L’Américain Spencer
Lisenby a établi le record (officieux) aux commandes de
son Transonic DP à… 882 km/h !
Dynamic soaring
Vous avez dit "rapide" ?
Texte et photos : Laurent
Schmitz
Photos : Spencer Lisenby et Laurent Schmitz
Vous possédez un FunJet Multiplex et
vous croyez qu’il vole vite (±150 km/h) ? Jusqu’au
jour où un copain sort son Magnum et vous laisse sur place (250
km/h)… Pourtant, son truc se traîne comparé aux engins
de F5D (300+ km/h). Eux-mêmes sont largués par les jets
de vitesse (400+ km/h). Mais le sommet de la folie furieuse en matière
de modèle RC est détenu sans conteste par les adeptes
de planeur en « Dynamic Soaring ». Le 19 janvier 2021 sur
la pente de Parker Heights (Californie), l’Américain Spencer
Lisenby a établi le record (officieux) aux commandes de son Transonic
DP à… 882 km/h !!!
(Mise à jour
du 27 février 2023)
Spencer Lisenby vient à nouveau de battre son propre record
avec la vitesse phénoménale de... 907 km/h ! Pas
grand-chose à voir tellement ça va vite.
Le planeur est un Transonic de
3,30 m d'envergure pesant environ 8 kg.
Vidéo du record du monde
de vitesse en planeur RC :
548 mph, soit 882 km/h !
C’est hallucinant !
En cette époque de modèles toujours plus faciles à
mettre en œuvre et à piloter, beaucoup d’aéromodélistes
"dégrossis" pratiquent plusieurs disciplines : du warbird
au voltigeur en passant par le planeur ou le drone. Et pourquoi pas,
puisque désormais il n’est plus nécessaire de vendre
un rein pour s’offrir un appareil performant. Tôt ou tard,
l’escadrille compte un modèle rapide car il faut bien avouer
qu’en matière de sensations, quoi de plus grisant que la
vitesse ? Pour s’embarquer dans cette aventure, rien de tel qu’un
modèle en mousse "indestructible" (il en aura besoin
!). Mais attention, voler vite est une drogue ! Une fois les réflexes
affinés, l’engin n’offre plus assez d’adrénaline
pour satisfaire son propriétaire. Après une brève
période pendant laquelle le modéliste tente de changer
les accus, l’hélice ou le KV du moteur, il doit bien se
rendre à l’évidence : seul un modèle haut
de gamme peut soulager durablement sa dépendance. Finies les
mousses chinoises, on entre dans le domaine des artisans et du carbone/kevlar.
Les avions les plus rapides ont une forme de motoplaneur, avec des ailes
fines comme des lames et un fuselage offrant le minimum de traînée.
Les plus fortunés peuvent aussi satisfaire leur vice avec un
modèle à turbine. Mais pour aller encore plus vite, la
meilleure solution est d’abandonner le moteur pour se reconvertir
au… vol de pente !
Spencer Lisenby au décollage.
Notez que jusqu’il y a peu, il volait en FM, car la technologie
2.4GHz supportait mal la structure en carbone des modèles
de DS.
"Dynamic Soaring"
Le "Dynamic Soaring" ou "vol de gradient" se pratique
derrière la pente, dans la zone considérée en général
comme dangereuse, celle où il ne faut sous aucun prétexte
mettre les ailes…
Le planeur décrit une trajectoire en forme de looping incliné
de façon à profiter à chaque tour d’une accélération
gratuite. Petit exemple pour comprendre le phénomène...
Imaginez une pente avec un vent de 50 km/h. Le planeur franchit la crête
vent dans le dos à 90 km/h de vitesse "sol", soit 40
km/h de vitesse "air". Lorsqu’il plonge dans la zone
d’air immobile au fond de la cuvette, sa vitesse "air"
passe aussitôt de 40 à 90 km/h. Il "rebondit",
ralentit un peu dans le virage et remonte la pente sur sa lancée,
à 70km/h (vitesse "sol" et "air"). Quand
il heurte le vent de face, sa vitesse "air" monte instantanément
à 70+50 = 120 km/h. Il tourne brutalement et perd au passage
20 km/h de vitesse "air" puis plonge à nouveau dans
la zone immobile, cette fois à 100 km/h de vitesse "air".
Mais comme l’air lui-même avance à 50 km/h, c’est
avec une vitesse "sol" de 150 km/h qu’il pique maintenant
! Chaque passage de l’interface entre l’air en mouvement
et l’air immobile va lui apporter un peu plus d’énergie
et de vitesse. C’est un véritable moteur qui se met en
route. Théoriquement, le planeur pourrait accélérer
sans fin. Cependant, les frottements augmentent avec le carré
de la vitesse et il vient un point où la résistance de
l’air annule l’effet "DS". Le planeur est alors
à sa vitesse maximale… s’il ne s’est pas désintégré
avant !
