 kept flying
the last heading, rock solid. I acknowledged the offer with the
customary "I have the controls", releasing the pilot
from his 'hands up' position. The stick felt like an oversized
computer joystick, but unlike the Microsoft version, it didn't
really move and there was absolutely no feedback. On this bird,
sensors feed the pressure of your hand to the computer that moves
the aircraft accordingly. It takes a firm action to trigger the
computer, which filters unwanted movements and results in a swift
and accurate response, without being overly sensitive. One other
thing about the flight computer is that if you bank the aircraft,
it doesn't turn like an honest bird does. You have to apply some
back pressure to get the nose moving. And once inverted, the F-16
flies hands-off, exactly like it would with the tail up. In fact,
I had the impression to command some kind of a Playstation spacecraft,
a very strange sensation indeed.
The fastest plane I ever flew was a Piper Cherokee. In my universe,
aircraft altitude is controlled by throttle settings and you have
to coordinate ruder, ailerons and elevator to turn decently, altogether
adding power to keep flying. My first timid try at a slow heading
change was 'out of the book'. The result was disastrous! The F-16
immediately pulled a 3-G climbing turn that painfully crushed
me back in the seat. I quickly released back pressure and got
the wings level in no time. The next turn was far better. Leave
the throttle alone, then bank the machine and control the turn
rate by pulling. Once you've got it right, turning an F-16 around
is a child's game, just like arcade games. However, it doesn't
matter how gentle you are with the controls, it seems you can't
turn at less than 2-G. But then, do you want to? The aircraft
is made for brutal maneuvers, with what feels like an unlimited
flight envelope. Never mind about damaging the airframe. The flight
computer will not allow more than 10G (!). Not that the bird can't
handle it; the limit is there to protect the pilot…
Confidence builds fast and you quickly appreciate how easy the
Falcon handles, if you don't mind the accelerations. Five minutes
later I had enough control of my right hand to keep a honest (level)
formation flight, no more than a wingspan away. Then I had a very
bad idea… "Colonel, may I try to turn a roll?" |
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Rock
and Roll
Mon instructeur doit s’ennuyer
ferme car il acquiesce immédiatement : « Pourquoi
pas ? C’est toi le pilote. Vas-y et n’aie pas peur
de le secouer ». Je m’éloigne du numéro
deux et me concentre sur ma prochaine bévue : stick
à droite, pied à gauche et on pousse…
D’un coup, le cockpit se peuple d’une carte perdue,
un crayon gras, quelques vis, un bouton de braguette et pas mal
de poussière ! Tout ce bazar est collé au plafond
tandis que mon Nikon flotte comme un ballon, sa sangle capturée
par la poignée d’éjection… Je parviens
en même temps à terminer mon "tonneau barriqué
inversé", à attraper l’appareil photo
et à remettre le nez sur l’horizon, ailes à
plat. Après un court silence, l’inévitable
commentaire fuse de l’avant: « Houlala !
J’ai oublié de dire que le F-16 n’aime pas
les G négatifs. Si tu veux rester dans l’axe, il
faut juste utiliser les ailerons. » Après avoir
soigneusement rangé le Nikon dans le vide-poche, je tente
le coup à nouveau, cette fois comme à dit le Monsieur.
L’avion me gratifie d’un tonneau parfait, le nez rivé
dans le ciel. Même chose pour le 4-facettes, une acrobatie
que j’ai toujours eu du mal à maîtriser.
A ce stade, la nausée a complètement disparu et
un grand sourire déforme mon masque à oxygène.
Après une demi-heure de pitreries, je rends les commandes
à contre-cœur et reprends mon job de "grand reporter"
tandis que le colonel ramène la formation à la base.
Le paysage est grandiose ! J'ai passé la majorité
de mes heures de vol à bord d'un biplan ULM en VFR à
basse altitude. Mais même pour un pilote vétéran,
se promener à 7.000 mètres au-dessus de la mer Egée
juste sous la vitesse du son est une expérience singulière.