Principe du DS schématisé.
Vu comme ça, on dirait presque que c'est facile.
Albatros
Notez que les aéromodélistes n’ont rien inventé.
En 1883, Lord Rayleigh publiait déjà un article dans la
revue Nature décrivant comment les albatros pouvaient parcourir
des milliers de kilomètres sans un battement d’aile. Ces
astucieux volatiles sont en effet de véritables experts du DS.
Depuis des millions d’années ils exploitent l’effet
créé en mer par le vent à la crête des vagues.
Mais ce n’est qu’en 1996 que l’américain Joe
Wurts eut l’idée d’appliquer la même recette
en planeur radiocommandé. Comme à cette époque
Internet devenait populaire, l’idée a fait son chemin parmi
la communauté des védépistes de la côte ouest.
Après de nombreux essais et un nombre incalculable de crashes,
la petite bande d’intrépides pilotes avait posé
les bases du DS.
A l'issue d'un vol particulièrement
rapide, pilote et chronométreur exhibent fièrement
les radars : 500MPH sur celui de gauche et 505MPH pour celui de
droite (±812 km/h!).
Malgré tout, cette discipline récente dans l’aéromodélisme
reste franchement confidentielle, pour plusieurs raisons. Tout d’abord
il faut trouver une pente adéquate. Si de nombreux sites de vol
de pente sont bien répertoriés et connus, les pentes connues
pour le DS se comptent sur les doigts d’une main. Le candidat
au DS doit donc explorer, tester et découvrir les sites appropriés
à proximité. Une fois la pente idéale trouvée,
il faut encore avoir les nerfs et les réflexes compatibles avec
ce type de vol. Ah, et une acuité visuelle sans faille…
Sans parler d’un modèle approprié.
C'est un peu flou mais à cette
vitesse il faut déjà pas mal de chance juste pour
capturer ce K2M en action sur la pente de Weldon.
Pour débuter les ailes volantes en mousse sont idéales
car elles souffrent rarement de « flutter », ce qui leur
permet d’atteindre facilement de hautes vitesses. Et bien sûr,
elles survivent mieux aux inévitables rencontres avec le relief.
Mais pour flirter avec les vitesses réellement insensées,
il faut acquérir un planeur adapté. Seuls quelques modèles
sont disponibles dans le commerce. Il s’agit d’appareils
coûteux, extrêmement solides et qui font massivement appel
aux matériaux composites. Ces engins résistent aux facteurs
de charge ahurissants lors des virages serrés mais en cas de
touchette à haute vitesse, ils n’ont aucune chance et sont
proprement pulvérisés. Ce n’est pas sans danger
d’ailleurs. Lors du record du monde de 2015 à 826 km/h,
le Kinetic 130 DP pesait près de 15 kg. A cette vitesse
un impact dégage autant d’énergie qu’une collision
frontale avec une Citroën C4 "Cactus" lancée à
100 km/h... Raison pour laquelle il est recommandé aux pilotes
et spectateurs de DS de se tenir à l’abri derrière
une protection ad hoc. Un simple grillage ne suffit pas, mieux vaut
un bon gros rocher.
Le modèle du record du monde
précédent. 330 cm pour une quinzaine de kilos. Je
ne sais pas ce qui est le plus impressionnant : la vitesse de
826 km/h ou les 60G encaissés à chaque virage !
Interview :
Spencer Lisenby, pilote RC le plus rapide au
monde !
Spencer Lisenby avec le
Transonic DP du record actuel.
Spencer, quand as-tu débuté
en aéromodélisme et comment t’est venue
l’idée de pratiquer le DS ?
« J’ai commencé en 1999 avec une
aile volante Zagi sur le site de Stone Mountain, près d’Atlanta
en Géorgie. Je ne connaissais personne et comme le vent
à cet endroit est assez faible, je n’ai pas progressé
très vite. Puis j’ai rencontré John Kessler
qui m’a appris les rudiments du DS sur la digue du lac Carter.
»
As-tu des conseils pour ceux
qui veulent tenter le DS ?
« Ah, je conseille vivement le DS à tous
les amateurs de vitesse. C’est à mon avis le meilleur
moyen de prendre son pied en vol radiocommandé ! En DS
on "sent" réellement l’énergie des
masses d’air. Si vous pouvez vous faire aider par quelqu’un
qui a déjà des notions, c’est bien sûr
préférable, ça vous évitera pas mal
de casse. Le plus simple est de débuter avec un modèle
simple et peu coûteux, comme un JW (www.JWglider.com).
Une fois que vous maîtrisez les circuits sans planter le
modèle, vous pouvez envisager un appareil plus "pointu",
comme ceux qui se trouvent sur mon site www.DSKinetic.com.
»
Crois-tu qu’il est possible
de voler encore plus vite ?