En effet, cet endroit a ceci de particulier qu'il n'y a pas d'horizon,
ou presque. La mer et le ciel se fondent l'un dans l'autre, ce
qui donne une dangereuse impression d'altitude infinie. C'est
donc très surpris que je constate sur l'altimètre
que nous passons 3.000 pieds, en route vers la planète
comme un Soyuz en fin de mission. Un instant plus tard, une augmentation
subite de la gravité trahit la fin de notre chute. De part
et d'autre du cockpit, des vagues passent en un éclair.
Nous sommes à altitude zéro, en route pour bombarder
la base. Si vous croyez comme moi que le bombardement est un business
plus calme que le combat aérien, détrompez-vous
! Les montagnes russes recommencent quand mon pilote bascule l'appareil
sur la tranche et fonce le long d'un gros ferry comme un missile
de croisière en finale. Deux secondes plus tard, nous survolons
le fond d'une vallée encaissée, juste au-dessus
des arbres. Visiblement, cet endroit doit être la plaine
de jeux de l'escadrille car le colonel se prend pour un guide
touristique: « A droite, les monastères du Météore.
Ils datent du 14e siècle, ne rate pas la photo ! ».
Je ne sais pas comment il veut que je prenne une photo en virage
à 6G à plus de 900 km/h. De toutes façons,
les monastères sont perchés plusieurs centaines
de mètres plus haut et les moines lancent probablement
des pierres aux F-16 venus troubler leur méditation.
Après plusieurs corridors encaissés, nous émergeons
sur une large plaine. Le Falcon est catapulté en tonneau
ascendant. La charge de bombes (simulée) passe par-dessus
l'épaule, en même temps que le reste de mon déjeuner.
C'est alors que je découvre trois rouleaux de film qui
flottent dans le sac à vomir...
Après ça, le rassemblement et l'atterrissage peuvent
être qualifiés de "tranquille", sauf pour
le passage sous les fenêtres de la tour, en formation serrée,
bien entendu. Ces gars ont vraiment le syndrome de "Top Gun"...
Je n'ai pas piloté l'atterrissage, mais j'étais
encore assez lucide pour noter que ça semble très
facile. La visibilité est excellente, malgré le
fort angle d'attaque, lequel parait encore plus important depuis
les sièges inclinés à 30°. L'ordinateur
assure un contrôle positif même à très
basse vitesse et le toucher est incroyablement doux, parfaitement
absorbé par les puissants amortisseurs. |
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Rock
and Roll
My instructor probably
found my flying boring because he immediately agreed: "Why
not? Go on, she's yours to shake". I parted from the wingman
and concentrated on my next feat: right stick, left foot, elevator
down… Suddenly, the cockpit filled with a lost map, a pencil,
a few screws and the occasional nut! All the junk went to the
ceiling, while my camera floated like a blimp, its strap captured
by the ejection loop… I managed to finish my 'inverted barrel
roll' and grab the camera at the same time, miraculously bringing
the nose back where it belongs. There was a slight delay, then
the inescapable comment from the front seat: "… Whew!
I forgot to tell you the F-16 doesn't like negative gees. If you
want to center the roll, just use the ailerons". So after
tucking the camera safely away, I tried again, this time without
elevator or rudder input. The aircraft rewarded me with a perfect
roll, nose solidly anchored in the sky. Too easy, I could even
pass a 4-point roll, something I had never achieved before.
Indeed, the nausea was all gone, and I was grinning my oxygen
mask loose. After half an hour of flight training, I reluctantly
went back to my job of taking pictures while the colonel flew
the formation back to base.
The scenery was breathtaking! Most of my flight hours were spent
in an all-composite ultralight biplane, doing low-level VFR. Cruising
at high subsonic speed 20.000ft above the Aegean sea is something
very different, even for experienced pilots, because there is
almost no horizon. The sky and the sea look absolutely the same,
which gives a false feeling of infinite altitude. So I was very
surprised when I checked the altimeter: we were passing 3,000
feet and plummeting like a doomsday comet. A few seconds later,
an abrupt increase in gravity betrayed the end of the fall. Suddenly,
waves began to flash by. We were at altitude zero, heading to
bomb the runway. If you think like I did that bombing is a serene
business compared to dogfighting, forget it! The roller coaster
began when my pilot veered sharply away, zipping along a ferry-boat
like a sea-skimming cruise missile. Two seconds later, we were
feet dry in a narrow valley, barely above treetops. Obviously,
this was the squadron's playground because the colonel gave me
constant sightseeing comments: "On your left, the Meteora
monasteries. They were built in the 14th century. Don't miss the
picture!". I don't know how he expected me to take a decent
shot in a 6-G turn just under the speed of sound. Anyway, the
monasteries were perched several hundred feet above us, with all
the monks probably throwing stones at the noisy Falcons.
Quite a few corridors later, we emerged on a large plain and pulled
up sharply in an inverted climb. The simulated bombs went away
'above the shoulder', together with the rest of my lunch. That's
when I noticed the 3 rolls of film floating in the barf bag: absolutely
disgusting!
After that, rejoining and landing was a non-event, save for the
low pass under the tower windows, all in close formation. These
guys really have a 'Top Gun syndrome'…
Even if I didn't pilot the landing, I still felt enough of it
to guess it is pretty straightforward. Visibility is excellent
even with a high incidence, which feels higher still due to the
reclining seat. The controls are efficient and accurate down to
a crawl, thanks to the computer. Touchdown was softer than in
your average airliner, despite a strong crosswind. |
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Trop
facile
Je descend l'échelle
sans trop de soucis malgré mes jambes flageolantes. Le
sergent emporte sans un mot le sac maintenant bien plein, comme
si c'était normal. Je soupçonne que je ne suis pas
le premier. Au moins je n'ai pas souillé le gilet de sauvetage,
ce qui aurait nécessité un coûteux reconditionnement.
Le prochain arrêt est au bar de l'escadrille pour un bon
jus d'orange glacé (pas de bière, je vous jure !).
Je remercie copieusement mes hôtes et une discussion animée
s'ensuit. Quand je leur dit que le F-16 semble étonnamment
facile à piloter, ils me détrompent rapidement.
Si le pilotage est simple, les nombreuses procédures de
vol ne le sont pas du tout. Voler n'est qu'une fraction du boulot
des aviateurs. Rien que la gestion des systèmes d'armes
exige une formation permanente et de nombreuses évaluations.
Sans oublier la navigation, les systèmes embarqués,
les techniques de combat et les mesures d'urgence. Enfin, les
pilotes doivent pouvoir appliquer tout cette théorie en
virage à 7G, de nuit et par n'importe quel temps. Une prouesse
qui me semble diablement ardue. Peut-être que les pilotes
de chasse sont vraiment des surhommes finalement ? Quoi qu'il
en soit, ils ont droit à toute mon admiration.
En fin de compte, cette mission m'a valu de nombreuses photos
uniques, la couverture du magazine et un article sensationnel.
Plus important encore : une demi-heure de pur bonheur aux commandes
du "Fighting Falcon". Depuis lors, j'ai eu l'occasion
d'embarquer à bord d'autres appareils de combat, mais le
F-16 reste mon favori absolu. |
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Deceptively
easy
My legs were still
shaking when I climbed out of the seat. The crewman snatched the
sickness bag without comment, for which I was very grateful. I
suspect I was not the first one… At least there was not
a drop on the Mae West.
The next stop was at the squadron for a good fresh juice (no beer,
honest!) where I profusely thanked my hosts. When I told them
the F-16 felt incredibly easy to fly, they quickly proved me wrong.
If handling the aircraft is piece of cake, the numerous procedures
are not. Flying is only 1/10th of the work. Just managing the
weapons systems require constant learning and frequent evaluation.
Not to mention nav, systems, combat and emergency procedures.
Then the pilots have to apply the theory while turning 7 gees
at night in bad weather… A feat that still seems awfully
difficult to me. Maybe fighter pilots are supermen, after all?
In any case, they earn all my respect.
In the end, this mission produced many nice pictures, which awarded
me a cover feature and a centerfold. And most important, half
an hour of pure delight flying the Fighting Falcon. Even now,
after having flown other jet aircraft, the F-16 is still my favorite. |
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