« Pendant le record de 2015 nous avions mesuré
un vent de seulement 97 km/h. Il est certainement possible de
voler encore plus vite car des rafales de 180 km/h ne sont pas
rares ! Dirk Pflug et moi avons développé le planeur
Transonic DP, un design qui devrait permettre d’atteindre
les 925 km/h. Pour aller encore plus vite, des ailes en flèche
seront nécessaires. Se posera alors le problème
du comportement à basse vitesse. »
Pourquoi ne pas utiliser un
GPS embarqué et la télémétrie au
lieu d'un pistolet-radar pour mesurer la vitesse ?
« Les GPS » « grand public »
perdent le signal au-delà de 4G d'accélération.
Or, nos modèles encaissent typiquement plus de 60G (!)
pendant une session DS à haute vitesse. Alan Cocconi a
bien mis au point un tube pitot avec télémétrie,
mais cette solution est sensible aux écarts de température
et moins précise que le radar.
Il est intéressant de noter que nous mesurons la vitesse
dans la trajectoire montante, qui est aussi la plus lente. La
vitesse maximale d'un circuit est à peu près 10%
plus élevée mais il faudrait que le radar se trouve
au fond de la cuvette. Ce ne serait pas pratique et il serait
difficile de comparer les vitesses avec d'autres pilotes, d'autres
modèles et d'autres sites. »
Ces records de vitesse sont
« semi-officiels ». Quelles règles suivez-vous
?
« Au début, on exigeait au moins trois
circuits avant de mesurer, pour éviter que le pilote effectue
un simple piqué vertical. Cette règle a vite été
abandonnée car les vitesses en DS sont beaucoup plus élevées
que la vitesse terminale en chute libre. En revanche, il faut
utiliser un radar calibré et avoir un témoin. Si
en plus on a une vidéo, c'est un avantage, mais ce n'est
pas indispensable. Le système repose sur l'honneur mais
la communauté DS est si petite que je doute que quelqu'un
triche. »
As-tu pensé à
faire valider les records par la FAI (Fédération
Aéronautique Internationale) ?
« J'y ai pensé mais ça ne vaut pas
le coup. Je sais déjà à quelle vitesse je
vole et c'est le plus important pour moi. Je ne vois pas ce qu'il
y a à gagner à faire enregistrer un vol officiellement.
De nos jours n'importe qui peut battre l'ancien record sur un
site de DS ; la différence de vitesse est telle que je
ne sais pas si l'actuel record FAI est encore relevant. Je préfère
me concentrer sur la mise au point d'un nouveau modèle
ou la recherche d'un design capable de battre le record "officieux".
»
Combien coûte un modèle
DS « sérieux » ?
« Un Kinetic 130 DP en "ready to fly"
se vend à peu près 4.800€. Pour un modèle
plus petit, il faut compter 2.200€. »
Combien de temps dure une séance
?
« Bien sûr, ça dépend du nombre
de pilotes à la pente. Si, on est seul, on peut voler une
heure. Les débutants font bien de limiter la durée
des vols car au début il est difficile de rester concentré.
»
Où se posent les modèles
en fin de séance ?
« Les meilleures pentes de DS ont un espace dégagé
et exempt de rochers proche du sommet. De cette façon,
le planeur perd la portance dynamique tout en restant face au
vent. Et bien entendu il faut utiliser les volets de courbure
pour un atterrissage pas trop dur. »
Est-ce que la pratique du «
Dynamic Soaring » est dangereuse pour le pilote et les
spectateurs ?
« N'importe quel vol RC présente des dangers.
Je compare ça à d'autres activités comme
l'escalade, le Snowboard ou le parachutisme. Les adeptes doivent
en être conscients, accepter les risques et assumer les
responsabilités. Sur le terrain, nous adoptons systématiquement
des procédures sûres et simples, basées sur
une solide dose de bon sens. Le bon sens est d'ailleurs aussi
d'application pour les spectateurs, qui doivent choisir un emplacement
protégé et toujours garder un œil sur les modèles
pendant les vols de vitesse. Il est aussi essentiel d'inspecter
soigneusement le planeur avant et après chaque session.
(ndlr : à 60G un Kinetic 130 "pèse" près
de 900 kg !).
Heureusement, les sites de DS sont généralement
très isolés. Si d'aventure des randonneurs s'approchent,
le pilote éjecte aussitôt son modèle de la
zone DS, le temps qu'ils soient passés. »
Le Kinetic sous un arc-en-ciel. On
apprécie bien les lignes épurées du modèle.
Records homologués FAI
Vol
circulaire F2O
RC moteur électrique F5O
RC moteur thermique F3O
RC planeur F3O: 240 km/h
RC
hélico thermique F3O
RC hélico électrique F5O
RC
moteur solaire F5O
396
km/h
482 km/h
405 km/h
240 km/h
145 km/h
289 km/h
80 km/h